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Condamner l'anti-sionisme ?

 

le retour de la bête immonde Se souvenir anti-sionisme

 

Vieille histoire que ces lois mémorielles et je ne parviens pas à oublier la polémique qui en son temps avait accompagné la loi Gayssot qui notamment condamnait en son article 9 toute contestation de la réalité des crimes contre l'humanité

Seront punis des peines prévues par le sixième alinéa de l'article 24 ceux qui auront contesté, par un des moyens énoncés à l'article 23, l'existence d'un ou plusieurs crimes contre l'humanité tels qu'ils sont définis par l'article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par les membres d'une organisation déclarée criminelle en application de l'article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale.

Le principe même de telles lois mémorielles a toujours été contesté ici ou là - pas toujours par des officines d'extrême-droite - pour le risque d'une vérité officielle, risque pas toujours écarté, pour la tentation demain toujours possible d'un exécutif en mal d'efficacité. C'est que l'histoire comme toute science, fût-elle seulement humaine ou sociale, a besoin de liberté parce qu'il n'est pas de recherche saine sans elle ; ni de justice saine qui sortirait de ses prérogatives. [1]

La question réapparaît à l'occasion des récents débordements. D'un groupe de députés se croyant obligés de réagir et de légiférer. D'un président d'abord rétif qui néanmoins finir par annoncer des mesures fortes au dîner du CRIF. … Mais aussi des réactions, saines en soi, de la population : ce rassemblement réconfortant de la République même s'il fut moins massif que celui qui suivit les attentats contre Charlie.

Ce sera toujours la même gêne : impossible de ne pas condamner ; impossible de retenir cette pulsion qui pousse à réagir même si l'on sait avec Wieworka que le débat encourt toujours le risque de la démesure  ; impossible de ne pas craindre qu'en sur-réagissant on n'attise pas les haines plus encore … Impossible toujours et encore de ne pas craindre le trop tard ou le trop tôt …

Ici, pourtant, bien autre chose encore qui illustre quelque chose comme de l'inculture ou en tout cas des effets délétères de ce brouillage idéologique que la modernité affecte de glisser sous le nom suave d'efficacité ou de performance et qui nous fait systématiquement utiliser un mot pour un autre.

Le sionisme désigne bien ce courant né avec Th Herzl visant à trouver une terre pour le peuple juif, en Palestine de préférence, mais il essaya ailleurs, sous l'argument, après l'Affaire Dreyfus, qu'il n'y aurait jamais de paix pour un Juif, ni de pays qui ne finisse par pratiquer la ségrégation voire la persécution. Zweig fait le récit de cette rencontre et ne dit pas autre chose. Au pied de la lettre, l'antisionisme n'est pas une position antisémite et n'implique aucune ségrégation. Il signifie ou bien que l'on fut à l'époque contre la création d'Israël - ou qu'au moins on ne trouva pas l'idée la plus judicieuse - ou bien aujourd'hui qu'on ne se sente pas substantiellement lié à la politique menée par les gouvernements israéliens. De nombreux juifs , après guerre, ne jugèrent pas utile, ou désirable de quitter l'Europe - dont ce qu'il resta de ma famille ; de nombreux goyim approuvèrent en 48 la création d'Israël. Depuis, gênés parfois, désolés toujours, en silence trop souvent, de nombreux juifs désapprouvèrent la politique de Jérusalem et surtout la présence au pouvoir d'extrémistes intégristes. A moins de leur faire le reproche absurde d'antisémitisme comme on le fit à Arendt au moment du procès Eichmann.

Alors quoi ?

Il n'est pas faux que du côté de l'extrême-droite on s'ingénie depuis des années à utiliser ce terme moins pénalement dangereux : c'est ce qu'explique D Albertini .

Mais surtout s'y déploie ce qui est la mécanique même du racisme qu'avait démontée Sartre : réduire un individu à une essence, au groupe auquel il appartient et à qui on a attribué des attributs essentiels. Tu es juif signifie toujours tu n'es qu'un juif ! Toi, parce que tu es juif tu ne pourrais qu'approuver inconditionnellement tout ce qui serait décidé par le gouvernement israélien ! Stupide mais efficace comme tous les raccourcis essentialistes. C'est par ce biais que la dénomination d'antisioniste peut fonctionner comme injure à caractère raciste.

Les dés sont donc pipés - une fois encore. Memmi avait définitivement raison : le racisme est un machine de mots et parfois de mots pipés.

Cela me fait souvenir de ce que je pensai - j'étais bien jeune alors - lors de l'adoption de la loi Pleven de 1972 instituant le délit d'incitation à la haine raciale : ce n'est pas une loi qui empêchera les gens d'être odieux et racistes ! oui pas plus que la déclaration des droits de l'homme n'aura suffi à les faire respecter évidemment mais la loi a pour fonction aussi de fixer un cadre, un objectif ; des critères de jugement.

La tentation - elle est forte depuis Sarkozy - de légiférer au moindre incident se manifeste aujourd'hui encore : regardons d'abord si l'appareil législatif actuel n'est pas suffisant ! tout mieux que des effets d'annonce sans rien derrière.

Devrait faire réfléchir qu'un mouvement - social au départ même si polymorphe et aux contours indécis - puisse ainsi déraper si vite et si fort …

Il y a quelque chose de pourri dans le royaume de Danemark

Il n'empêche ! Est-ce solution politiquement neutre que de hurler en même temps que les loups et de se draper dans une vertu républicaine que par ailleurs on bafoue ?

 

 


 


Liberté pour l'histoire

Une pétition pour l'abrogation des articles de loi contraignant la recherche et l'enseignement de cette discipline.

Libération 13 décembre 2005 à 04:57

Emus par les interventions politiques de plus en plus fréquentes dans l'appréciation des événements du passé et par les procédures judiciaires touchant des historiens et des penseurs, nous tenons à rappeler les principes suivants :

L'histoire n'est pas une religion. L'historien n'accepte aucun dogme, ne respecte aucun interdit, ne connaît pas de tabous. Il peut être dérangeant.

L'histoire n'est pas la morale. L'historien n'a pas pour rôle d'exalter ou de condamner, il explique.

L'histoire n'est pas l'esclave de l'actualité. L'historien ne plaque pas sur le passé des schémas idéologiques contemporains et n'introduit pas dans les événements d'autrefois la sensibilité d'aujourd'hui.

L'histoire n'est pas la mémoire. L'historien, dans une démarche scientifique, recueille les souvenirs des hommes, les compare entre eux, les confronte aux documents, aux objets, aux traces, et établit les faits. L'histoire tient compte de la mémoire, elle ne s'y réduit pas.

L'histoire n'est pas un objet juridique. Dans un Etat libre, il n'appartient ni au Parlement ni à l'autorité judiciaire de définir la vérité historique. La politique de l'Etat, même animée des meilleures intentions, n'est pas la politique de l'histoire.

C'est en violation de ces principes que des articles de lois successives ­ notamment lois du 13 juillet 1990, du 29 janvier 2001, du 21 mai 2001, du 23 février 2005 ­ ont restreint la liberté de l'historien, lui ont dit, sous peine de sanctions, ce qu'il doit chercher et ce qu'il doit trouver, lui ont prescrit des méthodes et posé des limites.

Nous demandons l'abrogation de ces dispositions législatives indignes d'un régime démocratique.

Jean-Pierre Azéma, Elisabeth Badinter, Jean-Jacques Becker, Françoise Chandernagor, Alain Decaux, Marc Ferro, Jacques Julliard, Jean Leclant, Pierre Milza, Pierre Nora, Mona Ozouf, Jean-Claude Perrot, Antoine Prost, René Rémond, Maurice Vaïsse, Jean-Pierre Vernant, Paul Veyne, Pierre Vidal-Naquet et Michel Winock