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A la sauvette 5

 

 

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J'aurais du y songer : il y a des coins à touristes et nécessairement du côté des berges, de la tour, des Invalides autant que des Tuileries je ne vois qu'eux. Au carrefour de la rue de Vaugirard et Volontaires, ceux que je croisais hier ne visitaient rien mais se précipitaient d'un lieu vers l'autre, de travail, d'études, entre une boulangerie où s'acheter quelque chose à manger furtivement, un coup de téléphone tout en marchant et cet affairement boudeur qui est décidément la marque de fabrique du parisien.

 

 

 

 

 

 

Tout ici transpire sinon la souffrance en tout cas l'effroi. Lourdement appuyé sur sa canne, la démarche hésitante mais lourde, tellement lourde ; ses sourcils froncés, ce front que viennent accuser d'insistantes rides … oui tout vient démentir le plaisir de la promenade ; accuser plus encore qu'il n'est décent l'obligation hygiénique du mouvement.

Ici comme plus loin, ce qui avait été une évidence, ne se peut plus qu'avec infinies précautions ; ne se tient plus mais maintient, puis soutient puis appuie.

Parfois l'anodin vous devient simplement impossible et les échines entreprennent de se courber.

Je ne voudrais pas que l'on me croie ardent panégyriste de la décrépitude. Le hasard fait son office. Mais je retiens ici, bien plus que le vieil homme qui semblait presque sorti tout droit du Lotus Bleu, à l'élégance ajustée d'aussi près que les pointes retournées de, sa moustache, ces regards autour de lui s'appliquant à se porter ailleurs.

Parfois, mais c'est à cet instant que débute la dégradation, ni les couleurs chatoyantes, ni le dos voûté, ni le pas hésitant, ni l'élégance ne pourvoient plus à la sollicitude.

Zone grise, à bas bruit comme on dit aujourd'hui. Il y a mille et une manières de n'exister plus.

En voici une.

Cela fait longtemps que nous nous savions pouvoir faire de la sociologie à partir de tout … jusqu'à celle de nos déchets.

Le monde a cessé de se ressembler quand les bourgeoises entreprirent de fréquenter les magasins hard-discount en sortant de chez Fauchon !

Comment s'étonner que nos poubelles n'intéressent plus seulement les SDF ni les commandos organisés dans les récupérations en tout genre.

Ce monde est postiche.

Rien ! on ne voyait rien d'autre que ces clés de voiture qu'elle tenait, comme ultime trésor des jours fastueux , les tenant serrées dans une main repliée, maintenue dans le dos dans l'ultime rémanence d'une élégance depuis longtemps surannée.

Pourquoi non ? quoiqu'elles fussent assurément mieux loties au fond d'une poche … et en sécurité.

Ne les point laisser, ne pas lâcher prise …

Ce qu'il reste quand tout s'enfouit …

Plaisir irremplaçable que de s'attarder ainsi, aux midis triomphants arrachés à deux jours de grisaille et de pluie avaricieuse.

Quand donc avons-nous désappris de ne rien faire ?

Les reflets ne sont pas seuls à se dédoubler.

Les écrans itou !

Elle semblait pourtant, de loin et d'en-haut, plutôt raisonnable …

Pas plus absurde que de faire les poubelles, certes.

Faire, au bord de l'eau, comme pour y incruster once de poésie, en y prenant soin au point de s'y reprendre à plusieurs fois, s'agenouiller pour en offrir perspective la plus valorisante, faire photo de ses bottes nouvellement achetées … comme un touriste se tirerait un selfie !