Elysées 2012

Du côté des medias

leçons du passé leçons politiques leçons de communication

 

Je vois trois enseignements là aussi de cette campagne qui s'achève :

- l'interconnexion de tous les supports d'abord. La prolifération des chaînes d'infos en continu de la TNT, la diffusion vidéo de très nombreuses émissions de radio de France Inter, RTL comme Europe1, leur accessibilité autant sur les sites de partage que sur les smartphones, les systèmes d'alertes de ces chaînes sur les mêmes smartphones ... tout cela aura rendu un suivi de la campagne beaucoup plus complet que ce ne fut jamais le cas. Fini le temps où l'on calait les heures des meetings sur le JT de 20h et les bonnes phrases des discours en tout début pour qu'elles puissent y être reprises ... Désormais ce sont tous les meetings, de tous les candidats que le téléspectateur internaute aura pu suivre. Et il l'a manifestement beaucoup fait. De ce point de vue il n'est pas vrai que la campagne n'a pas intéressé : elle fut énormément suivie et tous les medias ont connu une forte croissance de leur audience, même si ce n'est pas sur leur canal naturel.

- la magie et le danger du direct tous azimuts : on nous avait vanté en 2007 les mérites du participatif. Le voici qui renaît sous la forme du live présent par exemple sur le site du Monde ; des tweets des journalistes postés sur le vif au moment même de l'événement, relayés sur le live, qui nourriront dans un premier temps le blog du journaliste puis dans un second, avec le recul, son article définitif publié sur papier ou seulement sur le site du journal. Tourbillon incessant où chacun peut être producteur sinon d'information en tout cas de commentaires, où se réinvente le métier de journaliste et demain la place peut-être de la presse papier par rapport aux autres médias, en particulier en ligne ou TV. Pour autant le danger n'est plus celui d'une manipulation que ferait encourir le direct : le fast-checking, qu'on aura retrouvé jusque et y compris durant le débat, où aucun chiffre n'aura pu être avancé sans être, presque immédiatement validé, corrigé ou nié par les décodeurs de service, a fait son entrée dans les médias et les élections ... ce qui ne veut pas dire que d'autres manipulations ne seraient plus possibles ! Non le vrai danger désormais, sous le scoop c'est le coup de com, perçu comme tel, relayé comme tel, qu'on n'évaluera plus que comme tel et qui ... ne laissera pas de trace.

- la reprise en main de la communication web. Si en 2007, artisanat des débuts oblige, les équipes avaient eu toutes les audaces et, il faut le dire, toutes les marges de manoeuvre possibles parce que les équipes de campagne ne les prenaient pas véritablement au sérieux ; en 2012 en revanche les équipes de campagne furent enclines à reprendre la main sur tous les canaux de communication. Finie l'inventivité du web, des forums, des chats ... Jusqu'aux meetings dont les images n'étaient plus produites par les TV mais simplement relayées par elles, fabriquées qu'elles étaient par le staff de campagne de chaque candidat. Cette élection qui devait pourtant être l'apogée des gourous de la com, aura peut-être été finalement le début de leur déclin : les coups de com furent nombreux ... ils firent à peu près tous flop ! Pris dans l'ivresse de l'immédiat, du direct, chaque information, chaque annonce, chaque scoop aura chassé le précédent aussi rapidement qu'il avait été annoncé. Les stratégies électorales semblent marquer le pas devant cette tyrannie de l'immédiat qui donne à la campagne une allure follement décousue et empêche de marteler quelque slogan que ce soit, d'imposer quelque thème que ce soit, voire même de pouvoir utiliser les événements (Toulouse). Cela produit de belles images, de superbes mises en scène mais ne crée nul débat. La com a tué la com.

Paysage étrange finalement que celui de cette campagne où l'on ne peut pas vraiment dire que rien ne se soit passé, où l'on ne peut pas dire non plus que rien eût laissé de trace.
Rencontre d'un homme avec le peuple
, serine jusqu'à satiété la doxa gaulliste ?

Rencontre peut-être ? dialogue sûrement pas. Le dialogue est appel de l'autre, est combinatoire où tour à tour l'un est l'autre est locuteur et auditeur. Le peuple n'a qu'une arme à deux coups ! mais l'essentiel n'est pas là mais dans ces stratégies de l'immédiat, dans la conception de la campagne comme une démarche marcketing où ce qui importe serait plus la cohérence des séquences enchaînées que la pertinence des propositions ou programmes.

On doute
La nuit...
J'écoute : -
Tout fuit,
Tout passe
L'espace
Efface
Le bruit.