Considérations morales

Shopenhauer
Le Monde comme Volonté de Représentation réédition P.U.F. 2004, p. 27-28.

 

"Ce qui connaît tout le reste, sans être soi-même connu, c'est le sujet. Le sujet est, par suite, le substratum du monde, la condition invariable, toujours sous-entendue de tout phénomène, de tout objet; car tout ce qui existe, existe seulement pour le sujet. Ce sujet, chacun le trouve en soi, en tant du moins qu'il connaît, non en tant qu'il est objet de connaissance. Notre propre corps lui-même est déjà un objet, et, par suite, mérite le nom de représentation. Il n'est, en effet, qu'un objet parmi d'autres objets, soumis aux même lois que ceux-ci; c'est seulement un objet immédiat. Comme tout objet d'intuition, il est soumis aux conditions formelles de la pensée, le temps et l'espace d'où naît la pluralité.

Mais le sujet lui-même, le principe qui connaît sans être connu, ne tombe pas sous ces conditions; car il est toujours supposé implicitement par elles. On ne peut lui appliquer ni la pluralité, ni la catégorie opposée, l'unité. Nous ne connaissons donc jamais le sujet; c'est lui qui connaît, partout où il y a connaissance".