Histoire du quinquennat

Rafle du Vel d'Hiv

C'était cette année le 70e anniversaire de la rafle...

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L'occasion de revenir sur une ancienne polémique, finalement toujours vivace. La République devait-elle s'excuser pour la compromission de l'Etat vichyste ? On sait que de de Gaulle à Mitterrand, la France s'y sera toujours refusée et qu'il fallut attendre Chirac en 95 pour que cela fût fait avec l'instauration d'une Journée nationale à la mémoire des victimes de crimes racistes et antisémites de l’État français.

Toute l'épopée gaulliste repose sur un coup magistral, nécessairement symbolique, où la légalité se dissociant de la légitimité, laisse à Vichy les apparences du pouvoir et la réalité de l'indignité et s'empare avec la création du Comité national français (Ordonnance du 23 septembre 1941) de toute la légitimité du pouvoir. Dès lors tout ce qui provient de l'Etat Français en tant que tel est nul est non avenu ce que confirmera à la Libération l'Ordonnance du 9 Août 1944.

Quel statut pour le régime de Vichy ?

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Il y a quelque logique à ceci et, sans doute aussi une nécessité politique. De Gaulle ne pouvait, faute d'apparaître comme un traître à la patrie, continuer le combat sans en même temps s'arroger la dignité d'incarner à lui seul puis avec les combattants de la France libre, la France. D'où, à la Libération le refus explicité de proclamer la République arguant que celle-ci n'avait jamais cessé d'exister. La France rentre à Paris déclare-t-il le 25 Août 44.

Mais ceci évidemment ne pas pas sans controverse sur la nature du régime de Vichy :

- d'un point de vue formel Vichy a la même personnalité de droit public et international que la République française parce que c'est le Parlement qui a investi le maréchal Pétain du pouvoir de former un gouvernement et de demander l'armistice : à l'appui de cette thèse, ses tenants rappellent que jusqu'à fin 1944, les ambassades des États étrangers dialoguaient toutes avec le gouvernement Pétain et non avec la « France libre ».

- d'un point de vue politique, qui fut celui adopté par de Gaulle et par tous les présidents de la République tant de la IVE que de la Ve jusqu'à Chirac, pendant les quatre années d'occupation, la continuité historique et juridique de l'état français revient à la « France libre », au Conseil de défense de l'Empire, au Comité national français, au Comité français de la Libération nationale (reconnu par les Alliés le 26 août 1943) et au Gouvernement provisoire de la République française : à l'appui de cette thèse, ses tenants rappellent qu'en 1940, le parlement qui a voté les plein pouvoirs au maréchal Pétain ne s'est pas réuni librement et régulièrement, mais sous la pression de la panique provoquée par l'offensive allemande. L'Ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental tranche toutefois la question juridique et réaffirme ainsi que « La forme du gouvernement de la France est et demeure la République. En droit celle-ci n'a pas cessé d'exister » et que « Sont, en conséquence, nuls et de nul effet tous les actes constitutionnels, législatifs ou réglementaires, ainsi que les arrêtés pris pour leur exécution, sous quelque dénomination que ce soit, promulgués sur le territoire continental postérieurement au 16 juin 1940 et jusqu'au rétablissement du Gouvernement provisoire de la République française.» tout en organisant en outre le retour à la légalité et à l'ordre républicain.

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De ce point de vue on peut effectivement considérer que la reconnaissance qu'a faite Chirac en 95 de la responsabilité de la France constitue une véritable rupture avec la doctrine gaullienne qui ne reconnaissait pas en Vichy l'autorité politique légitime de la France. Au crédit de la thèse gaulliste, il faut évidemment compter le fait qu'elle permit à la France à la fois de laver son honneur et, politiquement, de figurer en 45 dans le camp des vainqueurs. Au débit, qu'elle empêcha longtemps le pays de regarder son passé en face et de tirer les conséquences à la fois de ses lâchetés, de ses compromissions, de ses errements. 1

Sans doute fallait-il que la leçon fût tirée et ce n'est sans doute pas un hasard si, belle figure d'unanimité nationale, deux ans après Jospin lui-même en reprit le fil. On sait que Sarkozy peu friant des excuses et des contritions de ce genre fit l'impasse sur la question. Hollande dans le discours qu'il fera dans quelques jours devrait manifestement se situer dans la ligne de Jospin plutôt que dans celle de Mitterrand mais il n'est pas certain qu'il faille n'y voir qu'un effet de génération.

La grande colère de Badinter

C'est que le point de vue de Mitterrand reprenant celui de de Gaulle est loin d'être inepte. Mais tellement obscurci par le passé supposé trouble de Mitterrand et la poursuite de ses relations avec Bousquet après la guerre - un Bousquet directement impliqué dans la rafle du Vel d'Hiv'.

On se souvient qu'en 92, lors de son ITV du 14 juillet, Mitterrand avait refusé de reconnaître la responsabilité de la République et que ce fut l'occasion deux jours plus tard de huées et d'invectives du type Mitterrand à Vichy ! lors de la cérémonie de commémoration à laquelle Mitterrand, premier président à le faire, avait décidé d'assister tout en laissant le soin à Badinter, alors président du Conseil Constitutionnel, de prononcer un discours.

Ce fut l'occasion d'une colère mémorable de Badinter, qui laissa des traces. Certes, on est alors en 92 avant que ne se sachent les relations Mitterrand/Bousquet mais quand même ! Au delà de la polémique contre Mitterrand, au delà du fait qu'effectivement une telle commémoration n'était sans doute pas le lieu de telles invectives, au delà du fait souvent signalé depuis, qu'il n'est jamais bon que l'histoire soit prise en otage par le politique et que ceci est presque toujours le risque dès lors que l'on s'engage dans des lois mémorielles, il faut néanmoins se rappeler que Badinter est aussi un juriste et qu'il ne peut pas rayer d'un trait ce que l'attitude mitterrandienne peut signifier à la fois d'un point de vue constitutionnel et politique.

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La position qui n'est pas que de seule rhétorique consiste pour Mitterrand à prendre le point de vue de la République et pas de la France. La République peut s'honorer effectivement d'avoir été irréprochable sur la question des discriminations raciales et ceci depuis la Révolution avec l'émancipation des Juifs, et dès 1870 avec le décret Crémieux qui accorda la nationalité française aux quelques 35000 juifs d'Algérie - abrogé dès Octobre 40 par le régime de Vichy via Peyrouton. De ce point de vue, pourquoi alors effectivement présenter des excuses pour des actes que la République n'a pas commis alors même que toute sa politique fut traditionnellement à l'encontre systématique du racisme institutionnel des nazis et de Vichy ? La confusion vient alors peut-être de l'utilisation, pour désigner le régime de Vichy, de l 'expression État Français et de la tendance à parler aujourd'hui indifféremment de l'Etat ou de la République. Qu'il y eut entre 40 et 44 un État de fait est incontestable ; qu'il fût républicain l'est totalement. Que la structure étatique se fût mise au service de l'occupant, et ceci jusque dans ses aspects les plus indignes, ne peut faire l'objet de débat - et des figures comme Bousquet, mais aussi Papon, sont là pour le montrer.

Il m'a toujours semblé étonnant que les deux points de vue ne fussent pas conciliable : que dans son histoire, la France se soit égarée ; que Vichy représente très exactement la honte et une tache indélébile ; que le pays par lâcheté, impuissance et parfois enthousiasme, se soit un temps vautré dans les remugles du fascisme tout ceci est une évidence qu'il devra bien un jour regarder en face et sans nul doute la reconnaissance chiraquienne de 95 en fut-elle le premier pas. Mais, pour autant, ce fut l'honneur de la République d'avoir toujours trouvé des hommes pour s'insurger, et d'abord un seul, pour porter le flambeau de la liberté et de l'égalité. Que cet homme fût un militaire, fait partie de ces ironies que l'histoire réserve parfois, de ces chances que les grands savent saisir mais constitue en même temps une grande leçon de politique.

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Alors oui, c'est pour cette part d'histoire, pour cette frange de fonctionnaires qui se mirent au service des plus basses oeuvres qu'il faut s'excuser. Mais non, la République n'a rien à y voir. Et elle ne doit cesser de le proclamer. Rien ne s'efface jamais et Hegel n'a pas tort de rappeler que la grande leçon de l'histoire c'est qu'on n'en tire jamais aucune leçon. Mais il y eut bien un temps où il fallut rebâtir et réconcilier. Mais l'on ne bâtit rien sur la haine et donc rien sur cette volonté systématique de fustiger les égarés. Mitterrand a raison de ce point de vue : non qu'il faille passer l'éponge - l'histoire et la mort s'en chargent bien - mais il est vrai que c'est sur un projet que s'élabore notre histoire ; que ce projet demeure radicalement républicain et qu'il est vain de sans cesse battre une coulpe qui ne flatte que les contritions faciles.

Peut-être suffit-il de rappeler combien la république est fragile et nécessite d'être reconstruite à chaque instant ! combien aussi dans nos démarches et nos choix, mais cela nous le savions déjà, la raison nous est de peu d'aide qui peut justifier tout. Le salaud, c'est l'autre mais c'est peut-être aussi nous demain ! si facilement. Combien dans notre ivresse à vouloir tout expliquer et notre rage à tout théoriser, parfois, nous nous laissons prendre à notre propre piège

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C'est cela aussi qu'Arendt rappelait avec la banalité du mal.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


autour de l'identité nationale


1)Le devoir d'Histoire
par Denis Jeambar
L'Express 02/10/1997

Nous avons été les acteurs, au cours du demi-siècle qui s'achève, d'une époque finalement trop facile. Tout était simple: les vérités étaient idéologiques, donc proclamées et peu contestables. Il fallait être de droite ou de gauche, pour l'Ouest ou pour l'Est, résistant ou collabo... Ce manichéisme était commode et confortable: il permettait une entente tacite sur les sujets de conflit et d'oubli. Ainsi, la France aura longtemps feint d'oublier le régime de Vichy grâce à un compromis habile, mais aussi nécessaire à la reconstruction, voulu par le général de Gaulle. Il y avait les héros, un peuple innocent, et les salauds châtiés à la Libération.

S'il est faux de dire que la collaboration n'a pas été jugée après la guerre, il est tout aussi faux d'affirmer que les Français ont procédé à un examen de conscience sur leur comportement entre 1940 et 1945. Comme l'écrit Paul Thibaud dans la revue Le Débat de ce mois, la France idéale et la France réelle ont bricolé un arrangement avec la complicité active du général de Gaulle, qui, dès son entrée dans Paris en août 1944, proclamait: "Vichy fut toujours et demeure nul et non avenu." C'est ce décret marmoréen que le procès Papon remet aujourd'hui en question, au terme d'un lent processus d'érosion qui s'achève à Bordeaux, par un devoir de mémoire plus ambigu cependant qu'il n'y paraît à première vue. Les héritiers de l'homme du 18 Juin, Pompidou et Mitterrand, ont l'un et l'autre voulu défier cette figure tutélaire et son geste indépassable. La grâce accordée à Touvier, la protection offerte à Bousquet n'eurent d'autre objet que refermer la parenthèse gaulliste pour banaliser une fois pour toutes la période vichyste et la collaboration. En vain. Nous revoilà avec notre passé glauque sur les bras, contraints de le juger avec un demi-siècle de retard et poussés à condamner, à travers un homme, une époque et un régime.

Visiblement, la France a besoin de cette contrition, comme en témoigne le confiteor de l'Eglise, cinquante ans après la Shoah. A quand, d'ailleurs, le mea culpa d'autres institutions qui ont aussi gravement failli: l'Université, le Conseil d'Etat, la magistrature... Le repentir et le travail de mémoire exigent un devoir d'Histoire qui ne se résume pas à un grand moment d'émotion nationale. Maurice Papon ne doit pas être un bouc émissaire et son procès, un rituel expiatoire. C'est l'occasion de regarder notre passé tel qu'il fut, sans chercher à effacer la matrice de notre drame: un effondrement républicain général dont on voit qu'il nous menace encore aujourd'hui.