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Du signe au commandement
Ce qu'on en peut tirer qui engage à la fois une théorie du signe, une compréhension de la mission de prophète et surtout une véritable théorie du mal tient très exactement à cette configuration si particulière d'un dialogue où Dieu fait monter Moïse jusqu'à lui après avoir fait le chemin inverse mais où cet appel ne vaut pour Moïse que pour une descente qui soit une fondation, celle d'une cité ; celle d'un peuple mais plus essentiellement une élection.
On peut en décliner plusieurs axes :
- l'intermédiaire ne décide pas de sa place ou de son rôle. Ne le peut ni de son acceptation ni de sa dérobade. Le moyen décidément n'est qu'un moyen.
- l'appel vaut ordre de mission. Il ne s'agit pas exclusivement d'un signe de reconnaissance mais bien plutôt d'une injonction à se mettre au service. On remarquera ainsi que c'est un ange qui aiguise la curiosité de Moïse et lui fait quitter son chemin mais que c'est au contraire Dieu qui lui parle directement. Ici encore l'ange - l'intermédiaire, le messager - ne sert que de facilitateur. L'originalité de la tradition prophétique consiste précisément dans le fait que ce n'y est jamais l'homme qui a l'initiative mais au contraire toujours Dieu : nulle mise en condition, nul rite extatique qui permette de s'exhausser à hauteur du divin. C'est Dieu qui exhausse, en nommant ; en appelant.
- l'appel est un don qui s'entend comme une invite à se donner : grâce, il l'est parce qu'il n’attend rien en retour - il est à proprement parler gratuit. Néanmoins parole à quoi l'on ne saurait se soustraire. Ce qui est appelé ici c'est un dévouement total, une mise à disposition entière - l'obéissance c'est-à-dire aussi l'écoute. L'appelé n'est pas invité à agir en vue d'une fin extérieure, en espérance d'une quelconque rétribution mais, dans ce subtil dialogue où chacun s'appelle de son nom, à assumer sa rôle - comme une action de grâce.
- la nuque raide, supposée caractéristique du peuple juif, est le signe ambivalent d'une résistance coutumière à obéir, à écouter, mais, partant, l'est aussi du libre arbitre. s'il y a bien une histoire entre le Créateur et sa création, c'est que cette dernière n'était pas écrite d'avance et que les carrefours se multiplient qui lui font prendre une tournure inédite. La Parole peut ainsi ne pas s'entendre, en tout cas mal s'entendre et être interprétée ou bien encore être entendue mais ne pas être suivie. Mais vivante elle est omega en même temps qu'alpha : créatrice, elle est vivante parce qu'elle impose d'être vécue ; elle est ainsi en même temps une finalité. Les recommandations que transmet Moïse sont multiples et très détaillées ; elles forment un véritable cadre législatif, un ensemble cohérent de prescriptions rituelles et sociales qui constituent l'architecture de la cité à venir à quoi il ne manque qu'une terre vers quoi ce peuple se voit, nonobstant sa faute, invité à monter.
- il y a faute sitôt que le moyen se targue de jouer son propre rôle, bref, s'érige en fin. C'est donc le cas pour Moïse quand il regimbe à l'idée de porter la parole divine ; c'est aussi le cas pour l’icône qui appelle à être vénérée pour elle-même, s'interposant ainsi devant la divinité qu'elle est pourtant supposée représenter. Ce qui me paraît être une règle morale absolue ; fondatrice. Elle permet de comprendre l'insistance du Christ lui-même à ne pas substituer sa volonté à celle du Père ; elle permet surtout de faire le tri d'entre les actes qui ne sont que des moyens, des techniques de ceux qui, gratuits, révèlent le service. L'appel entend le service d'une cause et ne saurait en conséquence être instrumentalisé. Cette règle peut s'entendre de deux manières qui soulignent les deux aspects de toute faute : ou bien l'intermédiaire, cessant de remplir son rôle de transmetteur, se met à jouer à son propre profit et alors il cesse d'être un traducteur pour devenir à proprement parler un traître ; son action de moyen devient ainsi une fin en soi ; ou bien il instrumentalise ce qui était une fin en soi pour le transformer en moyen en vue d'une fin qui lui soit propice. En vérité, l'un de va jamais sans l'autre. La faute réside donc bien dans cette inversion des positions.
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32.25 Moïse vit que le peuple était livré au désordre, et qu'Aaron l'avait laissé dans ce désordre, exposé à l'opprobre parmi ses ennemis. 32.26 Moïse se plaça à la porte du camp, et dit: A moi ceux qui sont pour l'Éternel! Et tous les enfants de Lévi s'assemblèrent auprès de lui. 32.27 Il leur dit: Ainsi parle l'Éternel, le Dieu d'Israël: Que chacun de vous mette son épée au côté; traversez et parcourez le camp d'une porte à l'autre, et que chacun tue son frère, son parent. 32.28 Les enfants de Lévi firent ce qu'ordonnait Moïse; et environ trois mille hommes parmi le peuple périrent en cette journée.
la sanction de la faute n'en est pas moins forte : la corruption de ce peuple se paie de morts. A l'appel de dieu répond celui de Moïse à se placer à ses côtés : appel est synonyme de choix décisif. Il peut paraître étrange - et ça l'est - que d'un même mouvement qui instaure le commandement Tu ne tueras point, la fondation débute par la mise à mort de trois mille hommes. Ce peut paraître étrange mais pas moins que cette colère divine qui se termine par un repentir après les suppliques de Moïse ; mais pas moins que ce livre de la vie dont il est fait mention jusque dans l'Apocalypse.
Il y a décidément quelque chose d'irréversible dans l'appel.
- Ah! ce peuple a commis un grand péché. Ils se sont fait un dieu d'or. 32.32 Pardonne maintenant leur péché! Sinon, efface-moi de ton livre que tu as écrit. 32.33 L'Éternel dit à Moïse: C'est celui qui a péché contre moi que j'effacerai de mon livre.
- Ce livre où sont consignés les noms des vivants, et des appelés parmi eux, est la forme même que prend l'Alliance, celle de la loi et non justement de l'arbitraire : l'écrit n'est donc pas un affaiblissement mais une consécration de la Parole. Il est le don de l'Alliance avec ce Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité, 34.7 qui conserve son amour jusqu'à mille générations, qui pardonne l'iniquité, la rébellion et le péché, mais qui ne tient point le coupable pour innocent, et qui punit l'iniquité des pères sur les enfants et sur les enfants des enfants jusqu'à la troisième et à la quatrième génération ! (34.6) Ce livre est la loi. On pourrait y voir la manifestation antique de cet adage qui veut que la justice soit la monopolisation de la violence légitime. Il y va pourtant de bien autre chose ; de bien plus grave. Au delà du pardon, il y a bien quelque chose qui relève du Mal absolu pour justifier ainsi la mort, bien plus profond que la défaillance ou les manquements, le refus de nommer, la non reconnaissance.
Qu'est ce que commander ?
On sait que les dix commandements ont reçu deux formulations (1) : quelque soit la numérotation des premiers, et, en particulier, que l'on considère le premier comme un simple préambule, ou comme un commandement à part entière, il faut bien constater que c'est bien la vénération d'un Dieu unique qui est ici prescrite et, par conséquent, l'idolâtrie proscrite. Il n'est pas faux que l'une implique logiquement l'autre mais n'est pas nécessairement anodin que le texte prît la peine de les distinguer. En tout cas les premiers engagent les relations de l'homme à Dieu.
Tu ne te prosterneras point devant un autre dieu; car l'Éternel porte le nom de jaloux, il est un Dieu jaloux.
Ex, 34, 14 Un dieu qui se présente comme jaloux ce qui ne donne à la dénomination une dimension psychologique négative que si l'on entend le terme dans son acception courante. En réalité jaloux avant de désigner une passion exclusive et ombrageuse, signifie un attachement vif. Si la théologie l'entend comme le fait d'un Dieu qui veut être aimé et servi sans partage, c'est plutôt du côté du grec qu'il faut l'entendre - ζηλος bouillonnement, ardeur, zèle - et du latin qui par zelosus entend amour et prévenance. Certes, en mauvaise part le terme évoque émulation, rivalité et jalousie mais ceci aurait-il un sens de l'entendre ainsi s'agissant de dieu ?
Alors, oui, sans doute faut-il considérer le premier des commandements
Commander en latin (de mandare) a le sens d'ordonner mais aussi de confier et il est bien vrai que si commander suppose autorité, il indique bien aussi l'autorité que l'on possède à obtenir l'exécution d'un acte que l'on a ordonné. Le grec utilise αρχη que l'on retrouve dans archonte qui désigne les dirigeants politiques de la cité, mais aussi archaïque ou encore architecture etc. Le terme signifie ce qui est en avant et donc à la fois ce qui est premier dans l'ordre du temps et donc le principe, l'origine mais aussi le commandement, le pouvoir.
Il y a quelque logique à voir ces deux sens voisiner dans le même mot : après tout, commencer absolument un série causale n'est-ce pas en être la cause pleine et entière ? n'est-ce pas commander au déroulement des choses. Celui qui est au commencement, qui est devant - que l'on retrouve jusque dans les rituels protocolaires actuels - est bien celui qui a le pouvoir, qui commande aux choses. Le au commencement - Ἐν ἀρχῇ - que l'on retrouve aussi bien dans la Genèse que dans le Prologue de Jean conserve quelque chose de cette ambivalence puisqu'après tout s'en suit presque immédiatement l'impératif Que la Lumière soit ! La tradition des Septante évoque le δεκάλογος - le Décalogue plutôt que les commandements - elle n'a évidemment pas tort ; pour autant ces paroles s'énoncent bien sous la forme de l'impératif.
Il n'y a donc pas à s'étonner que les premiers commandements envisagent les rapports que l'homme se doit d'entretenir avec le divin quand seuls les derniers règlent les rapports entre les hommes eux-mêmes. La relation à Dieu est au fondement, donc en premier : elle est pour cette raison même impérative.
On pourrait évidemment envisager la question d'un point de vue historique en rappelant que l'originalité du judaïsme consista précisément en l'invention du monothéisme et que, par voie de conséquence, toute idolâtrie reviendrait inexorablement à une régression vers le polythéisme ambiant. S'affirmer dans une relation exclusive avec un Dieu unique revient effectivement à s'affirmer en tant que juif et il faudrait être aveugle pour ne pas constater que cette affirmation prend un sens historique précis ; politique. Y affirmer Dieu revient à affirmer la Cité ; à revendiquer la légitimité de la Terre Promise.
Je gage cependant que la question a un sens bien plus profond, archaïque, précisément, où se jouent tant la métaphysique que la morale.
Morale, parce que le Décalogue se présente finalement, avant même les prescriptions détaillées qui suivront et que résument assez bien les 613 mitzvot, comme principe même de la loi. Au même titre qu'une constitution est la loi de la loi qui règle le rapport entre les pouvoirs et que son éventuel préambule en souligne la philosophie implicite (3), le Décalogue peut être entendu comme indiquant le principe des principes, la conception implicite de la loi. Il en est l'axiome. Il en a la valeur - portée universelle - et la place de principe - non démontré ni démontrable mais constitue la condition de possibilité de tout le reste. A proprement parler, il commande tous les autres commandements.
Il n'y a pas d'archë pour le commandement, car c'est le commandement lui-même qui est l'archë - ou qui, à tout le moins, est dans le lieu de l'origine.
Agamben, p 20
Agamben a raison : il n'y a pas de fondement au commandement parce qu'il est le principe même ; le commandement est origine. Sans doute faut-il en tirer toutes les conséquences : l'axiome c'est ce qui pèse, qui importe, qui a de la valeur - αξιος. Ce qui se pose, à l'origine, et donc s'impose. L'a-t-il encore quand il se propose de confronter une ontologie de l'esti à une ontologie de l'esto ? Il est exact en tout cas que depuis Aristote, toute la tradition philosophique a laissé de côté tous les énoncés non apophantiques. L'impératif qui ne se prononce pas sur l'existence ou non de l'aspect du réel qu'il désigne, ne décrit ni ne nie un état des choses et renvoie à un devoir être et non à un être. Rien d'étonnant alors que Kant en fasse le fondement de sa morale ou qu'on le pense comme principe du Droit.
Métaphysique aussi. A bien y regarder le discours qu'Austin nomme performatif ne dit rien sur notre rapport au monde mais nous commande d'en entretenir un comme si le lux fiat signifiait non pas qu'il y ait de l'être mais sois au monde. Ce qui signifie ici sois à Dieu. On comprend mieux alors le zèle dont Dieu se prévaut : il est tourbillon, donation constante de puissance, de lumière et de force. Être à Dieu, se mettre en heureuse disposition devant ce déversement de puissance revient justement à passer de la puissance à l'acte, à investir le monde - occuper la Terre Promise - à l'organiser et en cité à poser le rapport à l'autre. Ontologie du commandement ? en tout cas discours du passage à l'acte. Le monde en réalité commence avec l'interdit de l'arbre de la connaissance : au commencement, le commandement parce que c'est commander que de commencer.
Il y a plus néanmoins : il s'agit d'une représentation exacte du passage à l'acte. Il s'opère sous la forme de la délégation - ce qu'après tout dit aussi commander. Même quand il agit, organise et crée, l'homme ne fait jamais que suivre la voie qui a été tracée pour lui ; il écoute, obéit, exécute. Ultime ambassadeur de la volonté divine, mais seul aussi à regimber, l'homme ne subsiste que lorsqu'il soumet sa volonté à la puissance divine.
Reconnaître, nommer
A y bien regarder, les textes prophétiques pas plus du reste que les Évangiles ne donnent de réelle connaissance ni sur Dieu lui-même ni sur ce qui se passe ou a pu se passer dans les sphères divines. Mises à part l'existence des anges (près de 400 références) et la mystérieuse révolte des anges, rien et il faut attendre l'Apocalypse pour en savoir un peu plus sur ces choses cachées depuis la fondation du monde. Qu'existent autour de la sphère divine d'autres êtres, tous les textes le suggèrent mais tout au plus, outre parfois leurs noms (Gabriel, Michel etc) ou leurs qualités (chérubins, séraphins, archanges ...) y apprend-on qu'ils sont messager ce que tant le terme grec ἄγγελος qu'hébreux מלאך signifient.
La révélation est ainsi moins un acte de connaissance que de reconnaissance. Elle nomme et se nomme, elle appelle - et parfois révoque - elle sauve et parfois perd mais elle dit assez peu sur le divin, tout ou presque sur les rapports que l'homme doit entretenir avec dieu et les hommes entre eux. Ce que souligne assez ben l'impossibilité pour l'homme de soutenir le regard de Dieu. Visible, presque jamais et encore que de dos, et encore que pour ceux qu'il a élus, Dieu néanmoins se nomme, établit une alliance. et en quelques rares occasions se laisse fléchir. C'est dans ce dialogue que débute l'histoire et l'humanité. Même si cette reconnaissance ne l'est pas à parité c'en est une néanmoins ; d'où les signes, le nom ; l'appel.
Retour au signe : les leçons d'un échec
Signe, plutôt que miracle comme le traduit Segond, σημεῖον désigne la marque, la preuve, le présage ou le prodige venu d'en haut. Au reste, σημα désigne tout trait distinctif et pas exclusivement l'augure ou le présage et ainsi tout sceau dont on marque un être ou un objet en signe distinctif de reconnaissance.
Voici l'une des traces les plus anciennes de ce qu'on appela un peu trop hâtivement la pensée magique et qui atteste combien toute représentation du monde obéit toujours au principe de cohérence : avant le règne du déterminisme des philosophes, celui des signes, ceux dont Dieu avait marqué les objets comme autant de repères par où se mouvoir - convenances, ressemblances, proximité, émulation. Ce signe n'est pas nécessairement un miracle, et peut n'être qu'un trait physique : il est clair qu'en tout cas que nul ne peut approcher du divin sans en être marqué - visiblement. Ainsi quand après quarante jours Moïse redescendit de la Montagne, il parut au yeux de tous le visage rayonnant (Ex, 34, 29)
Oui, l'appelé porte la marque, le sceau du divin : encore faut-il le voir. Mais le voir, de loin ; toujours.
Il nous a aussi rendus capables d'être ministres d'une nouvelle alliance, non de la lettre, mais de l'esprit ; car la lettre tue, mais l'esprit vivifie
2Cor, 3, 6 Mais signe qu'on peut ne pas voir. Mais ici qu'est-ce donc que ne pas voir, ne pas reconnaître le signe ? L'épopée christique en désigne la figure extrême qui se solde par la mise à mort. C'est récuser le message en éliminant le Messager. C'est peut-être s'en tenir à la lettre qui tue quand l'esprit vivifie ... γράμμα - d'où nous avons tiré grammaire mais aussi graphe - désigne d'abord la lettre, tout caractère gravé dans le bois; la cire, la pierre. γραφω, écrire, signifie d'abord creuser, graver. Nous voici au cœur même de cette théorie des signes qui ne veut pas oublier qu'ils ne sont jamais que symbole d'un sens et exigent, plus ou moins explicitement, qu'ils fondent leur rapport au réel (d'où le serment). Prendre le mot pour la chose, vénérer le signe plutôt que ce qu'il représente n'était ce pas la faute même de l'épisode du veau d'or ? ἀποκτέννει dit le texte : tuer mais au sens de mettre à mort, exécuter condamner à mort. Le signe, abandonné à lui-même est accusateur. C'est une leçon qu'après la Passion, on ne peut oublier, qui l'illustre si parfaitement. Ce n'est peut-être pas tout à fait un hasard que Segond traduise signe par miracle- ce qu'il n'est pourtant pas.
Moïse fit sortir le peuple du camp, à la rencontre de Dieu; et ils se placèrent au bas de la montagne.
La montagne de Sinaï était tout en fumée, parce que l'Éternel y était descendu au milieu du feu; cette fumée s'élevait comme la fumée d'une fournaise, et toute la montagne tremblait avec violence. Le son de la trompette retentissait de plus en plus fortement. Moïse parlait, et Dieu lui répondait à haute voix.
Ainsi l'Éternel descendit sur la montagne de Sinaï, sur le sommet de la montagne; l'Éternel appela Moïse sur le sommet de la montagne. Et Moïse monta. Ex, 19,17-20
Moïse monta sur la montagne, et la nuée couvrit la montagne.
La gloire de l'Éternel reposa sur la montagne de Sinaï,
et la nuée le couvrit pendant six jours. Le septième jour,
l'Éternel appela Moïse du milieu de la nuée.
L'aspect de la gloire de l'Éternel était comme un feu
dévorant sur le sommet de la montagne, aux yeux des enfants d'Israël.
Moïse entra au milieu de la nuée, et il monta sur la
montagne. Moïse demeura sur la montagne quarante jours et quarante
nuits.
Ex, 24, 16
La voûte céleste parfois s'entrouvre ce qui ne va jamais sans tapage ni tonnerre ou éclair. L'infini ne saurait percer le fini du monde sans en même temps le faire craqueler. Le message passe dans la nuée et dans cette partie médiane de la ligne, au mitan de la voûte, transite l'Incarnation ou l'Apothéose.
L'homme est être qu'on appelle, que l'on rappelle à ses devoirs ou à ses origines.
L'appel est la confrontation de la grâce et de la pesanteur quand cette dernière se fait trop exclusive, trop envahissante. Chez Platon, déjà, la réminiscence représentait cette force qui incite à se retourner et à sortir de la caverne. Être au monde c'est toujours courir le risque de l'oubli. Est-ce un hasard si l'une des flexions d'appel soit rappel qui est lutte contre l'oubli ?
En réalité appel et vocation ont partie liée : ce que l'on comprend vite quand on prend soin d'écouter ce que les mots ont à nous dire.
Quand la voix perce du ciel ceci ne va jamais sans ombrage :
C'est à peu près la même chose quand sonne l'heure de la fin :
Depuis la sixième heure jusqu'à la neuvième, il y eut des ténèbres sur toute la terre. Mt, 25, 45 (...) Et voici, le voile du temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu'en bas, la terre trembla, les rochers se fendirent, Mt, 25, 52 |
Après ces immortels travaux, et un jour qu’il assistait à une assemblée, dans un lieu voisin du marais de la Chèvre, pour procéder au recensement de l’armée, survint tout à coup un orage, accompagné d’éclats de tonnerre, et le roi, enveloppé d’une vapeur épaisse, fut soustrait à tous les regards. Depuis, il ne reparut plus sur la terre. Quand l’effroi fut calmé, quand à l’obscurité profonde eut succédé un jour tranquille et pur, le peuple romain, voyant la place de Romulus inoccupée, semblait peu éloigné de croire au témoignage des sénateurs, lesquels, demeurés près du roi, affirmaient que, pendant l’orage, il avait été enlevé au ciel. Cependant, comme si l’idée d’être à jamais privé de son roi l’eût frappé de terreur, il resta quelque temps dans un morne silence. Enfin, entraînés par l’exemple de quelques-uns, tous, par acclamations unanimes, saluent Romulus, dieu, fils de dieu, roi et père de la ville romaine. Ils lui demandent ; ils le conjurent de jeter toujours un regard propice sur sa postérité. Tite Live, Ab urbe condito, 1, 16 |
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A Rome, ce sont les dieux qui élèvent Romulus et c'est le sens précis qu'a apothéose ; à Jérusalem ce sont les hommes qui précipitent la fin et il s'agit d un retour au Père. Mais, dans les deux cas, orage, ténèbres et ici, en plus le voile déchiré comme pour mieux marquer la rupture. A la gloire aveuglante de la théophanie, répond l'ombre de l'absence, de celui qui s'éloigne ... Jamais plus qu'en cet instant-ci le ciel ne cessa d'être cette lumière par où avaient filtré espérance et promesse pour se transformer en cette chape immense d'où suintait la menace. L'auréole ici et là, la glossolalie marqueront les rares élus qui demeurent.
Le silence, implacable, s'abat, ne resteront plus qu'exégèses et théologies.
Reste le temps du Jugement.
Il faut peut-être reprendre la leçon de l’épître aux Corinthiens, cette impuissance des juifs à voir les signes ; cette incapacité des grecs à faire de leur philosophie une voie vers dieu. A comprendre cette double impasse. A saisir cette volte-face entre sagesse et folie. Il faut peut-être reprendre la leçon de l'Apocalypse qui est le seul texte à véritablement mériter le nom de prophétie pour ce qu'il annonce ce qui adviendra, comprendre surtout pourquoi c'est ce texte-ci qui clôt le Nouveau Testament
Dt, 4, 13
2) Le terme a sensiblement le même sens - ardeur - en hébreu même s'il s'accompagne de l'idée de punition de toute infidélité
3) le texte de la constitution de la Ve reprend effectivement le préambule de celle de 58