Il y a 100 ans ....
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Gémellité

Ambiance !

A regarder les documents sur Berlin et Paris au début du XXe, juste avant la guerre, à la fin de ce qu'on appellera plus tard, par contraste, la Belle Époque, on ne peut qu'être frappé par la ressemblance

chatelet

Faut-il y voir l'homogénéisation des espaces produite par le développement technique et des transports ? Mais alors on peut remarquer que ce que l'on reproche à nos cités et sociétés avait déjà commencé- et depuis un moment - avec le développement même de la société industrielle. Il n'est pas faux de considérer qu'une première étape de la mondialisation avait déjà été franchie au début du XXe puisque s'était déjà constitué un marché unique qui engageait l'Europe, les USA et que même via les moyens de transport (train) et de communication (téléphone) les conditions de son extension au reste du monde étaient réunis. Il n'est pas faux, non plus de repérer que l'on aura attendu de l'électricité exactement ce qu'on attend aujourd'hui d'Internet comme vecteur de l'accélération du processus. Et, après tout, si l'on devait poursuivre le parallèle, il suffirait de rappeler qu'hier comme aujourd'hui, on en était seulement à une croisée où est en train de se jouer un nouvel équilibre des forces mondiales (entre l'Europe et les USA hier ; entre les USA et la Chine notamment, désormais).

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on pourra toujours jouer ses Cassandres et se demander si nous n'étions pas à la veille du conflagration générale ; ce qui est certain en tout cas c'est que ce sont les mêmes belles consciences qui hier comme aujourd'hui affirment que ce serait du développement même des échanges que l'on doive attendre le meilleur antidote contre la guerre ; que manifestement cela ne suffit pas. Ce qui est certain, à bien écouter, c'est que resurgissent encore mezzo voce des discours qui, toutes choses étant égales par ailleurs, conjecturent les heureux bienfaits à attendre d'une guerre ... Ce qui est sûr, c'est que pas plus aujourd'hui qu'hier, une guerre n'est inévitable ; prévisible.

Jaurès à la tribune de la Chambre contre la loi des 3 ans C'est tout l"honneur d'un Jaurès que d'avoir tenté jusqu'au bout de se battre contre cette fallacieuse fatalité ; ceci aide à comprendre ce qui, parfois, fait l'honneur et la dignité du politique.

Ce sont les circonstances qui font les grands hommes et il faut bien admettre que ceux que notre histoire retient sont presque tous des hommes de guerre ou de temps de guerre.

Pas étonnant ! Logique ! C'est que la guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens. C'est que le politique, quand il se tient à sa place, est justement ceci qui lutte contre les nécessités implacables, les engrenages fatals et tente, sinon d'y contrevenir, au moins d'en atténuer les aspérités. Le politique c'est d'abord la recherche de l'interstice de l'improbable dans le chaînon de la nécessité ; la volonté de créer ce moment , improbable, presque sacré, où l'improbable devient possible.

Et voilà pourquoi, quand la nuée de l'orage est déjà sur nous, voilà pourquoi je veux espérer encore que le crime ne sera pas consommé. Jaurès

Inaugurant ce que ce siècle aura de plus meurtrier, de plus monstrueux, ruinant pour longtemps la grande espérance du progrès qui aura animé le siècle précédent, cette guerre allait mettre en présence des forces comparables, des sociétés tellement semblables finalement même si la France s'attardait encore sur sa ruralité, que la Russie se défaisait mal de sa féodalité, qu'il en devient difficile de ne pas songer à la perspective de Girard : ces nations ne se heurtèrent pas pour leur différence mais bel et bien pour leur ressemblance et force est de constater que le conflit n'ira qu'en accentuant cette mimétique mortifère.

Cherchons aujourd'hui la mécanique des ressemblances et on finira bien par trouver les ferments des tourments à venir ...

 


1) textes de Jaurès