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Luttes ou enfermenent ? ou quand la victime veut se faire aussi laide que le bourreau …

Ce portrait, dans Libé, d'Alice Coffin, élue à la mairie de Paris sur la liste écologiste, qui a eu son heure de gloire pour avoir obtenu la démission de Girard pour ses relations entretenues et poursuivies avec Matzneff …

Dois-je avouer ce qui me gêne dans le personnage tel qu'il transparaît ici, dans les propos tenus ici et retrouvés dans son ouvrage ?

Un jugement hâtif y verrait le signe d'un machisme primaire voire d'une misogynie endémique … ce serait mal me connaître.

Que les femmes, dans la lutte pour leur émancipation et la reconnaissance de leur égalité, ne puissent toujours en rester aux formes policées de la protestation, du débat, de la manifestation cadrée … pourquoi pas ! il n'est pas faux que secouer le habitudes et les mœurs bourgeoises peut parfois réveiller les consciences et susciter le débat. Après tout, même si j'ai détesté le pédoland de cette fin d'été, je n'ignore qu'il n'est pas de lutte sans débordements ni excès qui ne disqualifient pas pour autant l'objet de la lutte.

Ce qui me dérange, non, c'est plutôt ce parti-pris en réalité haineux qui ne se contente pas de refuser jusqu'à lire un livre ou voir un film parc qu'il serait écrit par un homme, c'est cette guerre déclarée et revendiquée. Qui me semble aussi absurde et dangereuse que la dénonciation du génocide du mâle blanc hétérosexuel d'un Zemmour.

J'ai trop appris, avec R Girard et M Serres que dans un combat, les protagonistes finissent toujours par se ressembler, pour juger légitime cette guerre. Que les violences faites aux femmes, les viols, harcèlements et autres agressions même seulement verbales, que les discriminations, exclusions ou ségrégations moins patentes qu'autrefois mais d'autant plus efficaces qu'insidieuses aient fini par éloigner ces femmes de toute estime et respect pour les hommes, je peux le comprendre.

De là à la guerre ? De la à présenter les hommes comme des assaillants qu'il faudrait éliminer …

Il y a dans tout ceci un simplisme binaire désespérant ! sans doute dangereux parce qu'à sa façon ils rend les armes à l'adversaire et se comportant comme lui. Une haine extravagante ; contre-productive ; nuisible. Attristante.

Reste cet autre point qui me dérange : ce génie lesbien !

L'homosexualité ne m'a jamais dérangé ; ne m'est pas un problème. N'est pas un problème. Qu'on la revendique, pourquoi pas : rien n'est pire que d'avoir honte de ce que l'on est, ou de ne pouvoir le manifester simplement.

En revanche, m'agace prodigieusement, cette perversion du débat qui veut que désormais l'on ne puisse parler qu'à la condition de ce que l'on est. Forme même de l'inquisition qui met fin à l'échange ( voir la fin de la revue Débat) où tout se conjugue en imputations, soupçons, mais plus en rationalité.

Je n'aimerais pas, y verrais plutôt la raison définitivement subvertie, que l'on imaginât jamais que ma pensée, mes positions, mes jugements s'expliqueraient seulement par le fait d'être un homme, de plus de soixante ans etc …

De manière plus précise encore : je ne suis toujours pas disposé à admettre que nous nous réduisions à notre sexualité ; à nos orientations sexuelles. J'ose espérer que l'attention que je porte à tel ou telle, l'intérêt que je nourris à l'endroit de ses propos et arguments, le plaisir que j'éprouve à les approcher, écouter, lire et entendre s'expliquent par bien plus ample et plus profond que l'éventuelle pulsion, la sourde tendance qui m'y eût contraint, uniquement conformée par une virilité socialement préformée et contrainte. Que la modernité parvînt à faire sa juste place à la sexualité est assurément salutaire progrès au regard de l'hypocrisie bourgeoise qui l'avait veulement reléguée dans les bas-fonds nauséabonds de ses complaisances coupables. Qu'elle se puisse vivre et dire à mots découverts et en plein jour me convient.

Mais ce serait erreur antonyme que de l'ériger en principe exclusif d'identité. Je ne suis pas ce sexe obscènement tendu prompt à pourfendre la moindre jeune femme passant devant moi ! Pas plus que je ne me résume à cet amant et époux, bon ou mauvais, que je fus ; à ce père que je suis encore, ou à ce bientôt vieillard qui tente de finir sa vie avec un tant soit peu d'élégance.

Ce sera toujours grande erreur, affirmait Serres, que de confondre notre identité avec le réseau d'appartenances que nous tissons. tous les racismes, toutes les ségrégations, toutes les violences s'en nourrissent.

Tel ici.

Il y a ici une violence qui me répugne ! une vulgarité qui me révulse.

Cette haine-ci est détestable qui corrode tout le reste. Ici comme là !

 

 


 

 

Alice Coffin, lesbien raisonnable ? Par Cécile Daumas — Libé 29 septembre 2020

 

Alice Coffin à Paris, le 27 septembre.Alice Coffin à Paris, le 27 septembre. Photo Lucile Boiron
 

La militante LGBTI, qui a obtenu la démission de l’adjoint à la culture d’Anne Hidalgo cet été, prêche un féminisme d’affrontement qui assume le conflit.

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     Alice Coffin, lesbien raisonnable ?

Elle a réussi le coup de l’été. Dégommer Christophe Girard, l’un des élus les plus influents de la capitale, adjoint à la culture depuis treize ans. La nouvelle «terreur féministe», c’est elle : Alice Coffin, 42 ans, fille de Colette et Maxime − ses meilleurs soutiens sur Twitter −, lesbienne affichée, militante LGBTI de longue date. A peine élue conseillère de Paris sur la liste écolo en juin, elle cible Girard pour ses liens avec l’écrivain Gabriel Matzneff visé par une enquête pour viols sur mineurs. Sa méthode «tolérance zéro» fait hurler la nouvelle majorité municipale de gauche qu’elle vient à peine d’intégrer. «Hystérie militante», disent des proches d’Anne Hidalgo. «Ne pas avoir de mari m’expose plutôt à ne pas être violée, ne pas être tuée, ne pas être tabassée», affirme-t-elle dans une vidéo qui ressort à ce moment-là, déclenchant une violence débridée sur les réseaux sociaux. Menaces de viol et de mort…

 

Tête blonde, coupe courte, bermuda en jean de fin d’été, «la nouvelle harpie du féminisme», selon Valeurs actuelles, tire tranquillement sur sa cigarette électronique, dit ne rien regretter. Ni d’avoir été éjectée de la majorité municipale ni d’avoir passé une partie de son été sous protection policière. «J’ai d’abord refusé, mais quand le quartier où j’habite a été divulgué, j’ai accepté.» Yeux bleu clair, presque délavé, elle frappe par son calme et sa politesse désuettement bourgeoise. «Je n’ai envoyé personne en prison ! Il était de ma responsabilité d’intervenir dans cette affaire, sinon je me sentais complice. On me parle de justice, moi je parle de responsabilité politique.» Adèle Haenel s’est levée face à un Polanski récompensé aux césars ? Elle, en plein Conseil de Paris, hurle «Honte, honte, honte» quand le préfet Lallement rend un salut républicain à Christophe Girard démissionné. Elle appelle ça le Génie lesbien, titre du livre qu’elle publie, cette force vitale qui permet d’alerter, en tant que lesbienne, au nom de l’intérêt de tous. «Que les responsables agissent en responsables et répondent de leurs actes», dit-elle. De Baupin à Polanski…

En ce début septembre, elle revient du mariage d’un de ses plus jeunes frères. En famille, entre amis, on l’a félicitée pour son action. «Face à des situations très dures, elle a appris à tenir publiquement mais ce n’est pas toujours facile à assumer dans sa vie privée», dit un ami. Elle peut compter sur Yuri, son «amoureuse», ingénieure spatiale et militante comme elle, dont elle partage la vie depuis plusieurs années. Sa famille aussi. Aînée de six enfants, elle a été élevée dans l’excellence scolaire (licence de philo, Sciences-Po Bordeaux, école de journalisme) par des parents ingénieurs, humanistes pas cathos. Refuge essentiel de son existence, l’appartement familial se situe dans le XIIe arrondissement de Paris, où elle vient d’être élue. «A la maison, j’étais préservée. Je portais des shorts, j’étais ignorante de ce que mon propre corps reflétait. Mais à l’extérieur, j’ai pu être sujette de moqueries et de rejet. Je détestais qu’on me traite de garçon manqué.» De ce corps à l’ossature saillante, elle a fait une arme politique, un corps-objet d’insultes qu’elle met ainsi à distance.

Son militantisme clive. On l’accuse de réactiver la guerre des sexes. Elle l’assume. «C’est une guerre des hommes contre les femmes. Une guerre niée. Oui, j’ai un problème avec cette masculinité-là.» Pour rassurer ceux qui cherchent la faille œdipienne, elle raconte qu’enfant, elle adorait jouer au foot. Son père l’accompagnait aux entraînements. «C’est un homme bienveillant, je n’ai pas de traumatisme de ce côté-là», ironise-t-elle. Elle joue encore. Au poste de libéro, le dernier dans les lignes de défense, parfois avec l’équipe lesbienne et trans des Dégommeuses.

Sa vie ressemble à un épuisant marathon militant, de la PMA pour toutes à l’Association des journalistes LGBTI (AJL) qu’elle fonde en 2012 au journal 20 Minutes où elle est spécialiste médias. «C’est un bourreau de travail», confirme son ancienne compagne, la militante Alix Béranger. «Une intellectuelle, analytique, qui pousse toujours plus loin le questionnement», ajoute son ami Mathieu Magnaudeix, journaliste à Mediapart. En 2018, elle part six mois aux Etats-Unis étudier le traitement des questions LGBTI dans les médias américains via la bourse Fulbright. «En France, parce que je suis une journaliste lesbienne, on m’interdit de couvrir les sujets lesbiensAux Etats-Unis, ce serait l’inverse.»

Chez elle, pas de cloisonnement entre vie privée et vie militante : «Son récit personnel vient nourrir son activisme», observe un ami journaliste. Dans son livre, elle évoque la période de sa vie où elle dissimulait des petites fioles dans le panier à linge pour boire planquée durant les dîners. «Je n’ai pas connu le placard de l’homosexualité, j’ai connu celui de l’alcoolisme . J’ai cherché, comme d’autres refusent de se reconnaître lesbiennes, à le nier.» Dire, c’est sortir de la honte sociale, et le commencement de l’action. «Contrairement à ce qu’on pourrait penser, elle a beaucoup d’humour», témoigne son ami Mathieu Magnaudeix. Elle sait faire la fête et hurler à cinq heures du matin Gloria de Laura Branigan ou Je t’aime à l’italienne de Frédéric François. «Oui, mes goûts ne sont pas toujours partagés», s’amuse-t-elle.

Le 10 septembre, elle se retrouve en photo dans le New York Times face à Anne Hidalgo. «Comment les accusations d’abus sexuels divisent les féministes françaises», titre le quotidien américain. Alice Coffin y explique : «On cible les hommes de pouvoir, ce qui est très mal pris en France. C’est une nouvelle étape, différente du féminisme d’auparavant.» C’est justement pour ces raisons que son ami David Belliard, tête de liste écologiste aux dernières municipales, lui a proposé de se présenter à ses côtés : «Elle incarne une nouvelle façon de faire de la politique dont le combat pour l’égalité, porté par #MeToo, est central. Elle met en question le modèle républicain. On est d’accord ou pas, ça débat.» Pour Elisabeth Badinter, Alice Coffin préfigure les «outrances du néoféminisme guerrier». Victimaire, totalitaire, affectif, en somme binaire. «Il n’y a plus qu’à conclure au séparatisme, puisque l’homme est la plus dangereuse menace pour la femme», écrit la philosophe et féministe universaliste, dans une tribune publiée en septembre par le Journal du dimanche. A tous ceux qui l’accusent de communautarisme, elle oppose assez sereinement : «Je ne vois pas le problème. Je milite pour une société plus juste, plus égalitaire.»

 

Ce féminisme d’affrontement, à l’opposé de la «conciliation» maître-mot des années 90, c’est grimée en homme, fausse barbe au menton, qu’elle s’y est initiée. Avec le collectif la Barbe, elle investit physiquement des assemblées d’hommes de pouvoir pour en démontrer la quasi-absence de femmes. «Connasses», «à poil», «on veut voir vos seins», répondent ministres, intellectuels ou chefs d’entreprise en vue dérangés dans leur entre soi. «Assumer le conflitdire les choses crûment» est devenu son mantra, cette fois en politique. Elle a fait sienne une phrase d’une des fondatrices du MLF, la sociologue Christine Delphy : «Quand une féministe est accusée d’exagérer, c’est qu’elle est sur la bonne voie.»

29 avril 1978 Naissance à Toulouse.
2010 Entre à la Barbe.
2013 Cofonde l’Association des journalistes LGBTI.
2020 Conseillère écologiste de Paris
Septembre Le Génie lesbien (Grasset).

Cécile Daumas