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Aristote défenseur de la rhétorique
Il lui consacre trois textes : la Poétique, la Rhétorique et les Topiques.
Ce qui fait la différence de position d'Aristote par rapport à son grand prédécesseur tient me semble-t-il à deux choses :
- il récuse la théorie des Idées séparées. Quoiqu'il en fût des raisons et des implications métaphysiques de cette récusation, elle a des conséquences méthodologiques : Platon n'a d'autre ressource que, d'efforts en aveuglements, de s'extirper de l'apparence sensible pour , en fin de parcours quasi-initiatique et, en tout cas, réservé à une élite, accéder enfin au Vrai. En revanche Aristote ne peut que prôner la méthode empirique. Partir de ce qui nous est donné, même confus pour en extraire l'essence, la définition. Dela même manière partir des opinions crédibles et les tester ; donc les discuter. Dans l'école d'athènes de Raphaël, de manière tout à fait révélatrice, Platon pointe le ciel du doigt, quand Aristote au contraire pointe le sol de l paume de sa main.
- il distingue d'entre science théorique (ἐπιστήμη) la science pratique (praxis) et la science productive (technique). Il fait entrer dans la pratique l'action humaine en général et les choix qu'il y faut faire d'où tant la politique que l'éthique. Par conséquent, tout ce qui relève du vraisemblable et non du vrai, tout ce qui se discute fait l'objet d'une attention partuculière où précisément la rhétorique peut être un outil convénient.
La rhétorique utilise les mêmes moyens que la logique, mais faute d'argumenter sur des vérités ou des postulats scientifiques, elle argumente, avec les mêmes méthodes, sur des opinions, des vérités singulières. A la démonstration de la logique, correspond ainsi l'argumentation de la rhétorique. Loin, ainsi d'être condamnée, la rhétorique chez Aristote devient l'outil par excellence de la vie sociale et politique - qu'elle concerne le judiciaire , le politique ou le grand public. On le sait ceci débouchera sur la distinction d'entre les trois types de discours, les modalités de ces derniers, les valeurs soutenues par eux ainsi que les arguments types à utiliser dans chacun de ces trois cas :
Auditoire | Temps | Acte | Valeurs | Argument type | |
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judiciaire | Juges | Passé | Accuser - défendre | Juste - injuste | Enthymème (ou déductif) |
délibératif | Assemblée | Futur | Conseiller -déconseiller | Utile - nuisible | Exemple (ou inductif) |
épidictique | Spectateur | Présent | Louer - blâmer | Noble - vil | Amplification |
Ainsi, à côté de ce qu'aujourd'hui on appellerait des sciences dures, mais avec des méthodes aussi rigoureuses, la rhétorique prend-elle sa place pour tout ce qui engage la vie publique. On remarquera au reste qu'Aristote évoque toujours un public quand il envisage l'auditoire alors que Platon y voyait plutôt un dialogue avec un interlocuteur unique, plusieurs quelques fois mais en tout cas jamais un large public.
Deux remarques s'imposent :
- les discours que l'on prononce ainsi, que distingue Aristote n'impliquent en tout cas aucune symétrie. L'auditoire écoute, approuve à la fin, éventuellement désapprouve, mais n'intervient pas. C'est bien le contraire du dialogue qu'engageait Platon.
- la construction même de la Rhétorique laisse entrevoir - la mise en parralèle du type d'argument à utiliser en fonction des types de passions à quoi l'on est confronté - combien la connaissance de l'auditoire est ici essentielle.