Il y a 100 ans ....
précédent suite

Une illusion, vraiment ...
la lutte des classes ?

Le débat sur l'introduction de l'impôt sur les revenus - qui correspond à une véritable refonde de tout le système fiscal, plutôt vieillot de la France de 14 - est l'occasion assurément de la mise en évidence, d'une cruelle obscénité, des intérêts de classe et de ce qui sera finalement bien plus que l'imminence de la guerre la grande peur de la bourgeoisie - au point de susciter les manoeuvres les plus tordues - dont la campagne de presse orchestrée par Calmette mais ourdie par Barthou n'est qu'un des épisodes même s'il se traduisit par l'assassinat de celui-là.

Tous les arguments sont bons - dont celui de l'atteinte à la liberté et à la vie privée, sous prétexte d'inquisition fiscale. Mais on retrouvera aussi celui de la nécessaire protection des riches qui, après tout, sont ceux grâce à qui l'économie fonctionne et les emplois se créent. Arguments classiques qui montrent combien on n'invente rien puisque ce sont aujourd'hui les mêmes arguments qui prévalent. On les avait d'ailleurs déjà entendus en 1905 lors du débat sur l'instauration d'un premier système de retraites. (cf Jaurès)

Que la France soit décidément en retard sur le droit social, même par rapport à l'Allemagne ne doit pas surprendre : elle l'est aussi économiquement ; ceci expliquant aussi cela. Encore très agricole, elle voit à peine monter ce prolétariat qu'elle méprise pour s'entasser dans les villes et y perdre son âme dans les effluves d'alcool.

Il faut entendre le bourgeois parler de l'ouvrier !

Il faut le voir aussi.

On pourrait croire le clivage de nos sociétés moins âpre qu'il ne le fut et à n'y point trop regarder, désormais que la paysannerie a disparu et que la classe ouvrière elle-même en voie d'extinction et, en tout cas reléguée loin dans les banlieue ne laissent apercevoir que ces cohortes grises d'employés hagards à la sortie des bouches de métro. Ne nous y trompons pas : l'antagonisme méprisant toujours, haineux parfois, s'est sans doute déplacé. Il n'a pas disparu pour autant. La misère semble prendre des formes plus aseptisées : elle n'en est pas moins réelle pour autant. Les banlieusards, les jeunes, les immigrés, fortiori quand ils relèvent des trois catégories en même temps fourbissent à l'envi les stigmates de la peur bourgeoise. L'antique aristocrate affectait d'aimer et protéger ses gens, ses vilains ; le bourgeois n'eut de cesse au long de son histoire, de marquer avec un mépris même pas courtois, l'indignité où il plonge tout ce qui ne lui ressemble pas.

Nous n'en sommes pas sortis. Au mieux, le bourgeois, quand il contrefait l'humaniste, affectera d'espérer qu'un jour, progrès social aidant, le prolétaire le rejoigne, et s'il consent au droit social, ce ne sera que dans cette espérance-ci. Au pire, comme en 14, il plongera le peuple dans la guerre, espérant par là, lui faire oublier ses invraisemblables revendications mais encore lui réapprendre à obéir.

S'en souvenir :

Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l'orage Jaurès

Garder en mémoire ce mépris du peuple : il reste le leit-motiv de tout pouvoir.

Et prendre le parti d'en rire : la sottise, après tout est toujours caricaturale.

 

 

Ici