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Antisémitisme

 

le retour de la bête immonde Se souvenir anti-sionisme

 

« Tel était le cœur du problème de la communauté juive d'Allemagne : elle était si bien intégrée dans la société allemande que le coup de massue du nazisme est venu la frapper de l'intérieur. Non pas de l'extérieur, comme la communauté juive polonaise, qui a vu l'occupant lui tomber dessus. Ici, personne n'est venu de l'extérieur. » Walter Zwi Bacharach

C'est peut-être ce qu'il y a de plus flagrant dans la manière dont furent perçues les persécutions nazies quand elles commencèrent. Nul n'y crut véritablement et quand on commença à en réaliser l'ampleur et la malignité il était trop tard.

Il suffit de remonter un peu en arrière aux tout débuts du siècle. Et lire ce que Zweig dit de l'état d'esprit à Vienne quand parut la brochure de Herzl : ne pas se faire remarquer ; ne pas faire de bruit ; se fondre dans la masse. Cette obsession fut celle de tous les juifs européens qui firent le pari de l’assimilation et qui crurent si bien y être parvenus tant en sachant la situation toujours précaire qu'il estimèrent toujours que toute notoriété excessive, toute réussite tapageuse ne pourrait qu'attirer les foudres vengeresses sur toute la communauté. J'entends encore mon arrière-grand-mère vitupérer contre L Blum, pourtant bien après-guerre, grommelant il aurait mieux fait de rester à sa place; il va attirer l'attention et la jalousie sur nous … 30 ans après ! Après, surtout, le génocide qui décima sa famille … elle en était encore là ! Elle y restera. Ce monde de la certitude et de la sécurité que décrivent si bien les premières pages du Monde d'Hier était sans doute trop prégnant pour qu'elle en sortît jamais.

je me souviens bien de l'ahurissement général et du dépit de la bourgeoisie juive de Vienne. Quelle mouche, disait-on avec hargne dans ces milieux, a donc piqué cet écrivain d'habitude si spirituel et si intelligent, si cultivé ? Quelles sottises commet -il et se met-il à écrire ? Pourquoi irions-nous en Palestine? Notre langue, c'est l'allemand et non pas l'hébreu, notre patrie , la belle Autriche. Notre situation, sous le bon empereur François-Joseph, n'est-elle pas excellente? N'avons-nous pas des conditions de vie convenables et une position sociale assurée? Ne jouissons-nous pas des mêmes droits civiques que les autres sujets de la monarchie, ne sommes-nous pas des citoyens fidèles et solidement établis dans cette Vienne bien-aimée ? Et ne vivons nous pas une époque de progrès, qui éliminera en quelques décennies tous les préjugés confessionnels ? Pourquoi lui, qui parle en Juif et veut servir le judaïsme , fournit-il des armes à nos pires ennemis et cherche -t-il à nous séparer, alors que chaque jour nous rattache plus étroitement et plus intimement au monde allemand ?
Zweig Le monde d'hier

Autant les autrichiens de 1896 quand parut l'opuscule de Herzl que les allemands de 1933 n'osèrent seulement imaginer qu'on s'en prît à eux tant ils s'estimaient solidement arrimés à la société progressiste et moderne qu'ils s'étaient choisie et à quoi ils avaient beaucoup sacrifié; Bien sûr ils n'étaient pas sots et n'avaient besoin de personne pour comprendre que la haine du juif continuait de sévir en Europe et continuerait longtemps encore de le faire. Mais en France, la digue avait tenu et, somme toute, après l'Affaire Dreyfus, la République avait plutôt avancé. Pourquoi n'en irait-il pas de même en Allemagne. Bien sûr, Hitler et ses sbires étaient leur ennemi mais quoi ? jamais ils n'arriveraient au pouvoir et quand même y parviendraient-ils, leurs excès les en écarteraient bientôt. C'est ainsi que nombreux restèrent ; trop longtemps pour pouvoir s'enfuir encore.

Tout sera fait pour qu'ils disparaissent de la vue des bons allemands … puis disparaissent tout court.

Pourquoi revenir sur ce sujet ? N'est ce pas avoir recours invariablement à la régression ad hitlerum bien pratique pour clore le débat ? C'est bien ici un comble - qui illustre à merveille l'incroyable embrouillamini idéologique qui préside aux débats désormais - que d'éprouver scrupules à rappeler des faits historiques.

Ils disent pourtant deux réalités essentielles qu'en ces temps incertains nous ferions bien de ne pas oublier :

Je n'ai pas plus de réponses que les autres. J'observe seulement que les conflits, débats, invectives et animosités ordinaires quittent beaucoup plus rapidement qu'autrefois le terreau économique ou social qui les avait suscités. Sans doute l'extrême-droite souffle-t-elle sur la braise et est-ce pour elle une manière de redorer un blason défraîchi après 2017. Il n'empêche que la manœuvre semble réussir : signe inquiétant. Inutile de s'en prendre aux réseaux sociaux : les thermomètres n'ont jamais fait la maladie. Aussi désolant que ceci paraisse les temps à venir seront périlleux : au même titre que les années de plomb et de terreur succédèrent à ce qui parut a posteriori une Belle Epoque, autant les soixante dernières années risquent fort de nous paraître paisibles à côté de celles qui viennent où à coup sûr bon sens, démocratie et tolérance menaceront incessamment de perdre pied.