Il y a 100 ans ....
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Mussolini

Le signataire de ce texte paru dans l'Humanité à côté des motions françaises et allemandes n'est autre que Mussolini alors directeur de l'Avanti !

La position est conforme au pacifisme proclamé de l'Internationale ; on remarquera cependant que les motifs invoqués demeurent au niveau des intérêts exclusifs de la classe ouvrière et ne s'élèvent aucunement à la réprobation morale, par principe, de toute guerre.

Mussolini qui avait adhéré au parti socialiste et rejoint son aile gauche, prenant à l'occasion des positions radicales. Partisan, déjà, de la formation de militants combattants, capables à l'occasion de faire le coup de force et de prendre le pouvoir, il adoptera une ligne conforme à propos de la guerre mais pas pour longtemps. Il est, au fond, comme l'Italie tout entière, prônant d'abord la neutralité alors même que des accords eussent du la pousser vers la Triplice, mais finissant par pencher du côté des franco-anglais ne serait ce que parce qu'elle y verra l'occasion de récupérer des territoires sur les décombres de l'empire austro-hongrois !

Dès octobre 14 il rejoint le courant interventionniste et finira par être exclu du parti en novembre 14. La suite, on la connaît, la fondation dès 18 du parti fasciste qui se cherche d'abord des alliances à gauche puis progressivement à droite puis la prise de pouvoir en 22.

A l'instar de Laval, mais pour des raisons bien différentes, Mussolini fait partie de ces acteurs de l'après 18 qui, partis de gauche et parfois de très à gauche, finiront à l'extrême-droite, dans ce courant alors nouveau qu'est le fascisme qui feint de croire qu'on peut relier socialisme et nationalisme.

Idéologiquement, il y a chez lui quelque chose qui relève du marxisme mal digéré : paraphrasant Hegel on lit chez lui un la véritable réalité de l'individu c'est l'Etat qui peut assez facilement conduire au fascisme. Tant il est vrai que la ligne de partage avec les régimes démocratiques demeurera toujours la place accordée à l'individu : qu'on le subordonne à l'Etat et toutes les dérives deviennent possibles auxquelles n'a échappé aucun totalitarisme ni plus le fascisme que le stalinisme. Que la jointure entre le local et le global, entre le collectif et l'individuel soit délicate à penser ne fait aucun doute et incite à y revenir : être c'est d'abord être un, un atome ! Avant que de politique c'est une question de métaphysique.

Politiquement, il y a chez lui quelque chose de l'ordre de l'aventurier, de l'homme aux coup de poing si ce n'est de coups de force. La politique relèvera toujours, pour lui, moins de la concertation et du dialogue, que de la bagarre et du rapport de force que l'on impose.

Lui aussi représente un des versants des décombres laissés par la guerre de 14 : l'impensé de la guerre autant que du pacifisme, un invraisemblable confusionnisme idéologique qui fera admettre à peu près tout et son contraire au nom de l'efficacité mais aussi de la lutte anti-communiste, décombres qui auront finalement miné autant les régimes démocratiques que les empires centraux et laissé l'Europe exsangue, ruinée et sans plus véritablement d'espérances autre qu'outrancières et abjectes.

Que la paix de Versailles fût ratée en 19 est évident mais demeure faux de rattacher à cet échec la montée des totalitarismes et notamment d'Hitler. L'admettre c'est d'une certaine manière accréditer la thèse du coup de poignard dans le dos. Mais il est clair que Mussolini puis Hitler autant que Staline sont les fils de la défaite morale et idéologique de l'Europe et du désarroi qui s'en suivit.

On ne bafoue pas ainsi, impunément, vie et dignité humaine pendant cinq ans : avec l'espérance ç'aura été l'humanisme qui se sera englué dans la boue des tranchées.

C'est dans les années 40, en France tout du moins, dans ce qui fut finalement une guerre civile larvée, que l'on vit le partage se faire d'entre les authentiques démocrates et les aventuriers cyniques ou les affairistes sordides et le moins que l'on puisse dire reste encore que la ligne ne passa pas entre la gauche et la droite mais bien ailleurs.

Du côté des principes !

Laval comme Mussolini furent assurément plus soucieux d'efficacité que de principes ; d'action que de pensée : pour eux le temps de penser demeure toujours superflu. Les deux, au pouvoir dès l'entre deux guerres préparèrent patiemment, avec une méticulosité sournoise autant que macabre un monde où le cynisme allait triompher - et l'horreur avec lui.

Certes, on ne s'improvise jamais dictateur mais je déteste que celui-ci, tout ridicule qu'il pût parfois paraître dans sa boursouflure grotesque d'empereur de pacotille, sortît des rangs de la gauche.