Textes

N Malebranche
La Recherche de la Vérité.

Cette vaste capacité qu'a la volonté pour tous les biens en général, à cause qu'elle n'est faite que pour un bien qui renferme en soi tous les biens, ne peut être remplie par toutes les choses que l'esprit lui présente ; et cependant ce mouvement continuel que Dieu lui imprime vers le bien ne peut s'arrêter. Ce mouvement, ne cessant jamais, donne nécessairement à l'esprit une agitation continuelle ; la volonté qui cherche ce qu'elle désire oblige l'esprit de se le représenter sous toutes sortes d'objets.


L'esprit se les représente, mais l'âme ne les goûte pas, parce que souvent la vue de l'esprit n'est point accompagnée de plaisir ; car c'est par le plaisir que l'âme goûte son bien ; et l'âme ne s'en contente pas, parce qu'il n'y a rien qui puisse arrêter le mouvement de l'âme que celui qui le lui imprime. Tout ce que l'esprit se présente comme son bien est fini ; et tout ce qui est fini peut détourner pour un moment notre amour, mais il ne peut le fixer. Lorsque l'esprit considère des objets fort nouveaux et fort extraordinaires, ou qui tiennent quelque chose de l'infini, la volonté souffre pour quelque temps qu'il les examine avec attention, parce qu'elle espère y trouver ce qu'elle cherche, et que ce qui est grand et paraît infini porte le caractère de son vrai bien ; mais, avec le temps, elle s'en dégoûte aussi bien que des autres.