Il y a 100 ans ....

Suite du discours de Maximilien Robespierre sur la guerre prononcé à la société des amis de la constitution le 11 janvier 1792, l'an quatrième de la révolution

 

Est-il vrai qu'une nouvelle jonglerie ministérielle ait donné le change aux amis de la liberté sur le véritable objet des projets de ses ennemis? Est-il vrai qu'une proclamation illusoire émanée du Comité des Tuileries ait suffi pour renverser en un moment nos principes, et nous faire perdre de vue toutes les vérités dont l'évidence nous avait frappés? Est-il vrai que les tyrans de la France aient eu quelque raison de croire que les citoyens, dont ils feignent de redouter l'énergie, ne sont que des êtres faibles et versatiles, qui applaudissent tour à tour au mensonge et à la vérité; qui, changeant du jour au lendemain de sentiments et de systèmes, leur laissent tous les moyens d'exécuter impunément le plan de conspiration qu'ils suivent avec autant de constance que d'activité? Non; je vais vous prouver, du moins, que les nouvelles ruses de nos ennemis intérieurs confirment notre système: on s'épargnerait à cet égard beaucoup de discussions, si l'on voulait ne jamais sortir du véritable état de la question.

Toute celle où je vais entrer n'aura d'autre but que d'y ramener encore une fois mes adversaires.

Est-il question de savoir si la guerre doit être offensive ou défensive; si la guerre offensive a plus ou moins d'inconvénients; si la guerre doit être faite dans quinze jours ou dans six mois? Point du tout; il s'agit, comme nous l'avons prouvé, de connaître la trame ourdie par les ennemis intérieurs de notre liberté qui nous suscitent la guerre, et de choisir les moyens les plus propres à les déjouer. Pourquoi jeter un voile sur cet objet essentiel? Pourquoi n'oser effleurer tant d'ennemis puissants, qu'il faut démasquer et combattre? Pourquoi prêcher la confiance lorsqu'elle est impossible? Je demande aussi la guerre; mais je dirai à qui et comment il faut la faire.

Tout le monde paraît convenir qu'il existe en France une faction puissante qui dirige les démarches du pouvoir exécutif, pour relever la puissance ministérielle sur les ruines de la souveraineté nationale: on a nommé les chefs de cette cabale; on a développé leur projet; la France entière a connu, par une fatale expérience, leur caractère et leurs principes. J'ai aussi examiné leur système; j'ai vu, dans la conduite de la cour, un plan constamment suivi d'anéantir les droits du peuple, et de renverser, autant qu'il était en elle, l'ouvrage de la révolution: elle a proposé la guerre, j'ai rapporté cette mesure à son système; je n'ai pas cru qu'elle voulût perdre les émigrés, détrôner leurs protecteurs, les princes étrangers, qui faisaient cause commune avec elle, et professaient pour elle un attachement exclusif, au moment où elle était en guerre avec le peuple français; leur langage, leur conduite étaient trop grossièrement concertés avec elle; les rebelles étaient trop évidemment ses satellites et ses amis; elle avait trop constamment favorisé leurs efforts et leur insolence; elle venait au moment de leur accorder des preuves éclatantes de protection, en les dérobant au décret porté contre eux par l'Assemblée nationale; elle avait accordé en même temps la même faveur à des ennemis intérieurs encore plus dangereux; tout annonçait aux yeux les moins clairvoyants le projet formé par elle de troubler la France au dedans en la faisant menacer au dehors, pour reprendre au sein du désordre et de la terreur une puissance fatale à la liberté naissante.

Les intentions de la cour étant évidemment suspectes, quel parti fallait-il prendre sur la proposition de la guerre? Applaudir, adorer, prêcher la confiance, et donner des millions? Non; il fallait l'examiner scrupuleusement, en pénétrer les motifs, en prévoir les conséquences, faire un retour sur soi-même, et prendre les mesures les plus propres à déconcerter les desseins des ennemis de la liberté, en assurant le salut de l'Etat.

Tel est l'esprit que j'ai porté dans cette discussion: j'ai mieux aimé la traiter sous ce point de vue, que de présenter le tableau brillant des avantages et des merveilles d'une guerre terminée par une révolution universelle; la conduite de celte guerre était entre les mains de la cour; la cour ne pouvait la regarder que comme un moyen de parvenir à son but; j'ai prouvé que, pour atteindre ce but, elle n'avait pas même besoin de faire actuellement la guerre, et d'entrer en campagne; qu'il lui suffisait de la faire désirer, de la faire regarder comme nécessaire, et de se faire autoriser à en ordonner actuellement tous les préparatifs.

Rassembler une grande force sous ses drapeaux; cantonner et camper les soldats, pour les ramener plus facilement à l'idolâtrie pour le chef suprême de l'armée, et à l'obéissance passive, en les séparant du peuple, et en les occupant uniquement d'idées militaires; donner une grande importance et une grande autorité aux généraux jugés les plus propres à exciter l'enthousiasme des citoyens armés et à servir la cour; augmenter l'ascendant du pouvoir exécutif, qui se déploie particulièrement lorsqu'il paraît chargé de veiller à la défense de l'Etat; détourner le peuple du soin de ses affaires domestiques, pour l'occuper de sa sûreté extérieure; faire triompher la cause du royalisme, du modérantisme, du machiavélisme, dont les chefs sont des patriciens militaires; préparer ainsi au ministère et à sa faction les moyens d'étendre de jour en jour ses usurpations sur l'autorité nationale et sur la liberté, voilà l'intérêt suprême de la cour et du ministère. Or, cet intérêt était satisfait, leur but était rempli, dès le moment où l'on adoptait leurs propositions de guerre.

C'est dans cette situation que l'on vient nous présenter je ne sais quelle proclamation affichée partout, où l'on défend toute incursion jusqu'au 15 janvier; des actes de certains princes allemands, qui assurent qu'ils ont pris les mesures nécessaires pour dissiper les rassemblements qui pouvaient nous alarmer. Le roi, dit-on, va sans doute vous annoncer que les puissances ont fait cesser tous les prétextes de guerre; donc la cour ne veut pas la guerre... Eh quoi! sommes-nous donc encore assez novices pour être toujours dupes de tous les subterfuges par lesquels une politique perfide cherche à nous tromper? Et quel que soit le motif qui l'ait déterminée à ces actes extérieurs, ne voyez-vous pas qu'ils prouvent la nécessité de se tenir en garde contre les pièges qu'elle vous a tendus? Quel est l'intérêt de la cour, si ce n'est de vous rassurer sur ses intentions perverses? Et ne suffit-il pas que l'empressement avec lequel elle avait ouvertement demandé la guerre, et fait prêcher la guerre par tous ses organes, ait excité la défiance des citoyens, pour qu'elle prenne aujourd'hui le parti de faire croire qu'elle ne veut pas la guerre? Que diriez-vous, vous qui faites dépendre vos opinions de toutes ces apparences trompeuses et contradictoires, qu'on ne cesse de nous présenter pour tenir l'opinion en suspens; que diriez-vous, si elle n'avait d'autre but que de se faire envoyer par l'Assemblée nationale un second message qui la presserait de faire, le plus tôt possible, cette guerre qu'elle désire, de manière qu'en la déclarant elle ne parût que céder au voeu des représentants de la nation?

Il est vrai que cette conjecture vraisemblable peut être effacée par une autre qui ne l'est pas moins, mais qui ne serait pas plus favorable au système que je combats: c'est celle que mes adversaires adoptent eux-mêmes quand ils supposent que la cour ne veut pas actuellement commencer la guerre, et qu'elle a intérêt de la différer quelque temps. Cette intention est possible encore; elle peut même se concilier naturellement avec celle que je viens de développer: mais cela même est un des inconvénients attachés au parti que vous prenez de vous livrer à des projets de guerre avec un gouvernement tel que le vôtre. Cela prouve que vous deviez déconcerter ses vues pernicieuses par des mesures d'une nature différente, comme je le ferai voir dans la suite; c'est une nouvelle preuve que tous vos raisonnements portent à faux, quand vous parlez toujours de la guerre, comme si elle devait être faite et conduite par le peuple français en personne, et comme si nos ennemis intérieurs n'étaient pour rien dans tout cela.

Au lieu de débiter avec emphase tant de lieux communs sur les effets miraculeux de la déclaration des droits, et sur la conquête de la liberté du monde; au lieu de nous réciter les exploits des peuples qui ont conquis la leur en combattant contre leurs propres tyrans, il fallait calculer les circonstances où nous sommes, et les effets de notre Constitution. N'est-ce pas au pouvoir exécutif seul qu'elle donne le droit de proposer la guerre, d'en faire les préparatifs, de la diriger, de la suspendre, de la ralentir, de l'accélérer, de choisir le moment et de régler les moyens de la faire? Comment briserez-vous toutes ces entraves? Renverserez-vous cette même Constitution, lors même que jusqu'ici vous n'avez pu déployer assez d'énergie pour la faire exécuter? D'ailleurs, qu'opposeriez-vous à tant de motifs spécieux que le pouvoir exécutif vous présentera? Que lui répondrez-vous, quand il vous dira, quand les princes étrangers vous prouveront, par des actes authentiques, qu'ils auront dissipé les rassemblements, qu'ils auront pris toutes les mesures nécessaires pour les mettre hors d'état de tenter contre vous aucun projet hostile? Quel prétexte légitime vous restera-t-il, lorsqu'ils vous auront donné la satisfaction que le pouvoir exécutif exigeait au nom de la nation? Il est vrai que bientôt on pourra recommencer sourdement les mêmes manoeuvres; il est vrai que l'on pourra ménager un moment favorable pour renouveler vos alarmes, et pour entreprendre une guerre sérieuse ou simulée, dirigée par notre gouvernement même; mais, avant que cette nouvelle intrigue éclate, comment la prouverez-vous? quels moyens aurez-vous d'agir? L'un veut attaquer les émigrés et les princes allemands; les autres veulent déclarer la guerre à Léopold; d'autres veulent qu'elle commence demain; d'autres consentent à attendre que les préparatifs soient faits, ou que l'hiver soit passé; d'autres enfin s'en rapportent au patriotisme du ministre, et à la sagesse du pouvoir exécutif, pour lesquels ils prétendent que nous devons avoir une pleine confiance. Mais au milieu de toutes ces opinions diverses, ce sera toujours le pouvoir exécutif seul qui décidera; c'est la nature de la chose qui le veut; c'était à vous à ne pas vous engager dans un système qui entraîne nécessairement tous ces inconvénients, et qui nous met à la merci de la cour et du ministère. Mais quoi! ne voyez-vous pas que le pouvoir exécutif recueille déjà les fruits de l'adresse avec laquelle il vous a attiré dans ses pièges? Vous demandez s'il veut la guerre, quand il fera la guerre; que lui importe? que vous importe à vous-même? Il jouit déjà des avantages de la guerre; et il est vrai de dire, en ce sens, que la guerre est déjà commencée par vous. N'a-t-il pas déjà rassemblé des armées dont il dispose? N'a-t-il pas déjà reçu des preuves solennelles de confiance et d'idolâtrie de la part de nos représentants? N'a-t-il pas obtenu des millions, dans le moment où la corruption est la plus dangereuse ennemie de la liberté? N'a-t-il pas fait violer nos lois et remporté une victoire sur nos principes, en faisant donner à deux de ses généraux des honneurs extraordinaires et anticipés, qui ne retracent que l'esprit et les préjugés de l'ancien régime? Un autre n'a-t-il pas obtenu le commandement de nos armées, dont les fonctions sacrées et délicates qu'il venait de quitter, dont la Constitution l'écartait? N'a-t-on pas vu le président du Corps législatif prodiguant à cet individu des hommages que l'on pourrait à peine accorder impunément aux libérateurs de leur pays, donner à la nation le dangereux exemple du plus ridicule engouement? N'a-t-on pas vu un homme destiné dès longtemps à l'exécution des desseins de la cour, célèbre par la pertinacité avec laquelle il a suivi le projet ambitieux d'attacher à sa personne la multitude des citoyens armés, provoquer et recevoir sur son passage des honneurs qui étaient autant d'insultes aux mânes des patriotes immolés au champ de la fédération, à ceux des soldats égorgés à Nancy, autant d'outrages à la liberté et à la patrie, autant de sinistres témoignages des erreurs de l'opinion et de la faiblesse de l'esprit public, autant d'effrayants pronostics des maux que nous pouvons craindre de l'influence d'une coalition qui a déjà porté tant de coups mortels à notre Constitution? La violation des principes sur lesquels la liberté repose, la décadence de l'esprit public, sont des calamités plus terribles que la perte d'une bataille, et elles sont le premier fruit du plan ministériel que j'ai combattu. Que peut-on attendre pour l'esprit public d'une guerre commencée sous de tels auspices? Les victoires mêmes de nos généraux seraient plus funestes que nos défaites mêmes. Oui, quelle que soit l'issue de ce plan, elle ne peut qu'être fatale. Les émigrés prennent-ils le parti de se dissiper sans retour? ce qui serait l'hypothèse la plus favorable et la moins vraisemblable. Toute la gloire en appartient à la cour et à ses partisans; et dès lors ils écrasent le Corps législatif de leur ascendant; environnés des forces immenses qu'ils ont rassemblées, objets de l'enthousiasme et de la confiance universelle, ils peuvent poursuivre avec une incroyable facilité le projet de relever insensiblement leur puissance sur les débris de la liberté faible et mal affermie. Les apparences de paix, qu'ils semblent nous présenter, ne sont-elles qu'un jeu perfide concerté avec nos ennemis extérieurs, soit pour calmer les inquiétudes des patriotes, en cachant leur ardeur pour la guerre, soit pour la différer à une époque plus favorable?

Leur faut-il encore quelque délai pour mieux préparer le succès de la grande conspiration qu'ils méditent? Enfin, ne veulent-ils que sonder les esprits et épier l'occasion, pour s'arrêter à celui de tous les plans contraires à la liberté que les circonstances leur permettront d'adopter avec plus de succès? Quel que puisse être le résultat de toutes ces combinaisons, il est un point incontestable: c'est qu'il tient au parti imprudent qu'on a pris, qu'on semble vouloir soutenir, au refus de vouloir reconnaître de bonne foi les desseins de nos ennemis, et de les déconcerter par les moyens convenables. Ces moyens, quels sont-ils?

Avant de les indiquer, je veux m'armer de l'autorité de l'Assemblée nationale, qui avait elle-même reconnu d'abord la nécessité de prendre des mesures d'une nature différente de celles qu'on a proposées depuis, parce que cette circonstance est propre à répandre une nouvelle lumière sur la question, et à mettre dans un jour plus grand la politique du parti contraire à la cause du peuple.

Celles qu'elle avait adoptées tendaient, non à faire la guerre, que les intrigues de la cour nous préparaient depuis longtemps, mais à la prévenir; je parle du premier décret sur les émigrés, dont la sagesse et l'utilité ont été attestées par le veto. Le plan de la cour exigeait le veto, parce que la cour voulait la guerre: la même raison imposait à l'Assemblée nationale la nécessité d'une résolution contraire, aussi sage et plus vigoureuse que le premier décret. Je dirai tout à l'heure quelle était cette résolution. L'Assemblée nationale ne l'a point prise; elle s'est laissé engager dans les défilés où le pouvoir exécutif voulait l'amener; un de ces hommes qui cachaient, sous le voile du patriotisme, les intentions les plus favorables pour la cause du pouvoir exécutif, l'a entraînée, par tous ces moyens plausibles et artificieux qui subjuguent la crédulité de beaucoup de patriotes, à proposer elle-même des mesures hostiles contre les petits princes d'Allemagne.

La cour a saisi, comme de raison, cette ouverture avec avidité; l'ancien ministre de la guerre, trop décrié, s'est retiré; on en a montré un nouveau, qui a débuté par des démonstrations incroyables de patriotisme. Ensuite, on est venu annoncer des mesures de guerre; le veto a été oublié, et même approuvé; le seul parti sage que l'on pouvait prendre a été perdu de vue; on est tombé aux genoux du ministre et du roi; l'abandon, l'enthousiasme, l'engouement est devenu le sentiment dominant; tous les actes subséquents ont eu pour but de le faire passer dans l'âme de tous les Français; la guerre, la confiance dans les agents de la cour a été le mot de ralliement, répété par tous les échos de la cour et du ministère; le ministre même avait osé se permettre des insinuations calomnieuses contre ceux qui démentiraient ce langage; et si nous avions eu la faiblesse de céder ici aux conseils timides qui nous imposaient le silence sur une si grande question, ce penchant funeste n'eût pas même été balancé par le plus léger contrepoids, et on eût été dispensé de prendre les nouveaux détours qu'on emploie, qu'on emploiera encore pour nous tromper.

Cependant, voyez quels avantages celte conduite donnait à la cour; ce n'était point assez de paralyser le Corps législatif, de contredire le voeu du peuple impunément, et, de l'aveu du peuple même, de prendre sur l'Assemblée nationale un fatal ascendant, et de paraître, aux yeux de la nation, l'arbitre des destinées de l'Etat; elle parvenait à son but favori, de s'entourer d'une grande force publique à ses ordres, et de nous constituer en état de guerre, sans exciter la défiance, sans trahir ses désirs et son secret, en paraissant se rendre au voeu de l'Assemblée nationale. La protection constante que le ministère avait accordée aux émigrations et aux émigrants; son attention à favoriser la sortie des armes et de notre numéraire; son silence imperturbable sur tout ce qui se passait depuis deux ans chez les princes étrangers; le concert ardent qui régnait entre lui et les cours de l'Europe; le refus constant de se rendre aux plaintes de tous les départements qui demandaient des armes pour les gardes nationales; tous les faits qui annonçaient le projet de nous placer entre la crainte d'une guerre extérieure et le sentiment de notre faiblesse intérieure, entre la guerre civile et une attaque étrangère, pour nous amener à une honteuse capitulation sur la liberté; enfin, le veto contre le décret qui rompait toutes ces mesures; et ensuite, la proposition dés mesures de guerre contre ceux que l'on protégeait; c'est en vain que le concours de toutes ces circonstances révélait aux hommes les moins clairvoyants le secret de la cour, annonçait qu'elle était enfin parvenue, par des routes détournées, au grand but de toutes ses manoeuvres, qui était la guerre simulée ou sérieuse. On oubliait que c'était elle qui nous l'avait suscitée; pour la remercier de son zèle à la proposer, on la félicitait du succès de ses propres perfidies, et on semblait craindre que le peuple ne fût ni assez confiant, ni assez aveugle. Tels sont les dangers auxquels la bonne foi des députés du peuple est exposée, que, guidée par le même sentiment de patriotisme, et dans la même affaire, la majorité de nos représentants, après avoir rendu un décret pour prévenir la guerre préparée par nos ennemis du dedans, inclinait elle-même à la guerre, lorsque ceux-ci venaient la provoquer, et prenait des mains du pouvoir exécutif le poison pour nous le présenter, parce que le pouvoir exécutif ne lui avait pas permis d'appliquer le remède.

Que fallait-il donc faire, et que peut-on faire encore? Il fallait persister dans la première mesure, puisque le salut de l'Etat l'exigeait, et que le voeu de la nation la réclamait, puisque la conduite contraire compromettait la liberté et l'autorité des représentants. Il fallait maintenir la Constitution, qui refuse formellement au pouvoir exécutif le droit d'anéantir d'une manière absolue les décrets du Corps législatif, et surtout de lui ôter le pouvoir de sauver l'Etat. A qui appartient-il de défendre les principes de la Constitution attaqués? Quel en est l'interprète légitime, si ce ne sont les représentants du peuple, à moins qu'on n'aime mieux dire que c'est le peuple lui-même? Or, je pense que les intrigants de la cour et tous les ennemis du peuple n'aimeraient pas mieux son tribunal que celui de ses délégués. Le Corps législatif pouvait donc, il devait déclarer le veto contraire au salut du peuple et à la Constitution. Ce coup de vigueur eût étourdi la cour; il eût déconcerté la ligue de nos ennemis, et épouvanté tous les tyrans. Vous auriez vu ceux qui veulent entraîner dans le même précipice et le peuple et le monarque, perdre aussi toute leur audace et toutes leurs ressources, qui ne sont fondées que sur l'influence de leur parti dans l'Assemblée nationale; ils n'auraient osé tenter contre elle une lutte inutile et terrible; ou, s'ils l'avaient osé, le voeu public hautement prononcé, l'intérêt public, l'indignation qu'inspirait l'audace des rebelles, et la protection qui leur était donnée, le génie de la nation enfin éveillé dans cette occasion heureuse, par la vertu des représentants autant que par l'intérêt suprême du salut public, aurait assuré la victoire à l'Assemblée nationale, et cette victoire eût été celle de la raison et de la liberté: c'était là une de ces occasions uniques dans l'histoire des révolutions que la Providence présente aux hommes, et qu'ils ne peuvent négliger impunément; puisque enfin il faut que tôt ou tard le combat s'engage entre la cour et l'Assemblée nationale, ou plutôt puisque dès longtemps il s'est engagé entre l'une et l'autre un combat à mort, il fallait saisir ce moment; alors nous n'aurions pas eu à craindre de voir le pouvoir exécutif avilir et maîtriser nos représentants, les condamner à une honteuse inaction, ou ne leur délier les mains que pour augmenter sa puissance, et favoriser ses vues secrètes; dès lors nous n'aurions pas été menacés du malheur de voir tous les efforts du patriotisme échouer contre la puissance active de l'intrigue, et contre la force d'inertie, de l'ignorance, de la faiblesse et de la lâcheté.

Ce qu'on a pu faire alors, peut-on le faire encore? Peut-être avec moins d'avantage et de facilité: ce n'est pas que les représentants du peuple n'aient toujours le droit de le sauver; ce n'est pas qu'ils puissent jamais renoncer à ce droit; ce n'est pas que je ne pense encore qu'ils ont assez de crédit auprès de lui pour lui faire connaître son véritable intérêt, quand c'est de bonne foi qu'ils le défendent, et même que le bon sens du peuple éclairé par cet intérêt sacré n'aille quelquefois plus loin à cet égard que la sagacité même de ses représentants; je pense même que l'opinion publique sur les causes et sur le but de la guerre proposée s'est déjà assez clairement manifestée pour faire pressentir que le peuple désire de voir l'Assemblée nationale revenir à une résolution plus utile à ses intérêts, et moins favorable aux projets criminels de ses ennemis. Cependant je ne me dissimule pas que ce parti pourrait rencontrer des difficultés d'un autre genre; que les hommes reviennent difficilement sur leurs premières démarches; que quelquefois même, à force d'avoir raison, on devient insupportable et presque suspect; et qu'en demeurant toujours invariablement attaché à la vérité et aux seuls principes qui puissent sauver la patrie, on s'expose aux attaques de tous les sages, de tous les modérés, de tous ces mortels privilégiés qui savent concilier la vérité avec le mensonge, la liberté avec la tyrannie, le vice avec la vertu.

Je me garderai donc bien de proposer ce parti sévère, de déployer cette raideur inflexible; je transige, je demande à capituler.

Je ne m'occuperai donc pas de ce veto lancé, au nom du roi, par des hommes qui se soucient fort peu du roi, mais qui détestent le peuple, et voudraient se baigner dans le sang des patriotes, pour régner... Mais je dis que dans la position où ce veto et les faits qui l'ont suivi ont mis l'Assemblée nationale et la nation, il ne reste plus qu'un moyen de salut paisible et constitutionnel; c'est que l'Assemblée législative reprenne un caractère d'autant plus imposant qu'elle a jusqu'ici laissé plus d'avantages aux ministres et à leurs valets; c'est qu'elle comprenne que ses ennemis, comme ceux du peuple, sont les ennemis de l'égalité; que le seul ami, le seul soutien de la liberté, c'est le peuple; c'est qu'elle soit fière et inexorable pour les ministres et pour la cour, sensible et respectueuse pour le peuple; c'est qu'elle se hâte de porter les lois que sollicite l'intérêt des citoyens les plus malheureux, et que repoussent l'orgueil et la cupidité de ceux que l'on appelait grands; c'est qu'elle se hâte de faire droit sur les plaintes du peuple, que l'Assemblée constituante a trop négligées; c'est qu'elle oppose au pouvoir de l'intrigue, de l'or, de la force, de la corruption, la puissance de la justice, de l'humanité, de la vertu; c'est qu'elle use des moyens immenses qui sont entre ses mains de remonter l'esprit public et la chaleur du patriotisme au degré des premiers jours où la liberté fut conquise pour un moment, l'esprit public sans lequel la liberté n'est qu'un mot, avec lequel toutes les puissances étrangères et intérieures viendront se briser contre les bases de la Constitution française. Je ne citerai qu'un exemple: on travaille votre armée; si vous êtes là-dessus dans une profonde sécurité, si tout ce qui se passe depuis quelque temps, si les voyages mêmes et les cajoleries de votre nouveau ministre ne vous sont pas suspectes, vous vous trompez cruellement; on lui donne des chefs propres à la ramener aux vils sentiments du royalisme et de l'idolâtrie, sous les spécieux prétextes de l'ordre, de l'honneur et de la monarchie. Eh bien! déployez votre autorité législative, pour rendre aux soldats des avantages que les principes de la Constitution, d'accord avec la discipline militaire, leur assuraient, et que l'intérêt des patriciens militaires de l'Assemblée constituante leur a ravis; consultez le code militaire et vos principes, et l'armée est au peuple et à vous... Je n'en dirai pas davantage... On sait assez, sans que je le dise, par quels moyens les représentants du peuple peuvent le servir, l'honorer, l'élever à la hauteur de la liberté, et forcer l'orgueil et tous les vices à baisser devant lui un front respectueux. Chacun sent que si l'Assemblée nationale déploie ce caractère, nous n'aurons plus d'ennemis. Ce serait donc en vain que mes adversaires voudraient rejeter ces moyens-là, sous le prétexte qu'ils seraient trop simples, trop généreux: on ne se dispense pas de remplir un devoir sacré, en cherchant à donner à la place un supplément illusoire et pernicieux. Lorsqu'un malade capricieux refuse un remède salutaire, et puis un autre, et qu'il dit: "je veux guérir avec du poison", s'il meurt, ce n'est point au remède qu'il faut s'en prendre, c'est au malade. Que, réveillé, encouragé par l'énergie de ses représentants, le peuple reprenne cette attitude qui fit un moment trembler tous ses oppresseurs; domptons nos ennemis du dedans; guerre aux conspirateurs et au despotisme, et ensuite marchons à Léopold; marchons à tous les tyrans de la terre: c'est à cette condition qu'un nouvel orateur, qui, à la dernière séance, a soutenu mes principes, en prétendant qu'il les combattait, a demandé la guerre; c'est à cette condition, et non au cri de guerre et aux lieux communs sur la guerre, dès longtemps appréciés par cette Assemblée, qu'il a dû les applaudissements dont il a été honoré.

C'est à cette condition que moi-même je demande à grands cris la guerre. Que dis-je? Je vais bien plus loin que mes adversaires eux-mêmes; car si cette condition n'est pas remplie, je demande encore la guerre; je la demande, non comme un acte de sagesse, non comme une résolution raisonnable, mais comme la ressource du désespoir; je la demande à une autre condition, qui, sans doute, est convenue entre nous; car je ne pense pas que les avocats de la guerre aient voulu nous tromper; je la demande telle qu'ils nous la dépeignent; je la demande telle que le génie de la liberté la déclarerait, telle que le peuple français la ferait lui-même, et non telle que de vils intrigants pourraient la désirer et telle que des ministres et des généraux, même patriotes, pourraient nous la faire.

Français! hommes du 14 juillet, qui sûtes conquérir la liberté sans guide et sans maître, venez, formons cette armée qui doit affranchir l'univers. Où est-il le général, qui, imperturbable défenseur des droits du peuple, éternel ennemi des tyrans, ne respira jamais l'air empoisonné des cours, dont la vertu austère est attestée par la haine et par la disgrâce de la cour, ce général, dont les mains, pures du sang innocent et des dons honteux du despotisme, sont dignes de porter devant nous l'étendard sacré de la liberté? Où est-il, ce nouveau Caton, ce troisième Brutus, ce héros encore inconnu? Qu'il se reconnaisse à ces traits; qu'il vienne; mettons-le à notre tête... Où est-il? Où sont-ils ces héros, qui, au 14 juillet, trompant l'espoir des tyrans, déposèrent leurs armes aux pieds de la patrie alarmée? Soldats de Château-Vieux, approchez, venez guider nos efforts victorieux... Où êtes-vous?... Hélas! on arracherait plutôt sa proie à la mort, qu'au despotisme ses victimes! Citoyens, qui, les premiers, signalâtes votre courage devant les murs de la Bastille, venez, la patrie, la liberté vous appelle aux premiers rangs. Hélas! on ne vous trouve nulle part; la misère, la persécution, la haine de nos despotes nouveaux vous a dispersés. Venez, du moins, soldats de tous ces corps immortels qui ont déployé le plus ardent amour pour la cause du peuple. Quoi! le despotisme que vous aviez vaincu vous a punis de votre civisme et de votre victoire; quoi! frappés de cent mille ordres arbitraires et impies, cent mille soldats, l'espoir de la liberté, sans vengeance, sans état et sans pain, expient le tort d'avoir trahi le crime pour servir la vertu! Vous ne combattez pas non plus avec nous, citoyens, victimes d'une loi sanguinaire, qui parut trop douce encore à tous ces tyrans qui se dispensèrent de l'observer pour vous égorger plus promptement. Ah! qu'avaient fait ces femmes, ces enfants massacrés? Les criminels tout-puissants ont-ils peur aussi des femmes et des enfants? Citoyens du Comtat, de cette cité malheureuse, qui crut qu'on pouvait impunément réclamer le droit d'être Français et libres; vous qui pérîtes sous les coups des assassins, outragés par nos tyrans; vous qui languissez dans les fers où ils vous ont plongés, vous ne viendrez point avec nous: vous ne viendrez pas non plus, citoyens infortunés et vertueux, qui dans tant de provinces avez succombé sous les coups du fanatisme, de l'aristocratie et de la perfidie! Ah! Dieu! que de victimes, et toujours dans le peuple, toujours parmi les plus généreux patriotes, quand les conspirateurs puissants respirent et triomphent!

Venez au moins, gardes nationales qui vous êtes spécialement dévouées à la défense de nos frontières dans cette guerre dont une cour perfide nous menace, venez. Quoi! vous n'êtes point encore armés? Quoi! depuis deux ans vous demandez des armes, et vous n'en avez pas? Que dis-je? On vous a refusé des habits, on vous condamne à errer sans but, de contrées en contrées, objet des mépris du ministère et de la risée des patriciens insolents qui vous passent en revue, pour jouir de votre détresse. N'importe, venez; nous confondrons nos fortunes pour vous acheter des armes; nous combattrons tout nus, comme les Américains... venez. Mais attendrons-nous, pour renverser les trônes des despotes de l'Europe, attendrons-nous les ordres du bureau de la guerre? Consulterons-nous, pour cette noble entreprise, le génie de la liberté ou l'esprit de la cour? Serons-nous guidés par ces mêmes patriciens, ses éternels favoris, dans la guerre déclarée au milieu de nous, entre la noblesse et le peuple? Non. Marchons nous-mêmes à Léopold; ne prenons conseil que de nous-mêmes. Mais, quoi! voilà tous les orateurs de la guerre qui m'arrêtent; voilà M. Brissot qui me dit qu'il faut que M. le comte de Narbonne conduise toute cette affaire; qu'il faut marcher sous les ordres de M. le marquis de la Fayette... que c'est au pouvoir exécutif qu'il appartient de mener la nation à la victoire et à la liberté. Ah! Français! ce seul mot a rompu tout le charme; il anéantit tous mes projets. Adieu la liberté des peuples! Si tous les sceptres des princes d'Allemagne sont brisés, ce ne sera point par de telles mains. L'Espagne sera quelque temps encore l'esclave de la superstition, du royalisme et des préjugés; le Stathouder et sa femme ne sont point encore détrônés; Léopold continuera d'être le tyran de l'Autriche, du Milanais, de la Toscane, et nous ne verrons point de sitôt Caton et Cicéron remplacer au conclave le pape et les cardinaux. Je le dis avec franchise: si la guerre, telle que je l'ai présentée, est impraticable, si c'est la guerre de la cour, des ministres, des patriciens, des intrigants, qu'il nous faut accepter, loin de croire à la liberté universelle, je ne crois pas même à la vôtre; et tout ce que nous pouvons faire de plus sage, c'est de la défendre contre la perfidie des ennemis intérieurs, qui vous bercent de ces douces illusions.

Je me résume donc froidement et tristement. J'ai prouvé que la guerre n'était entre les mains du pouvoir exécutif qu'un moyen de renverser la Constitution, que le dénouement d'une trame profonde, ourdie pour perdre la liberté. Favoriser ce projet de la guerre, sous quelque prétexte que ce soit, c'est donc mal servir la cause de la liberté. Tout le patriotisme du monde, tous les lieux communs de politique et de morale, ne changeront point la nature des choses, ni le résultat nécessaire de la démarche qu'on propose. Prêcher la confiance dans les intentions du pouvoir exécutif, justifier ses agents, appeler la faveur publique sur ses généraux, représenter la défiance comme un état affreux, ou comme un moyen de troubler le concert de deux pouvoirs et l'ordre public, c'était donc ôter à la liberté sa dernière ressource, la vigilance et l'énergie de la nation. J'ai dû combattre ce système; je l'ai fait; je n'ai voulu nuire à personne; j'ai voulu servir ma patrie en réfutant une opinion dangereuse; je l'aurais combattue de même, si elle eût été proposée par l'être qui m'est le plus cher.

Dans l'horrible situation où nous ont conduits le despotisme, la faiblesse, la légèreté et l'intrigue, je ne prends conseil que de mon coeur et de ma conscience; je ne veux avoir d'égards que pour la vérité, de condescendance que pour l'infortune, de respect que pour le peuple. Je sais que des patriotes ont blâmé la franchise avec laquelle j'ai présenté le tableau décourageant, à ce qu'ils prétendent, de notre situation. Je ne me dissimule pas la nature de ma faute. La vérité n'a-t-elle pas déjà trop de torts d'être la vérité? Comment lui pardonner, lorsqu'elle vient, sous des formes austères, en nous enlevant d'agréables erreurs, nous reprocher tacitement l'incrédulité fatale avec laquelle on l'a trop longtemps repoussée? Est-ce pour s'inquiéter et pour s'affliger qu'on embrasse la cause du patriotisme et de la liberté? Pourvu que le sommeil soit doux et non interrompu, qu'importe qu'on se réveille au bruit des chaînes de sa patrie, ou dans le calme plus affreux de la servitude? Ne troublons donc pas le quiétisme politique de ces heureux patriotes; mais qu'ils apprennent que, sans perdre la tête, nous pouvons mesurer toute la profondeur de l'abîme. Arborons la devise du palatin de Posnanie; elle est sacrée, elle nous convient: Je préfère les orages de la liberté au repos de l'esclavage. Prouvons aux tyrans de la terre que la grandeur des dangers ne fait que redoubler notre énergie, et qu'à quelque degré que montent leur audace et leurs forfaits, le courage des hommes libres s'élève encore plus haut. Qu'il se forme contre la vérité des ligues nouvelles, elles disparaîtront; la vérité aura seulement une plus grande multitude d'insectes à écraser sous sa massue. Si le moment de la liberté n'était pas encore arrivé, nous aurions le courage patient de l'attendre; si celte génération n'était destinée qu'à s'agiter dans la fange des vices où le despotisme l'a plongée; si le théâtre de notre révolution ne devait montrer aux yeux de l'univers que les préjugés aux prises avec les préjugés, les passions avec les passions, l'orgueil avec l'orgueil, l'égoïsme avec l'égoïsme, la perfidie avec la perfidie, la génération naissante, plus pure, plus fidèle aux lois sacrées de la nature, commencera à purifier cette terre souillée par le crime; elle apportera, non la paix du despotisme, ni les honteuses agitations de l'intrigue, mais le feu sacré de la liberté, et le glaive exterminateur des tyrans; c'est elle qui relèvera le trône du peuple, dressera des autels à la vertu, brisera le piédestal du charlatanisme, et renversera tous les monuments du vice et de la servitude. Doux et tendre espoir de l'humanité, postérité naissante, tu ne nous es point étrangère; c'est pour toi que nous affrontons tous les coups de la tyrannie; c'est ton bonheur qui est le prix de nos pénibles combats: découragés souvent par les objets qui nous environnent, nous sentons le besoin de nous élancer dans ton sein; c'est à toi que nous confions le soin d'achever notre ouvrage, et la destinée de toutes les générations d'hommes qui doivent sortir du néant! Que le mensonge et le vice s'écartent à ton aspect; que les premières leçons de l'amour maternel te préparent aux vertus des hommes libres; qu'au lieu des chants empoisonnés de la volupté, retentissent à tes oreilles les cris touchants et terribles des victimes du despotisme; que les noms des martyrs de la liberté occupent dans ta mémoire la place qu'avaient usurpée dans la nôtre ceux des héros de l'imposture et de l'aristocratie; que tes premiers spectacles soient le champ de la fédération inondé du sang des plus vertueux citoyens; que ton imagination ardente et sensible erre au milieu des cadavres des soldats de Château-Vieux, sur ces galères horribles où le despotisme s'obstine à retenir les malheureux que réclament le peuple et la liberté; que ta première passion soit le mépris des traîtres et la haine des tyrans; que ta devise soit: Protection, amour, bienveillance pour les malheureux, guerre éternelle aux oppresseurs! Postérité naissante, hâte-toi de croître et d'amener les jours de l'égalité, de la justice et du bonheur!