index | précédent | suivant |
---|
- >2016
Du peuple
Je voudrais que le vulgaire soit heureux, mais je ne voudrais pour rien au monde
vivre avec le vulgaire, et encore moins être obligé de lui faire la cour
Stendhal
C'est à cette remarque, joliment acidulée, de Stendhal que je songeai, entendant d'un côté où je ne l'attendais pas, une diatribe désabusée contre le peuple ou, plus exactement, contre ce qu'il peut représenter. Au point de me demander de quoi l'on parlait exactement :
de ce peuple introuvable qu'évoquait Rosanvallon ?
- de ce peuple dont Michelet écrivit : Je suis né peuple j'avais le peuple dans le cœur… Mais sa langue sa langue elle m'était inaccessible. Je n'ai pas pu le faire parler.
- de celui, fâcheusement romantisé, dont la liberté guidant le peuple demeure un emblème ?
- de celui qui sait aux heures graves se lever ?
- de celui, si paresseusement confus, qui se précipite avec lâche soulagement devant le premier vieillard protecteur ? ou se vautre feulement devant d'improbables tyrans éructant de haine ?
- de celui qui en même temps vote extrême-droite mais se drape, toute honte bue, dans sa vertu républicaine ?
- de celui dont parlent volontiers les bourgeois avec moue condescendante et parfois méprisante ?
- de celui qui s'identifie volontiers à la Nation - quand ce n'est pas l'inverse ?
- du peuple comme abstraction politique ou du peuple comme réalité sociale, mouvante, confuse, contradictoire - en tout cas ambivalente ?
Le terme est tellement galvaudé, mais en même temps tellement ambivalent qu'il parvient désormais sous sa flexion anglaise -people - à désigner son contraire : ces élites que les médias veulent bien nous fabriquer et jeter en pâture à l’idolâtrie ambiante.
Je comprends subitement ma gêne : je crains bien que lorsque l'on parle du peuple, on ne sache pas véritablement de qui et de quoi l'on parle ; qu'on s'y condamne à proférer soit d'inutiles généralités soit, pire encore, d'improbables clichés sourdant du plus profond de nos préjugés de classe. Marx n'avait pas tort en affirmant que puisqu'idéologie dominante il y avait, nulle idéologie dominée ne saurait subsister à côté d'elle. Il en va de même ici : le peuple demeure le grand muet de l'histoire ; ce sera toujours, pour l'encenser ou l'agonir, la bourgeoisie qui aura parlé en son nom.
Mais écrivant ceci, je n'ignore pas n'avoir rien dit pour autant : ni de mes attaches anciennes qui me rivent à la gauche, ni de mes origines sociales contrastées, ni surtout de ma trajectoire qui me poussa continuellement à n'en être pas, tout en rêvant pourtant le défendre.
Alors, essayer pourtant en tâchant de ne prendre une posture ni plus sociologique que politique ; ni nécessairement historique.
Allez, je m'y lance - mais je sais que l'aventure sera longue - en préambule peut-être de cette Politique que je veux écrire quand sera achevée ma métaphysique.
Mais sachant avoir affaire ici autant à une insaisissable abstraction qu'à une gluante réalité, partir du bas comme j'ai pris coutume désormais de le faire : peut-être le peuple se donnera-t-il mieux à saisir en dessinant d'abord les contours du rapport entretenu avec lui.
En attendant lire ceci !
A suivre ...
à ce jour ( Dimanche, 10-Jan-2016 )
Peuple comme réalitéc politique