Textes

Herder (1744-1803)

Institutions et découvertes en Europe


Les universités étaient des corporations et des villes littéraires. Investies des mêmes droits que les communes, elles rendirent des services analogues. De paisibles écoles, devenues des corps politiques, abaissèrent l'orgueil grossier des nobles, soutinrent la cause des souverains contre les prétentions des papes, et ouvrirent à la classe studieuse le chemin aux emplois civils et à d'éclatants honneurs, jusque-là exclusivement réservés au clergé. Jamais peut-être les savants ne jouirent de plus d'estime qu'à l'époque de la première renaissance des lettres. On reconnut enfin le prix inestimable d'un bien qu'on avait si longtemps méprisé, et pendant qu'un parti reculait devant la lumière, les autres s'avançaient précipitamment vers l'aurore. Les universités servirent de boulevards à la science contre l'impitoyable vandalisme de la tyrannie sacerdotale, et du moins elles conservèrent pour des jours meilleurs un trésor qui n'était qu'à demi connu. Après Théodorich, Charlemagne et Alfred, nous vénérons surtout les cendres de l'empereur Frédéric II, qui, entre beaucoup d'autres bienfaits, imprima aux universités un mouvement dont l'effet se régla longtemps sur le modèle de l'école de Paris. En Europe, l'Allemagne fut pour ainsi dire le point central de ces établissements; c'est là que les arsenaux et les ateliers des sciences ont acquis, avec la forme la plus durable, la plus grande richesse intérieure.

Enfin, bornons-nous à rappeler quelques découvertes qui, mises en pratique, devinrent de puissants instruments dans les mains de la postérité. Vraisemblablement l'aiguille magnétique, le guide du navigateur, fut introduite en Europe par les Arabes, et d'abord mise en usage par les marchands d'Amalfi dans leurs premières communications commerciales avec les Orientaux, puis répandue de là dans tout l'univers moderne. De bonne heure les Génois se hasardent sur la mer Atlantique ; après eux les Portugais montrent qu'ils ne possèdent pas en vain les côtes occidentales du monde antique. Ils cherchent et découvrent un chemin autour de l'Afrique, et font ainsi une révolution dans tout le commerce de l'Inde ; jusqu'aux temps où un autre Génois découvre un second hémisphère et change en un jour toutes les relations des sociétés européennes. L'humble instrument de ces découvertes apparaît en Europe à la première lueur des sciences (p.367-368).