palimpseste Textes

SENEQUE, Lettre à Lucilius

Ces objets que savoure le vulgaire comportent un plaisir mince et diffus, et toute joie importée manque de fondement ; celle dont je parle, vers laquelle je m'efforce de te conduire, est solide et apte à s'épanouir davantage à l'intérieur.
Fais, je t'en prie, très cher Lucilius, ce qui seul peut garantir le bonheur : dispense et foule aux pieds ces objets qui resplendissent à l'extérieur, qui te sont promis par un autre ou plutôt à tirer d'un autre ; regarde vers le vrai bien et réjouis-toi de ce qui est à toi. Or, que signifie ce "de ce qui est à toi" ? Toi en personne, et la meilleure partie de toi. Ton pauvre corps également, même si rien ne peut se faire sans lui, crois qu'il est une chose plus nécessaire que grande ; il fournit des plaisirs vains, courts, suivis de remords et, s'ils ne sont dosés avec une grande modération, voués à passer à l'état contraire. Oui, je le dis : le plaisir se tient au bord du précipice, il penche vers la douleur s'il ne respecte pas la mesure ; or, respecter la mesure est difficile dans ce que tu as cru être un bien ; l'avide désir du vrai bien est sans risque.