Bloc-Notes 2016
index précédent suivant

Accueil ->bloc-notes->2015

- >2016

Le sang des hommes
Un flic dort en chacun de nous

L’exemplaire N°001 avait été gravé spécialement et adressé au Général de Gaulle, président de la République Française

 

Un disque que j'ai possédé et beaucoup écouté. Perdu dans l'aventure, je l'ai longtemps cherché.

Pourquoi ? Sans doute parce qu'il marque sans doute la trace d'une de mes premières révoltes et d'une véritable angoisse, quand je je découvris, sans doute en 70 ou 71, quelques années après sa parution. Surtout parce qu"il fut l'occasion d'un de mes premiers troubles.

Cette phrase résonne encore à mes oreilles er c'est pour cela que j'ai tant cherché cer enregistrement : (le passage débute à 5:00)

Otez l'uniforme et vous avez un homme sur une plage qui joue au ballon et sauve un étudiant qui allait se noyer. Ce que je voudrais comprendre, c'est le mécanisme. Que se passe-t-il ? Quel est le processus, l'acheminement ? Comment devient-on un bourreau ? Quelle est la drogue, le philtre qui libère les forces du mal ? Pourquoi un homme, ni meilleur ni pire qu'un autre, pas très intelligent peut-être mais dans la moyenne, quoi, un homme normal enfin, ayant une femme, des enfants, un chien peut-être même qu'il caresse le matin, pourquoi cet homme, un soir, se met-il à tabasser, à matraquer, à torturer ? Pourquoi Auschwitz et ses bourreaux, petits bourgeois terrifiants de banalité, employés de banques avant la guerre, épiciers, buvant et pissant bien sagement leurs bières en écoutant Mozart le samedi soir ? Pourquoi ces jeunes américains, à peine sevrés, gorgés de lait et de jus de carottes stérilisé qui s'amusent à jeter par dessus bord des prisonniers vivants lors de convoyages par avion ? Pourquoi certains paras, si virils lorsqu'ils défilent béret rouge en triomphe, avouent-ils être réveillés la nuit par les cris de ceux qu'ils ont torturés ?

Ces bourgeois écoutant Mozart le samedi soir me hantent et viendront évidemment télescoper ma découverte d'Arendt, bien plus tard, et cette si mal comprise banalité du mal. De falloir se dire, de toujours devoir se demander : ce monstre-là, n'aurait ce pu être toi, en d'autres circonstances ? de constater la si cruelle fragilité de l'humain qu'un rien peut faire basculer, ne se peut concevoir sans effroi.

Qu'il s'y engage quelque chose comme une nécessaire humilité et l'exhortation à la prudence est plutôt positif. Qu'il faille se craindre soi-même, qu'on puisse au mieux se supporter, mais jamais s'aimer, qu'il faille, sans pouvoir se rassurer jamais, soupçonner la bête qui mugit, est terrifiant. Suscite une tristesse insondable.

Qu'aujourd'hui, ici ou là, les mêmes feulements se fassent entendre, avec la même anodine innocence en dit long sur les tragédies qui s'annoncent…

Il faut écouter ce cri - ou le réécouter