Bloc-Notes 2016
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Rejet

Article bizarrement titré ce soir dans Le Monde laissant entendre, vieux ressort de la littérature fantastique ou de la dialectique la plus éculée, qu'entre les deux ennemis il y eût une sorte de sortilège commun, de malédiction commune qui les entraînât, certes pour des raisons différentes, dans une identique descente aux enfers ; ou qui, synthèse hégélienne même pas habile, ne s'affronteraient que pour pouvoir accoucher enfin d'un avenir qui nous sortirait de nos supposés archaïsmes.

Sottise que tout ceci !

La seule chose qui demeure exacte, Girard nous aurait aidé à le comprendre, c'est que l'on ne se combat jamais ainsi sans tarder à se ressembler ; qu'on ne met tant de hargne qu'à désirer la même chose. Ces deux-ci, assurément sont des jumeaux que tout rassemble à force de s'opposer, qui en tout se ressemblent d'avoir, chacun dans son camp pratiqué l'évidement jusqu'à la nausée. D'avoir voulu être moderne et meilleur technicien que son prédécesseur, Hollande aura sacrifié, bien plus qu'oublié, tout ce qui justifiait la gauche.

Valls d'un côté, avec ses moues faussement hargneuses mais résolument méprisantes, Macron de l'autre avec cet air de premier de la classe trop vite grandi, symbolisent à eux deux toutes les verrues du hollandisme - s'il est possible de nommer ainsi la vacuité idéologique. Entre le libéralisme échevelé, même plus teinté de social de l'un, et la rage de l'autre à faire exploser la gauche quitte à régner sur un champ de ruines, il y a la même mégalomanie, la même vulgarité obscène de l'ambition pure. Ils ont jeté cul par dessus tête le moindre principe et de voir désormais un Valls entonner le grand air de la sécurité en même temps qu'il repose la question du voile, souligne combien on est, de ce côté-ci prêt à entonner n'importe quel refrain, fût-il le pire.

A droite, et depuis la campagne de 2012, depuis la ligne franchie d'une politique qui se veut ferme mais est seulement celle de la main tendue aux extrémismes les plus veules, on observe quasiment le même mouvement. Sarkozy s'était vanté d'avoir restauré le politique après Chirac : il n'aura été qu'un artificier de la communication, vite mauvais et aura surtout, en orchestrant ses campagnes comme un scénario où tout pouvait se dire et rien se tenir, ôté toute crédibilité au discours politique.

Ils n'ont pas compris que le pays ne veut pas d'eux ; est même prêt à commettre le pire pour ne pas les revoir. La campagne à venir sera à coup sûr inédite. Ils n'ont rien à dire ; peu à tenir ; tout à promettre à un public qui ne les écoutera pas.

Est-ce pour cela que je ne puis regarder ces nuits debout sans quelque émotion ? De manière brouillonne sans doute, naïve peut-être - mais l'espérance n'est-elle pas toujours candide ? - anarchique un peu, spontanée sûrement, voici un peuple qui se lève et tente de reprendre une parole qu'on lui a confisquée, de reprendre une place qu'on lui a déniée.

Ceux-là tentent de réinventer la République qui est tellement plus que la démocratie

Est-ce pour cela que je réentends la si belle leçon inaugurale de Boucheron ? qui ai tant aimé qu'il y citât Michelet mais Hugo aussi ?

« Tenter, braver, persister, persévérer, être fidèle à soi-même, prendre corps à corps le destin, étonner la catastrophe par le peu de peur qu’elle nous fait, tantôt affronter la puissance injuste, tantôt insulter la victoire ivre, tenir bon, tenir tête ; voilà l’exemple dont les peuples ont besoin, et la lumière qui les électrise. » Hugo

Oui je crois bien que c'est de cela dont il s'agit : je l'ai écrit plusieurs fois déjà, je crois : ce pays est déprimé de ne voir aucune perspective se dessiner. Il a tout essayé sauf encore le pire et ne croit plus en rien à force qu'on lui entonna le grand air libéral de l'adaptation nécessaire à un monde inévitable. Mais ce peuple a eu dans l'histoire des rages subites, des colères imprévisibles. La si longue patience du peuple, écrivit Wahnich, oui certes, jusqu'au moment où il se lève. A-t-on oublié la France s'ennuie, diagnostic si juste, quelques mois avant mai ?

Bien sûr l'histoire ne se répète pas ! évidemment rien n'est écrit d'avance ! ceux-là en tout cas sauvent un peu l’honneur de montrer que ce peuple est encore vivant ...

On comprend mieux le rejet de ces deux petits messieurs fossoyeurs de la politique : il suffit de traîner un peu du côté de la République pour sentir un souffle qu'on avait presque oublié - celui de la vie

Ils nous rappellent la justesse de la leçon de Boucheron : il n'est jamais trop tard !