Bloc-Notes
index précédent suivant

Concert ...

 

Je crois que je ne vais pas être objectif ... enfin pas tout-à-fait ! Fabrice Mourlon est un ami et l'envie serait naturelle d'en sur-ajouter. Je n'ai d'ailleurs aucune compétence pour évoquer ses qualités musicales moi dont la tendance est de supposer la musique commencer avec Bach et finir quelque part autour de Haydn et Schubert ! J'exagère un peu ... à peine.

Je sais en revanche le plaisir intense d'une soirée chaleureuse et reconnaître la joie terriblement contagieuse que l'artiste mit ce soir à se produire devant nous.

Celui qui contrefait si souvent le bougon atrabilaire, prompt à pester contre tout ce qui l'embarrasse, l'informatique quand elle ne ploie pas à ses desiderata soudains, la populace parisienne qui suinte la sueur dans le métro dès pôtron minet, les cabales infantiles que le petit monde universitaire sait à l'occasion ourdir quand il se pique de vouloir être important qui d'ailleurs toujours échoue en demeurant seulement importun ... et j'en passe ... ; celui-là même cache l'impétuosité d'un Winnie l'Ourson devant son premier pot de miel, une sensibilité à faire tressaillir la mauvaise foi la plus acariâtre, une générosité sans défaillance aucune qu'il sait instiller dans les gestes les plus humbles.

J'ai toujours aimé ceux qui se savaient maintenir à califourchon sur les lignes ; ceux qui, aux limites, savent nouer les ultimes ressacs d'une mer trop sage aux premiers enchâssements de terre et redonner ainsi au λόγος la noblesse de l'ange et l'agilité du pâtre. Celui-là eût pu se contenter, comme d'autres, d'exercer son métier d'enseignant ; mais il a beau poursuivre une assez belle carrière universitaire et griffer sa plumes aux arides contraintes des normes heuristiques et colloqueuses, jamais il n'imagina que cette tension-là, dont tant se satisfont qui y trempent paresseusement leur superbe, pût suffire jamais à orner sa vie d'homme.

Dans un silence presque monacal, dans une discrétion en tout cas méritoire, il écrit, compose ... mais jamais n'en parle. Et chante ! Plutôt bien, ma foi !

Je ne saurai jamais qui des deux lui permet d'endurer l'autre : j'imagine pourtant que la musique doit bien émousser un peu les saillies incisives, acerbes et caustiques, les circonlocutions empesées de componction qu'il lui faut endurer ailleurs. Mais surtout, il ne se contente pas de se servir de la musique pour mettre un peu de baume à l'aridité du temps. Il la sert et de belle manière.

Quel plus beau titre de gloire que celui d' endurer tous les risques de s'exposer ainsi et sa si fragile sensibilité ?

J'aime en tout cas que la roide raison s'y tempère ainsi aux mélopées de l'émotion.

Montaigne a raison de dire qu'un honnête homme est un homme mêlé. Celui-ci en est un ! et de haute facture.