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MALEBRANCHE (Nicolas) (1640-1715)

 

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  Extraits Textes complets
A-E autrui et raison autrui  
bonheur erreur entretiens sur la métaphysique
esprit et vérité    
F-J imagination jugement et amitié  
juger    
K-R passions    
S-Z volonté   Recherche de la Vérité
       

 

 

 

Malebranche était prêtre de l'Oratoire. Sa philosophie peut se définir comme une christianisation du cartésianisme. Il essaie de faire la synthèse entre Saint-Augustin et Descartes.
Après un travail silencieux de dix ans, Malebranche publie en 1674 le premier volume de son principal ouvrage : La recherche de la vérité dont le second parait l'année suivante. Puis viennent les Méditations chrétiennes (1683), Traité de morale (1684), Entretiens sur la métaphysique (1688), Entretien d'un philosophe chrétien et d'un philosophe chinois (1708). Durant toute la fin de sa vie, Malebranche dut se défendre contre l'incompréhension de ses adversaires (Bossuet, Arnauld). Il mourut la même année que Louis XIV, après avoir pris part à toutes les querelles religieuses de l'époque, particulièrement à celle du quiétisme.
L'effort de synthèse de Malebranche se réalise en trois points principaux : la théorie des causes occasionnelles, la vision en Dieu, la notion d'ordre où s'épanouit la morale.

LA THÉORIE DES CAUSES OCCASIONNELLES.

Comme Descartes, Malebranche est physicien autant que philosophe ; il est l’auteur de la théorie ondulatoire de la lumière. Plus encore que Descartes, il pense que la seule causalité concevable c'est la causalité de la loi. L’abaissement de la température par exemple ne « cause » pas directement la congélation de l'eau, mais l'ensemble des deux phénomènes est soumis à une loi physique nécessaire et transcendante qui seule doit être dite efficiente dans l'expérience en question. Tout ce que nous sommes tentés d'appeler causes, et tout ce que recherchait Bacon, n'est donc qu'une erreur de dénomination car la vraie cause est la cause efficiente, la loi physique.
Cette loi se réalise cependant « à l'occasion » de ce que nous appelions des causes. La congélation de l'eau se réalise en vertu de la loi physique correspondante, à l'occasion de l'abaissement de la température jusqu'à 0°.
C'est ce qu'on appelle la « théorie des causes occasionnelles ». Malebranche étend cette théorie aux rapports de l'âme et du corps. Il nie que les deux substances distinguées par Descartes puissent agir l'une sur l'autre. Il n'y a pas de puissance efficace dans les créatures, et Malebranche voit même dans l'idée de puissance efficace des créatures et des objets, la doctrine païenne par excellence. Il n'y a qu'une loi : la volonté de Dieu, force mouvante efficace, causalité créatrice. Âme et corps ont donc un développement parallèle mais indépendant. Parallélisme qui explique comment telle affection de l'âme, née dans la conscience à cause de la loi propre des faits de conscience, et telle affection du corps née dans le corps à cause de la loi propre du corps, se trouvent concomitantes ou immédiatement successives par ce fait que l'une est occasion de l'autre (mais jamais cause).
Dieu est la seule cause efficiente véritable de tout ce qui se produit. Un phénomène donné n'est que l'occasion d'un autre phénomène, jamais sa cause, l'autre phénomène, c'est Dieu qui le fait au même titre que tous les autres car il n'est pas possible qu'un phénomène possède une puissance suffisante pour « causer » vraiment un autre phénomène (Malebranche est l'ennemi des causes occultes). De là, ces conséquences :
— Mécanisme intégral ; il n'y a pas de « force » dans la nature ; rien que des mouvements soumis à des lois, maintenues par Dieu (ce qui fait que Malebranche peut dire que le miracle prouverait l'inexistence de Dieu).
— Nous ne sommes unis immédiatement qu'avec Dieu, alors que nous nous croyons unis au corps et au monde matériel.

LA THÉORIE DE LA VISION EN DIEU

Ce point de doctrine est directement la conséquence du précédent et de la notion d' « idée » que Malebranche emprunte à Descartes. Lorsque le physicien a l' « idée » d'une réalité physique, cela signifie qu'il en tient la loi de formation, la structure mathématique essentielle, bref qu'il en tient « l'être ». Mais si cette idée est vraiment créatrice, elle ne peut tirer sa puissance que de la Causalité suprême. Ces « idées » n'existent donc que comme des modifications et limitations de cette force mouvante des corps, immuable et nécessaire : Dieu. Nous voyons ainsi les « idées » en Dieu.
L'intelligence ne peut avoir à « inventer » des idées ; elle doit se purifier suffisamment pour « voir ». L'intelligence d'une idée, comme l'intuitus cartésien, est, après la prière de l'attention, une illumination divine par laquelle notre entendement purement passif reçoit dans l'évidence, la lumière et la connaissance absolues. Nous sommes tous unis à Dieu d'abord.

LA NOTION D'ORDRE

La morale en découlera. Une métaphysique de la raison et de la volonté fait pendant à la théorie de la connaissance exposée ci-dessus. Nous participons par notre volonté à la Cause efficiente qui meut l'univers. C'est du dynamisme de notre être volontaire que les désirs et les passions tirent leur force. Mais, dans la passion, cet clan au lieu d'être tourné vers Dieu, son principe et son but, est détourne vers le péché par la faute originelle.
Ici, se place une nouveauté théologique fort critiquée par l'Église à l'époque : pour faire comprendre aux hommes, dit Malebranche, le chemin de la rédemption et du salut, les philosophes ne suffisent pas ; il faut parler aux hommes un autre langage, un langage humain : il faut les émouvoir directement car l'appel du Verbe intérieur n'est plus écouté ; de là, la nécessité logique de l'Incarnation du Christ.
Par la conversion du coeur, nous cesserons de donner aux choses et aux gens, des valeurs illusoires selon qu'ils satisfont plus ou moins nos désirs dans ce monde du péché, et nous les jugerons selon l'« ordre ». L'Ordre, c'est la hiérarchie véritable des êtres, compte tenu seulement de leur « perfection », c'est-à-dire de la réalisation plus ou moins parfaite qu'ils offrent de la volonté divine, de leur participation plus ou moins grande à la « construction du temple éternel dont les hommes sont les pierres vivantes » (Malebranche reprend ici l'idée de la Cité de Dieu, de saint Augustin). L'ordre est donc l'objet de la foi morale et sa réalisation est le but de la morale. C'est par la Raison, juge infaillible étincelle en nous du Verbe Divin, que nous connaîtrons cette nouvelle échelle de valeurs.
La vertu, par laquelle nous proportionnerons notre amour, notre estime et notre effort à la valeur « réelle » des créatures, est ainsi la soumission à l'ordre immuable. D'où la définition que donne Malebranche de la vertu : l'amour dominant de l'ordre immuable. Cet amour ne peut s'éveiller en nous que par l'amour pour le Christ, médiateur indispensable.

CONCLUSION

Il n'y a rien selon Malebranche qui, considéré comme il faut, ne nous ramène à Dieu ; telle est la somme de la philosophie de celui qu'on a appelé le Platon chrétien. Philosophie essentiellement religieuse, ou plutôt dans laquelle la vie selon la raison n'est qu'une partie de la vie religieuse.
La théorie des causes occasionnelles nous montre qu'il n'y a d'action efficace que celle de Dieu et que nous sommes dupes de notre imagination lorsque nous attribuons une efficacité aux créatures ; la théorie de la vision en Dieu nous montre que Dieu est notre seule lumière si bien que, dans toute connaissance, fut-ce celui des corps matériels, nous ne sommes en rapport qu'avec Dieu; la méditation nous apprend que l'amour de soi, loin de détacher l'homme de Dieu, le conduit lorsqu'il est éclairé, à l'amour de Dieu. Le système de Malebranche est une vaste conversion, par laquelle toutes choses, devenues transparentes à la raison, nous laissent voir que « tout ne vit, ne se meut et n'est qu'en Dieu ».