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Nikolaus Harnoncourt

 

De son nom complet Johann Nikolaus Graf von La Fontaine und Harnoncourt-Unverzagt - c'est vrai j'ignorais ses ascendances anciennes, au reste lorraines. Il s'est fait tôt connaître en repensant complètement la lecture et l'exécution des œuvres baroques, sur des instruments d'époque. La polémique n'était pas encore éteinte aux temps où je m'ouvris à la musique qui opposait les partisans des interprétations traditionnelles, un peu lourdes c'est vrai et parfois invraisemblablement tirées du côté romantique et les tenants vite qualifiés de puristes, supposés défendre une vérité à laquelle je ne suis pas certain d'avoir alors rien compris.

Les uns prétendaient que tout cela sonnait faux ; les autres que cela résonnait vrai … j'entends encore les diatribes de la Tribune des Critiques de disques où officiaient ave un talent rare de la diatribe passionnée Antoine Goléa, Armand Panigel, surtout. Mon père n'aurait raté pour rien au monde ce rendez-vous du dimanche après-midi, que j'écoutais parfois avec lui. Ces extraits comparés de différentes interprétations que ponctuaient parfois les colères de Goléa demeurent en mon panthéon intime : d'entre ces moments rares, partagés avec un père taiseux, aux passions aussi fugaces que discrètes, mais qui avait trouvé là espace à partager avec ses fils, un espace qui l'engageât mais pas trop, ou plutôt d'entre la découverte simplement de la musique, je ne sais trop ce qui aura soudé l'émotion ressentie aujourd'hui en parcourant ces visages disparus, ; sans doute les deux tout ensemble.

Je surpris parfois mon père prendre parti d'un côté ou de l'autre mais s'il ne détestait pas à l'occasion la polémique, le verbe ne l'armait jamais assez pour qu'il puisse la prolonger et, je l'avoue, si je percevais parfois quelques différences entre les extraits successifs, mais pas toujours, c'est vrai, j'étais trop ignorant, trop jeune tout simplement ou peut-être encore trop insensible pour jeter assez d'huile sur le feu et nourrir avec lui l'art de la contradiction. Mais j'aimais plus que tout l'inimitable accent de Goléa, si sonore quand il s'emportait !

Plus tard c'est sur le terrain de la politique que j'affuterai mes armes avec lui : évidemment si j'aimais à avoir un père de gauche, invariablement je ne le trouvais jamais assez à gauche et si je n'osais pas le traiter de social-traître, l'idée m'en vint parfois … après tout l'invective de réformiste allait suffire. La politique l'intéressait-elle ? oui, sans doute : mon père, moins timide que gourd dans l'échange avec l'autre y trouva surtout un registre qui l'impliquait - mais surtout pas trop - mais servit de prétexte à ces échanges où il s'empêtrait si fréquemment.

Dois-je le dire, ce plaisir de la polémique, je le retrouverai dans le Masque et la Plume quand à côté de Charensol et de Jean-Louis Bory, F-R Bastide mena l'équivalent sur le cinéma et le théâtre. Mais, dois-je le dire, si les outrances de Charensol ou les provocations souvent sagaces de Bory m'amusèrent, le cinéma ne me passionna jamais assez pour m'y retenir longtemps.

Bach donc et Harnoncourt.

Je le comprends mieux encore aujourd'hui en le regardant diriger sur cette vidéo : on est décidément bien loin de la componction protestante qu'on suppose hâtivement. Il y avait chez celui-ci une jubilation à susciter le mouvement - quelque chose de l'ordre de l'allégresse qui me fit alors redécouvrir un Bach tellement éloigné des rigueurs parpaillottes...

Et que dire de ce Magnificat !

 

 

 

 

 

 

Antoine Goléa (extrait d'une Radioscopie de Chancel

 

 

La Tribune