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Baron Noir

La saison 3 de cette série ce mois-ci. Une série que je n'ai pas vue, ne verrai peut-être pas ou bien plus tard. Je n'en aurai sans doute pas parlé sans cet article paru dans Le Monde. L'auteur s'enquiert d'y faire rapprochement entre fiction et réalité comme s'il fallait y considérer, plus que le déroulé du scénario lui-même, un symptôme des relations de l'opinion publique avec la gauche - en tout cas avec le PS.

Baron noir est peut-être l’ultime lien entretenu entre les Français et le PS. Le dernier média d’une relation séculaire entre un parti culturellement minoritaire en France et des Français qui aiment le détester tout en ressentant le besoin de le rendre périodiquement majoritaire.

Comme toute interprétation celle-ci est peut-être excessive ; elle mérite néanmoins qu'on s'y attarde. Comme n'importe quel objet social, celui-ci est révélateur ! Certes, mais de quoi ?

D'une manière de représenter le pouvoir et l'appétit du pouvoir, d'abord. La série donne à voir des protagonistes ivres de conquête, de manigances et de manœuvres et férus de toutes ces petites mesquineries pas toujours honorables, mensonges et truanderies rarement avouables de l'exercice du pouvoir. C'est la loi du genre ; celle de la fiction qui ne saurait jamais ressembler identiquement au réel faute d'ennuyer rapidement ou, plus simplement, de sonner artificielle. Qui de manière tout à fait conventionnelle, entremêle intrigue principale de quelques incises secondaires, affaires sentimentales, de préférence impensables, et autres anecdotes, filées d'épisode en épisode, pour s'impatienter de regarder la suite. ! Bah ! La représentation ne l'est que de s'écarter de ce qu'elle représente : pas trop ; mais nécessairement. Le réel politique n'est sans doute pas aussi noir que ce baron, mais pas aussi rose qu'on voudrait l'imaginer. Il nous ressemble sans doute : gris, morose !

C'est ici que blesse le bât ! La série est sans doute bonne mais quoi ? c'est affaire de goût ; d'intérêt ; de sensibilité. Qu'importe. Mais qu'on veuille lui faire dire quelque chose qui relève du réel, voire serait la manière moderne de faire de la sociologie ou de l'histoire de la politique, alors là c'est trop et elle devient ipso facto critiquable. L'idée, en tout cas, que la classe politique soit sans foi ni loi, n'ait plus de convictions que ces slogans qui permettent de concourir et de gagner une fois sur deux, échappe à la loi ordinaire ; que cette élite ne s'agite que pour les places à prendre, les prébendes à ramasser et les fortunes à se faire ; qu'enfin, il n'y ait plus rien en fin de compte qui sépare gauche de droite que des prétextes habilement ressortis tous les cinq ans, est trop suffisamment proche du discrédit de la classe politique auprès de l'opinion publique pour ne pas l'encourager.

Au moins ne lui faisons pas dire ce qu'elle ne dit pas.

Qu'il y ait crise du politique est indéniable. Que cette série la montre dans sa cruelle crudité, peut-être ! qu'elle la traite, analyse et explique, sûrement non !

Reste ce rapport au PS. Reste le rapport à la gauche !

L'auteur de l'article va un peu vite en évoquant une relation séculaire : le PS n'a qu'une cinquantaine d'années si la SFIO effectivement date de 1905. Ne pas faire la distinction ne pas rentrer si peu que ce soit, dans le détail de l'histoire de la gauche socialiste depuis un siècle ; en avoir une si courte vue dans l'analyse comme dans le temps, condamne invariablement à des erreurs voire aux sottises de la doxa !

Je ne parviens pas à oublier les incantations de la presse au sujet de ce nouveau monde supposé émerger du et de droite et de gauche macronien, de cet émerveillement niais devant le en même temps comme si l'on avait eu inventé ici synthèse entre dialectique et jésuitisme ! Incantations vite éteintes des mêmes qui surjouent désormais le on vous l'avait bien dit !

Sans doute, si l'on voulait écrire quelque chose de sensé sur la question ou, plus simplement que l'on voulût inviter à penser, sans doute, oui vaudrait-il mieux distinguer d'entre temps court et temps long !

Temps court :

Assurément les élections de 2017 ont-elles bouleversé le paysage politique en envoyant au tapis successivement le candidat LR donné gagnant à tout coup, puis le candidat socialiste ramené au score humiliant de 5 %. Pour autant est-on assuré que ce bouleversement soit durable ? Rien n'est moins sûr ! Souvenons-nous de ce qui s'écrivit en 1958 à l'arrivée de de Gaulle au pouvoir ! Moins de dix ans après, sous d'autres noms, gauche et droite ressuscitaient malgré le pseudo-dépassement du clivage sous l'égide de l'Union ou du Rassemblement ! Rien ne garantit que demain - ou après demain - la recomposition ne s'opère. Au reste, dans le camp macronien, on commence à le redouter. Car rien ne garantit que ceci se fasse à leur avantage.

De surcroît elles clôturent un mandat certes perçu comme particulièrement décevant - mais c'est souvent le cas - mais qui surtout a révélé qu'un Président pouvait gouverner même sans majorité unie ; que donc il n'y avait plus de contre-pouvoir. Illustration évidente qu'après l'hyper-présidence de Sarkozy, elle aussi décevante, l'équilibre des institutions a été rompu.

Temps long :

Jamais la gauche n'aura été au pouvoir aussi longtemps. Sous la IIIe, seul émerge le Front Populaire de 36 mais il n'aura duré qu'un an. La victoire électorale de 1914 aura vite été brouillée par la guerre et l'Union Nationale. Sous la IVe, rien sinon le gouvernement Mendès qui n'aura pas même duré un an … juste le temps d'en finir avec la guerre d'Indochine et d'essuyer les premières affres de la guerre d'Algérie. En comparaison même s'il fallut 23 ans pour que ceci se produise, le bilan de la gauche sous la Ve est impressionnant : deux fois cinq années avec Mitterrand ; une fois cinq ans avec Jospin en cohabitation ; cinq ans avec Hollande. C'en était donc fini de cette pseudo-malédiction qui voulait que la gauche ne parvînt au pouvoir qu'avec les guerres et ne demeurât incapable jamais d'y demeurer, tout juste bonne à poser quelques réformes que la droite serait chargée d'entériner … ou de balayer.

Sauf que : le parti de Jaurès en 14 - et même en 36 - n'a pas grand chose à voir avec le PS de 2017 - mais le contexte et les rapports de forces politiques non plus évidemment.

Sauf que : le PS de 2012 résumait à peu près complètement la gauche quand dès 1920 cette dernière est marquée par la séparation de Tours et la puissance grandissante du PC.

Sauf que le Parti s'est fondé sur une méprise, un quiproquo … ou une aimable truanderie. Certes sans union la SFIO s'effondre puis disparaît. Elle s'était tant compromis dès 56 avec G Mollet ! Mais Mitterrand n'a jamais été marxiste. Il avait seulement appris à le parler. L'insensible glissement vers le centre vers ce vernis social d'une bourgeoisie toujours à l'affût, avait commencé dès 1971.

 

C'est en réalité avoir la vue bien courte que de ne pas retenir combien la gauche a plus souvent connu la division et qu'elle ne proclama jamais son union que pour constater qu'elle était loin d'être réelle. Se souvient-on des efforts incroyables d'un Jaurès pour parvenir à 1905 ? Se souvient-on comment, même face à l'Affaire Dreyfus, elle fut incapable de parler d'une voix (relire à ce sujet le discours de Lille en 1900 et la réponse de Guesde). Se souvient-on qu'il fallut le 6 février 34 pour qu'enfin elle se réunît et rendît possible 36 ? (revoir)

De même que R Rémond avait pu repérer au sein de la droite des courants ou des sensibilités différentes (légitimiste, orléaniste, césarienne) on peut aisément distinguer au sein de la gauche des nuances que longtemps PS et PC ont représentées qui ressemblent à s'y méprendre aux courants girondin et montagnard de la Révolution ; qui en héritent en tout cas caractéristiques aisément repérables. La géopolitique s'appuie sur l'enchevêtrement de causes dont certaines sont si anciennes qu'elles paraîtraient presque éternelles et de causes si superficielles qu'on les pourrait presque négliger ; l'histoire, quant à elle, Braudel nous l'a enseigné, distingue entre ces trois temps qui représentent en eux-mêmes l'étroite intrication de ce qu'autrefois on eût nommé nature et culture.

Il en va de même ici.

La distinction entre droite et gauche renvoie à quelque chose de bien plus profond que la vacuité d'un Hollande ou la démesure presque ridicule du Rastignac qui occupe le pouvoir actuellement. Ce n'est pas un hasard si l'on écrit plus volontiers que l'on est de droite ou de gauche ; mais jamais que l'on appartient à l'une ou à l'autre. Je n'ai jamais aimé l'expression peuple de gauche, peuple de droite : elle est ridicule et fallacieuse. En revanche qu'il y ait une sensibilité de gauche et de droite qui fasse que l'on s'y reconnaît presque spontanément, oui ceci mérite d'être entendu. Analysé.

Mérite en tout cas mieux que ces balivernes sentencieuses proclamant que le clivage gauche/droite n'avait plus de sen.

Alain nous aide à nous souvenir que ce type d'affirmation est une obsession de la droite ! mais n'a rien en tout cas qui ressemblât à une nouveauté.

Lorsqu'on me demande si la coupure entre partis de droite et parti de gauche, hommes de droite et hommes de gauche, a encore un sens, la première idée qui me vient est que l'homme qui pose cette question n'est certainement pas un homme de gauche. Alain

Je m'étais, il y a presque dix ans, interrogé sur ce que voulait dire être de gauche. Je commence à regretter n'être pas allé jusqu'au bout de l'analyse. Crois bien qu'il faudrait la reprendre.

Car ce qui s'y joue pourrait bien expliquer pourquoi, même sous des avatars différents, des circonstances et des programmes différents, la gauche renaît de ses cendres, toujours ! Tout simplement parce qu'elle ne meurt pas. Que ce qu'elle représente et traduit nous dépasse ; renvoie peut-être à un rapport presque métaphysique au monde. A un impératif catégorique. Refuser le monde tel qu'il est : l'injustice, la misère. Chercher l'autre, fonder la solidarité ; rendre possible la liberté. Ces items pourront demain prendre des formes différentes ; devoir s'adapter à des contextes différents et des contraintes nouvelles. Ces aspirations demeurent constantes. Éternelles.

Temps à venir

Elle pèse néanmoins, ici, en ceci même, cette réflexion : comme un reproche sidéral. Comme une revendication immarcescible. Qui s'adresse à eux, comme à moi-même.

Ceux-là, ces hommes prétendus de gauche, oui, nous ont abandonnés ! Nous voici, seuls, presque sans défense, non seulement face aux puissants et aux invraisemblables donneurs de leçons ; face à ce libéralisme qui se pique d'être naturel, incontournable, évident ; face à la raison du plus fort.

Où est la gauche ? Qui ou quoi peut la réveiller ? C'est urgent ! Car les périls ne sont pas seulement ceux de la réaction, des lobbys, des puissants. Mais ceux encore du retour aux fascismes, aux racismes et ostracismes de tout genre. Mais enfin ceux, environnementaux, que nous ne parvenons ni plus à contre-carrer qu'à penser.

Cette réflexion, comment l'entreprendre ? Par l'histoire seulement ? Evidemment non ! Par l'analyse de ses leaders et de leurs discours, textes et ouvrages ? oui, mais pas seulement. Par les seuls canons d'une science politique ? Sûrement non pour ce qu'elle demeure désormais incapable de penser le politique autrement qu'avec les concepts du marketing !

Avec les outils de la philosophie oui sûrement parce que je ne sais faire autrement. Avec la logique de la métaphysique ? Peut-être ! parce qu'il faut aller jusqu'au terme de mon hypothèse : dans la posture de gauche - comme de droite - il y a quelque chose d'éternel - qui renvoie à notre rapport au monde. Ce n'est donc pas avec les principes d'un quelconque matérialisme historique qu'il faut penser la gauche. Mais à partir de ce refus - celui-là même que G Bataille avait repéré et que Blum, presque spontanément, énonce :

Il faut entendre C A Julien énoncer avec émotion cette entrée presque initiatique dans le parti ! Ce peut sembler ridicule mais ôtait toute idée de considérer l'engagement politique comme stratagème pour se faire place au soleil. Oui il y avait quelque chose de presque religieux - que l'on retrouvera d'ailleurs au PC. Pour le meilleur ou pour le pire ! Ce que Léon Blum écrita dès 1919 :

Le socialisme est donc une morale et presque une religion, autant qu’une doctrine.  Blum

Comment redonner du sens au parti, à la gauche sans tomber dans les aveuglements totalitaires ou les errements dogmatiques mais comment, à l'inverse, interdire qu'il demeurât coquille vide, de sens comme de valeur ?

En les repensant. Mais librement.

Car ce qui me semble incroyable, aujourd'hui, ce n'est pas seulement que la gauche manque de dirigeants ; de leaders habiles ou charismatiques. C'est qu'elle n'a plus ni programme ni pensée. Elle a laissé le parti devenir une coquille vide, une simple machine électorale … qui a, depuis, fini par s'enrayer. En laissant le choix de ses candidats à d'improbables primaires, et de son programme à d'obscurs think tanks, on aura laissé voie libre aux manœuvriers, énarques et autres progénitures bourgeoises qui, pour un temps et pour aussi longtemps que ceci eut l'air de fonctionner, préférèrent le PS à la droite puis le quittèrent aussi vite quand la Bérézina s'annonça. De fréquenter les mêmes lieux, le même espace des 5e et 6e arrondissements, de s'opposer si mécaniquement comme l'aurait écrit Girard, oui, décidément, on finit par se ressembler.

Que la droite n'ait pas grand chose à penser quand elle privilégie le pragmatisme est en réalité logique. Quand la gauche fait de même, joue l'économie libérale et commence à arguer d'un Etat trop imposant, alors, oui, elle trahit.

Où sont les Jaurès, les Blum ou, au moins, les Mendès-France de demain ?

Nous en avons besoin ! bien plus que de la mise en scène macabre de ces arlequins de pacotille !

 

 


 


 

« “Baron noir” est peut-être l’ultime lien entre les Français et le Parti socialiste »

Kad Merad (Philippe Rickwaert) et Anna Mouglalis (Amélie Dorendeu), héros de la série Canal+ « Baron Noir », dans la cour de l’Elysée.Kad Merad (Philippe Rickwaert) et Anna Mouglalis (Amélie Dorendeu), héros de la série Canal+ « Baron Noir », dans la cour de l’Elysée. CANAL+

Tribune. Tous les deux ans, la sortie de la série Canal+ Baron noir est guettée. Singulièrement au Parti socialiste (PS). Entre l’anxiété des anciens, qui ont peur d’y être égratignés, la jalousie des suivants, qui considèrent que ce coup de projecteur sur le véritable Baron noir, Julien Dray, va gêner leur progression ou, peut-être encore plus, ceux qui espèrent y déceler de futures indications sur ce qu’il faudrait faire pour sortir de la nasse, tout le monde s’accorde.

Nous sommes tous fans de cette série magistrale. Il suffit de regarder l’emballement des réseaux sociaux pour s’en convaincre. Combien de socialistes ont regardé les huit épisodes d’une traite ?

Le « binge watching » [visionnage boulimique] bat son plein et les commentaires inondent les boucles de messages WhatsApp, tard dans la nuit.

Baron noir est peut-être l’ultime lien entretenu entre les Français et le PS. Le dernier média d’une relation séculaire entre un parti culturellement minoritaire en France et des Français qui aiment le détester tout en ressentant le besoin de le rendre périodiquement majoritaire. Le temps de quelques progrès sociaux. Que chacun sera ensuite libre de critiquer comme insuffisants et d’ajouter que l’on ne les y reprendra pas de sitôt…

« Dans une symétrie parfaite, plus la série rassemble les Français, moins le PS est en capacité d’attirer leurs suffrages »

Seulement, cette année, la diffusion de cette série s’ancre dans un contexte particulier. Certes, ce n’est pas la première fois dans l’histoire que l’annonce de la disparition du PS se propage. Sans juger des causes ayant conduit à cette hypothèse latente, il semblerait que cette dernière se vérifie à l’occasion de la nouvelle saison. Le PS ayant conditionné son existence au socialisme municipal, son effacement du prochain scrutin vient corroborer le postulat d’une disparition.

Petites histoires et grands souvenirs

Au-delà de la solidité de l’intrigue, au-delà du splendide jeu des acteurs qui tient en haleine bien au-delà des 25 000 adhérents du PS, l’apport génial du scénariste Eric Benzekri et de son équipe tient à la résonance. Avec Baron noir, on ne sait plus si c’est le PS qui fait la série ou la série qui fait le PS. Dans tous les cas, c’est la matérialisation de l’entrée du PS dans le patrimoine culturel et historique de tous les Français.

Depuis 2016, chaque nouvelle saison de la série représente un rendez-vous médiatique et culturel où sont convoqués les petites histoires et les grands souvenirs. C’est peut-être le dernier lieu où les petites phrases qu’aimaient tant les socialistes ont une utilité pour faire avancer un récit. Parce que, dans le même temps, le PS disparaît rapidement et progressivement de la scène électorale et, par effet, de la scène institutionnelle, donc du champ politique.

Dans une symétrie parfaite, plus la série rassemble les Français, moins le PS est en capacité d’attirer leurs suffrages. Baron noir vient matérialiser l’entrée du PS dans la mémoire collective de tous les Français. C’est le paradoxe de cette histoire. Dès lors que ce parti n’est plus un acteur agissant du monde politique, mais qu’il devient un élément du patrimoine historique et culturel de tous les Français, sa mort est entérinée. L’appropriation culturelle de ce que représente le PS concrétise sa disparition. Le PS entre dans la mémoire dès lors que son histoire ne lui appartient plus, ni à ses dirigeants ni à ses militants, car elle devient le bien de tous.

On prend conscience de cette disparition à travers au moins deux aspects. D’abord, par le fait que le PS sera très peu représenté en tant que parti, assis sur une logique politique cohérente, dans les prochaines élections municipales. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer ce qui se passe dans les grandes villes comme Paris, où le logo du PS a totalement disparu, ou dans des grandes villes comme Marseille où il n’y a carrément plus ni de structure ni de colonne vertébrale socialiste dans ce qui a longtemps été un bastion du socialisme municipal.

Eparpillés pour les municipales

Plus grave encore que les symboles, cet état de fait se vérifie dans la quasi-totalité des villes comprises entre 10 000 et 120 000 habitants.

A Metz, après avoir été pendant douze ans à la tête de la ville, les socialistes sont totalement éparpillés, présents sur plusieurs listes, de la droite à l’extrême gauche, tandis que le PS n’agit plus qu’en tant que marque en soutien de la liste conduite par les Verts. A Strasbourg, on est contraint de faire appel à Catherine Trautmann pour essayer de sauver les meubles. Partout, les difficultés s’amoncellent malgré l’engagement sincère des derniers militants. Le PS risque de sortir de ces élections municipales privé de l’un de ses derniers leviers, le nombre de ses élus.

Le deuxième aspect et sans nul doute le plus important, c’est que le PS ne pense plus rien et que cela se voit. Un parti politique sert à produire des idées et à organiser leur diffusion dans la société. Alors que la séquence sur la réforme des retraites était un don du ciel qui aurait dû permettre un rebond dans l’opinion en donnant aux socialistes la possibilité d’irriguer par des contre-propositions ou, tout au moins, une opposition déterminée et visible face à Emmanuel Macron, on constate qu’ils ont été invisibles et inaudibles sur la scène médiatique. Quelques rares articles sur la présencedu premier secrétaire [Olivier Faure] dans des manifestations. Et puis ? Et puis c’est tout.

Le dernier espace idéologique dans lequel les socialistes ont pu essayer d’exister médiatiquement, c’est la laïcité, au prix d’une approche disruptive qui laissera immanquablement des traces. Par l’entremise d’un changement de pied contraire à l’histoire des socialistes, le premier secrétaire du PS a pu faire un coup médiatique.

Les combats se mènent ailleurs

En effet, la matrice idéologique du Printemps républicain (dont M. Faure est membre fondateur [il a pris depuis ses distances avec le mouvement]) n’est absolument pas le positionnement traditionnel et historique des socialistes quant à la laïcité. Ce qui était jusqu’alors une position marginale et éventuellement reprise par quelques rares personnalités politiques ultra-minoritaires au sein du PS, tel Manuel Valls par exemple, est devenue centrale. Cela a même été présenté comme la nouvelle colonne vertébrale qui relèverait tout l’édifice.

Mais, au-delà des vœux de quelques supporteurs, ce n’est bien entendu pas suffisant. Le PS semble coincé dans cette attitude de faiseur de coups ponctuels venant, où il le peut encore, en soutien de logiques qui se construisent désormais de manière assumée à l’extérieur.

En tout état de cause, c’est bien là le signe de la fin structurelle du PS en tant qu’organisation. Il reste bien une boîte postale et même de jolis locaux, mais les combats se mènent ailleurs. Des « gilets jaunes » à la réforme des retraites en passant par les élections européennes, l’organisation n’a su ni agir ni accompagner l’action.

Tel un poète, Eric Benzekri dit remarquablement l’absence. Il illustre le passage du PS de l’histoire à la mémoire, rendant explicite la nudité de rois sans couronne.

Yoan Hadadi est membre du Bureau national du Parti socialiste. Il a été chef de cabinet du secrétaire d’Etat chargé de la mémoire auprès du ministre de la défense de 2014 à 2017.