Bloc-Notes 2018
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Mea culpa … mea minima culpa

l'affaire revoici la morale revoici l'Eglise Mea culpa  

 

Magie de la toute-puissance … ou de l'habileté : il aura suffi que le Prince parlât devant ses ouailles pour que l'affaire fût emballée. A-t-il simplement choisi le moment opportun, après deux journées d'auditions parlementaires qui permirent à chacun des interlocuteurs de jouer le grand air du c'est pas moi, c'est l'autre, ou a-t-il révélé quelque chose d'essenriel qui permette de clore l'affaire ?

Qu'importe finalement ! Kairos est passé ; on a failli ne pas le voir mais désormais tout a basculé. Macron, lui, l'a vu passer.

Quelques remarques néanmoins en passant :

Le seul responsable de cette affaire c'est moi, et moi seul. Celui qui a fait confiance à Alexandre Benalla, c'est moi, le président de la République. Celui qui a été au courant et a validé l'ordre, la sanction de mes subordonnées, c'est moi et personne d'autre. Ce qui nous a conduits là, ce n'est pas la République des fusibles, ce n'est pas la république de la haine, celle où l'on fait trinquer un fonctionnaire ici, un collaborateur là. On ne peut pas être chef par beau temps et se soustraire lorsque le temps est difficile. S'ils veulent un responsable, il est devant vous, qu'ils viennent le chercher. Et ce responsable, il répond au peuple français et au peuple souverain.
Alexandre Benalla, c'est quelqu'un qui nous a accompagné durant la campagne avec beaucoup de courage et d'engagement. (...) Quoiqu'il advienne dans cette affaire, je n'ai pas à oublier cet engagement. Ce qu'il s'est passé le 1er mai, (...) est grave, sérieux et a été pour moi une déception, une trahison.
Alexandre Benalla n'a jamais détenu de codes nucléaires, Alexandre Benalla n'a jamais occupé à un 300 m² à l'Alma, Alexandre Benalla n'a jamais gagné 10.000 euros, Alexandre Benalla lui non plus n'a jamais été mon amant. Alexandre Benalla, bagagiste d'un jour, n'a jamais occupé cette fonction dans la durée. Toutes ces choses qu'on a entendues... Les mêmes vous disant tout et n'importe quoi sans que ça les fasse rougir ou s'interroger sur eux-mêmes. Qu'ils soient parlementaires, commentateurs ou journalistes... On dit des fadaises!
Beaucoup se disaient: pourquoi le président de la République ne parle pas. J'ai plutôt pris ce pli de choisir le moment où je parle et ne pas me le faire dicter. Et je continuerai à procéder de la sorte. Quand on est président de la République, on ne parle pas quand il y a une garde à vue (...) et quand les esprits s'embrasent (...) et pour être un des participants d'une mêlée
Ce que je regarde depuis quatre jours, c'est un spectacle où la tentation de presque tous les pouvoirs est de sortir de son lit. Nous avons une presse qui ne cherche plus la vérité. (...) Je vois un pouvoir médiatique qui veut devenir un pouvoir judiciaire, qui a décidé qu'il n'y avait plus de présomption d'innocence dans la République et qu'il fallait fouler aux pieds un homme et avec lui toute la République.
Je vois un pouvoir judiciaire qui va continuer à faire son travail et c'est essentiel. Mais je constate que nous avons un problème dans le fonctionnement quotidien. Pas une audition, pas une recherche ne sort à la seconde même dans la presse. Comment conjuguer la présomption d'innocence avec un tel fonctionnement?
Je vois certains qui voudraient faire sortir le pouvoir législatif de son lit, considérant qu'il appartient au Parlement de se substituer à la justice et de devenir un tribunal populaire, d'oublier la séparation des pouvoirs et de considérer qu'il est de son ressort de contrôler chaque décision de l'Elysée.

C'est bien en terme de morale que tout se sera joué : une petite auto-critique en public avec tout ce qu'il faut d'émotion - la trahison mais la reconnaissance néanmoins - qui vous ferait presque plaindre mais en tout cas vous rend pardonnable. On s'appesantit sur la faute de l'autre ; peu sur la sienne ; on se contente de dire que l'on assume - mais que signifie assumer quand, président, on est politiquement irresponsable et donc insaisissable ? - et finalement on se donne le beau jeu d'être magnanime en refusant de reporter la faute sur les subordonnés - mes fusibles - et même en reconnaissant les qualités professionnelles et l'engagement de Benalla !

On invective au passage, en les nommant, tous les contre-pouvoirs : parlementaires ; presse et justice coupables chacun à son niveau de sortir de ses prérogatives et, surtout, d'empêcher le travail normal des réformes. On le fait sur le mode ironique en ridiculisant certaines infos parues et en les mélangeant avec d'autres parfaitement farfelues - que vient faire ici cette histoire d'amant ou de codes nucléaires ? Ce qui indique au passage que la magnanimité ne s'adresse pas à tous et que cette affaire a été ressentie comme un crime de lèse-majesté.

On tripatouille un peu la vérité : les erreurs manifestes de communication sont travesties en intentions. Puisque ces mystères nous dépassent, feignons d'en être l'organisateur, écrivait Cocteau ; il s'agit exactement de cela. Celui qui se targue d'être maître des horloges, ne sachant commettre des erreurs, aura simplement, en bon stratège, choisi ses heure et lieu. C'est la version potentat du petit garçon pris les doigts dans le pot de confiture : celui-ci toujours rétorque c'est pas moi ; celui-là assume même ce à quoi il est étranger.

Enfin, seul signe finalement qui laisserait entendre que l'animal eût été sinon blessé en tout cas touché ; le défi orgueilleux ! Qu'ils viennent le chercher ! Que la bête traquée cherche à se défendre est logique même s'il y a toujours quelque agacement à entendre nos présidents ne pas supporter qu'on les critique ou leur demande des comptes quand, après tout, c'est ici le jeu même de la démocratie. La constitution gaullienne - les réformes depuis 58 n'auront fait qu'en accentuer le trait - est finement ciselée pour que le président ne puisse être atteint et que ce soit le gouvernement seul qui soit responsable - quitte à jouer le rôle de fusible. Souvenons-nous du renversement du premier gouvernement Pompidou en 62 du seulement à une saillie de de Gaulle sur l'Europe qui agaça les élus centristes - MRP à l'époque.

Ce qui amène à une seconde série de remarques :

Tout vient confirmer l'excessive concentration des pouvoirs entre les mains exclusives de la présidence sans que personne - hormis les élus de la France Insoumise - ne vienne en contester la légitimité. On avait déjà repéré l'hyperprésidence de Sarkozy ; combien celle de Hollande a pu en dépit d'une majorité divisée le soutenant parfois comme la corde le pendu mais qu'aucun contre-pouvoir ne pouvait atteindre. Avec Macron, sans que rien ne le justifier, le phénomène s'accentue puisqu'au nom de la sacro-sainte séparation des pouvoirs, tout ce qui touche à l'organisation de l'Elysée, notamment les attributions des conseillers, demeure hors d'atteinte.

Le bravache Qu'ils viennent le chercher illustre parfaitement le phénomène.

Qui s'observe néanmoins à un autre niveau, de l'autre côté du pouvoir :

Limite finalement de cet appel frénétique à la société civile : cette meute, enivrée de son improbable succès l'an dernier et prompte à nous donner des leçons de vérité, de sincérité, d'efficacité a cessé d'être novice. Mais demeure ce qu'elle n'a jamais cessé de devoir être : une force d'appoint ; un désor.

Limite encore de ce pouvoir qu'on veut vertical comme si, disant cela, on inventait quelque chose d'inédit. En réalité la seule chose qui importe est de connaître la directio du flux, non ? Quand il ne fait qu'être descendant c'est à une autocratie qu'on a affaire ; une monarchie : une tyrannie. Pas une république. Ce qui n'a rien d'étonnant. Cette meute vient directement du monde de l'entreprise où subordination et obéissance sont la règle. Si l'entreprise était un espace démocratique cela aurait fini par se savoir, non ?