Bloc-Notes 2016
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Méfiances …Justifiées ?

D'où me viennent-elles ces méfiances dès lors que j'entends parler de management et pis encore de théories du management ?

De deux réalités conjointes évoquées dans Morale à plusieurs reprises sur quoi il faut revenir :

Or, curieusement mais c'est après tout un signe sans doute de son malaise, la philosophie reste étrangement muette, se contentant ici et là de quelque critique très générale, en sorte que les présupposés idéologiques de ces théories sont plutôt portés par des chercheurs en gestion, management. Loin de moi l'idée que leur recherche fût illégitime mais de partir du terrain de la recherche appliquée, pour ne pas dire de la technique, de relever de ce qu'Heidegger nomma les techno-sciences, le risque est majeur que le principe ne soit pas entendu pour ce qu'il est, un principe, c'est-à-dire, un fondement mais au contraire soit instrumentalisé, n'apparaisse plus que comme le truchement adapté d'une finalité en elle-même légitime : diriger, organiser l'activité d'un groupe humain.

Que surgisse l'impression que ces théories du management ne soient que des stratégies moins d'endoctrinement d'ailleurs - on aura assez remarqué la méfiance libérale à l'endroit de tout ce qui ressemble de près ou de loin à de l'idéologie - que de conditionnement ; que pointe l'impression que ces théories ne soient en réalité que des techniques plus ou moins habiles d'exercice d'un pouvoir d'autant plus mal pensé qu'il ne le serait en réalité pas du tout d'être conçu comme une finalité en soi, et alors toutes les méfiances que sourdement je nourris éclatent au grand jour.

Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen.
Kant

Me demeure comme un horizon indépassable l'impératif kantien parce que je reste convaincu, en dépit de toutes les critiques, la moralité se tient et maintient dans la volonté. Sans doute le philosophe se ménage-t-il un promontoire bien confortable de se hisser à hauteur des principes où il ne rencontrera nulle des contradictions qu'invariablement l'action oppose ; sans doute d'arguer de la pureté des intentions, le condamne sinon à l'impuissance en tout cas à une forme de quant à soi qui ne saurait résoudre le problème pratique de l'entrepreneur ou du politicien. Sans doute. Mais à l'inverse, ce dernier, ne peut vouloir chercher les moyens d'une action efficace qui respectât les principes qu'il se serait donnés sans au moins interroger la légitimité des fins de son action - ce qu'en réalité il ne fait jamais ; ne peut pas faire faute de renoncer. Elle est ici la voie étroite entre morale et éthique voire même entre éthique et déontologie : dans le passage à l'acte.

Or, à moins de considérer l'homme comme une simple machine réagissant à des stimuli, que l'on pourrait programmer plus ou moins habilement pour qu'il produise les réactions souhaitées ; à moins de l'autre côté de considérer la morale comme un protocole plus ou moins complexe de processus qu'il suffirait de dérouler dans l'ordre convenu, la question du management éthique n'a de sens que de s'arrêter devant le seuil de l'humain dont tout laisse à voir, dont tout doit laisser à préserver qu'il soit à la fois celui qui sans cesse résiste, fuit, renâcle et en même temps se soumet, bref celui qui est ailleurs ; d'ailleurs ; joue toujours de plusieurs espaces et registres. Réification, aliénation : c'est ici l'angle mort que tous ont aperçu et représente la faute majeure. Or, quelle que soit la motivation de l'homme privé, le dirigeant, l'homme de pouvoir ne peut pas ne pas être aspiré par la spirale de finalités qui sont moins les siennes que celles de l'organisation qu'il mène. C'est peut-être ce qu'il y a de plus perverse dans l'idéologie dominante : sous le libéralisme pointe un insupportable pragmatisme - et pas seulement ce qu'on nomme bizarrement conséquentialisme. Sous l'objurgation de la performance et de la nécessaire adaptation, il y a, inéluctable, la négation de toute moralité parce que de toute intention.

C'est pour cela qu'il fallait faire le détour par les principes. L'argent n'a pas d'odeur, dit-on; le système n'a pas d'âme ; le manager ?

La question morale en tout cas ne saurait être un simple travestissement mondain