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Concert

Je l'ai évoqué à deux reprises au moins ici et nombreuses sont les photos de lui figurant sur ce site. Fabrice Mourlon chantait hier soir au Sunside, rue des Lombards.

Concert normal, prévisible, allais-je écrire quand bien même le jazzeux croque-notes variât toujours ses prestations de concert en concert, mais la chose avait suffisamment de caractère pour que je m'y reconnaisse d'occurrence en conjoncture. Le pianiste, excellent, au demeurant, était celui que j'avais presque toujours connu. Le contrebassiste seul m'était inédit.

Je n'y prêtai à l'origine pas garde, si peu au reste, que caché par Fabrice je n'ai de lui aucune photo claire et ne pris pas même soin d'en prendre.

Je me rendis vite compte que les morceaux joués l'étaient de manière différente. C'était un peu comme si le gros instrument grave et caverneux comme la voix égrillarde et argotique de Françoise Rosay dans ses derniers films, avait pris toute la place et bousculé piano, micro et chanteur.

L'ibère hâbleur n'avait pourtant l'air de rien, escamoté, faussement humble, derrière son bedonnant instrument : il ne tarda pourtant pas à révéler la corde si peu sensible de son âme. Ses solos étaient certes un peu plus longs que d'ordinaire puis très vite s'allongèrent comme l'impatience d'un Narcisse à se convoiter dans le fil de l'eau. L'importun impétrant se mit à chantonner tandis qu'il bousculait ses cordes. Trop vite, il n'y eut plus que lui ! Éclairé de sa propre suffisance … Idolâtre jusqu'à la frénésie de sa lugubre personne

 

Et le pianiste n'eut plus qu'à pieusement patienter que Sa boursouflure eut enfin évidé le trop-plein de vanité qu'il camouflait entre ses cordes dans ce grand duo qu'avec lui-même, avec pompe et munificence il condescendit à nous offrir. Le comble fut atteint lorsqu'à la fin du concert, au moment des ultimes présentations et salutations, il s'enquit de féliciter le chanteur pour la qualité de ses compositions comme s'il avait déjà rebaptisé en son nom le trio et qu'il se fût, grand critique, exhaussé au grade suprême où trier d'entre bon grain et ivraie - ce qu'il ne manquait pas de faire - fût de son ultime devoir devant ce public décidément inculte.

Il y avait, triste mais comique, une volonté obscène de tout bousculer pour se faire une place, la première évidemment. Je ne sais si c'était ici affaire de perversité ou simplement de sottise. Je n'ai pas l'art du diagnostic : je sais seulement que connerie, vanité et rancœur sont rarement élégantes. Jamais discrètes.

Ce sbire aura été d'une cuistrerie de butor de pied plat ridicule ! Est-ce chez Cyrano qu'il en faut prendre exemple ou chez La Fontaine. Car enfin, l'importun avait ici tout du parasite, pillant et s'appropriant à l'esbroufe ce que son mérite ne lui espérait pas même d'épeler.

Un rat !

Mais les rongeurs ne se vautrent jamais impunément à la table des fermiers généraux. Ils se trahissent vite : tellement balourds qu'ils n'ont pas même l'art de la dissimulation.

Dommage ! Fabrice mérite mieux. Et se trouvera bien vite compagnon à la hauteur de ce qu'il offre. Et que le nébuleux alguazil disparaisse bien vite de nos mémoires.

Place à la musique.