Elysées 2012

Leçons politiques de la campagne

leçons du passé leçons politiques leçons de communication

 

Il y en a finalement trois que nous avons successivement repérées tout au long de cette campagne :

- une montée de la radicalité : même s'il est évidemment fallacieux de mettre sur le même plan politique les programmes du Front de Gauche et du FN, même si les ramener au même concept fallacieux et sulfureux de populisme est une absurdité, il n'empêche que de manière respective, en miroir, comme des négatifs photographiques l'un de l'autre, ils auront exprimé une radicalité forte.
Après des années de politiquement correct et de pensée unique où le franc refus du libéralisme financier d'un côté et le retour inquiétant aux pires souvenirs de la droite maurrassienne contraignaient à ne pouvoir choisir qu'entre une droite libérale et un social-libéralisme qui paraissait avoir perdu ses codes fondamentaux - et ses illusions- dans ses années d'exercice du pouvoir (trois fois cinq années entre 81/86 ; 88/93 et 97/2002) après des années où ce radicalisme ne paraissait pouvoir s'exprimer que sous l'aune d'un vote protestataire, voici que, discours rhabillés de respectabilité au FN, et reconstruction d'un corpus idéologique cohérent au FG, la radicalité fait son entrée forte au premier tour : respectivement 11,11% et 17,9% cela fait quand même 29% de l'électorat qui échappent aux traditionnels partis de gouvernements - presque un tiers de l'électorat prêt à prendre le risque. Effet de crise, sans doute ; protestation sans doute ... mais au delà ne pas sous-estimer la recomposition idéologique que ceci suppose.
Les commentateurs verront sans doute d'abord ce que ceci implique de recomposition du paysage politique et s'ils n'ont pas tort de rappeler que chaque élection présidentielle rebat les cartes pour cinq ans et que ce qui est en train de se passer renverra demain à un horizon politique inédit, il faut quand même insister sur les profondes mutations idéologiques en cours.
A gauche, la renaissance d'un courant à la gauche du PS, traduit la profondeur d'une mutation idéologique forte après l'effondrement du PC : les références à 89 plutôt qu'à 17 ; la planification écologique, inédite au PC ; l'insurrection citoyenne représentent des révolutions théoriques qui ne sont sans doute pas achevées mais qui ne cesseront à l'avenir de dérouler leurs effets.

A l'extrême-droite, la stratégie de dédiabolisation, la tentative de camoufler les aspérités douteuses des anciens mais surtout, cette volonté franche de peser dans le débat politique et de parvenir demain au pouvoir - ce qui n'était assurément pas l'objectif de JM Le Pen, marquent là aussi une véritable rupture politique que la volonté, demain, d'être chef de la nouvelle opposition, proclamée au soir du premier tour, illustre parfaitement.

Oui, décidément, il y a là une grande nouveauté : ces deux votes-là risquent bien ne n'être plus marginalisés dans les prochaines années . Et cela change tout !

- la dérive droitière de la droite républicaine : repérée, dénoncée par plus d'un au point de susciter le vote de Bayrou, elle marque d'abord un étonnant choix stratégique du camp Sarkozy. Victoire de l'influence de Buisson sans doute, d'un certain cynisme politique assurément, mais aussi de la sur-estimation par Sarkozy de ses propres capacités peut-être, cette stratégie est l'exacte inverse à la fois de celle de 2007 et de l'orthodoxie électorale. D'ordinaire on clive au premier tour et on rassemble au second. C'est ce qu'il avait fait en 2007 où modulant à la fois sur la rupture et sur le j'ai changé, Sarkozy avait au second tenu un propos suffisamment républicain pour à la fois pouvoir bénéficier d'une bonne partie du report du FN et ne pas heurter l'électorat Bayrou. Cette année il prit tout le monde de revers, et accentua le clivage jusqu'à y faire perdre son latin à certains de ses partisans. Plus grave, elle augure mal de la suite... L'UMP aura difficulté à survivre dans sa forme actuelle et chacun mise sur une recomposition à droite. Un tabou en tout cas a déjà été levé : le dialogue, sinon les alliances, ne sont plus impensables au yeux de certains (1) . C'est ainsi derechef l'horizon politique qui se bouche ou au contraire s'ouvre : les manoeuvres vont fuser dès dimanche soir et, à l'UMP, commencent déjà, avec en embuscade, l'oeil gourmand de M Le Pen. Sans doute, pour longtemps, la droite cessera de ressembler à ce qu'elle fut depuis 30 ans. Le gaullisme est mort enterré par ses propres enfants et si le centre peut encore jouer un rôle c'est un rôle à la fois piégé et piégeux.

- une fabuleuse désillusion : à la veille d'une alternance probable, en tout cas bien plus qu'en 2007, on ne peut pas vraiment dire que la ferveur soit au rendez-vous même si elle le fut parfois à gauche dans les meetings de campagne de Mélenchon. C'est bien évidemment que le contexte de crise est lourd qui empêche de rêver au grand soir ; c'est que le score de l'extrême droite et les collusions successives ont vraiment de quoi noircir le tableau. Hollande a l'habitude de dire que l'état de grâce ne durera pas plus de deux jours ; Sarkozy dit qu'avec lui la catastrophe commencera dès les deux premiers jours ... : il y a vraiment dans tout ceci un côté sinon apocalyptique en tout cas catastrophiste. Ce peut être un avantage : Obama aura d'autant plus déçu qu'on en attendait beaucoup ; ce fut, après tout aussi le cas pour Mitterrand en 81 ! Ici on s'attend tellement à rien ou au pire qu'il va être difficile d'être déçu. Néanmoins, la gauche ne pourra pas se permettre le luxe d'échouer : cela se paierait du retour de la droite extrémisée - comme une gifle.

Leçons de communication


1) cf Longuet