Textes

H de Balzac
Portraits de la Bourgeoisie

 

« La société ne fait-elle pas de l’homme, suivant les milieux où son action se déploie, autant d’hommes différents qu’il y a de variétés en zoologie ? [...] Il a donc existé, il existera de tout temps des espèces sociales comme il y a des espèces zoologiques. »

Balzac, La Comédie humaine, Avant-propos.

« A Paris, quand certaines gens vous voient mettre le pied à l’étrier, les uns vous tirent par le pan de votre habit, les autres lâchent la boucle de la sous-ventrière pour que vous vous cassiez la tête en tombant ; celui-ci vous deferre le cheval, celui-là vous vole le fouet : le moins traître est celui que vous voyez venir pour vous tirer un coup de pistolet à bout portant. »

Balzac, La messe de l’Athée

« L’épicier est entraîné vers son commerce par une force attractive égale a la force de répulsion qui en éloigne les artistes… Ses malheurs au Texas, son séjour à New-York, pays où la spéculation et l’individualisme sont portés au plus haut degré, où la brutalité des intérêts arrive au cynisme, où l’homme, essentiellement isolé, se voit contraint de marcher dans sa force et de se faire à chaque instant juge dans sa propre cause, où la politesse n’existe pas. »

Balzac, La Rabouilleuse

« A Paris, un nom devient une propriété commerciale, et finit par constituer une sorte de noblesse d’enseigne. »

Balzac, Les comédiens sans le savoir

« Les gens généreux font de mauvais commerçants. »

Balzac, Illusions perdues.

« Les lois sont des toiles d’araignées à travers lesquelles passent les grosses mouches et où restent les petites. »

Balzac, La maison Nucingen

« Notre civilisation [...] a remplacé le principe honneur par le principe argent. »

Balzac, Melmoth réconcilié

« L’usurier des pauvres, semblable aux égoutiers, trouvait enfin des diamants dans la fange où il barbottait depuis quatre ans en y épiant un de ces hasards qui, dit-on, se rencontrent au milieu de ces faubourgs d’où sortent quelques héritières en sabots. Tel était le secret de sa mansuétude avec l’homme de qui la ruine était jurée. On peut imaginer en quelle anxiété il fut en attendant le retour de la veuve Cardinal, à qui ce profond ourdisseur de trames ténébreuses avait donné les moyens de vérifier ses soupçons sur l’existence du trésor, et à qui sa dernière phrase avait promis tout, si elle voulait s’en remettre à lui du soin de recueillir cette moisson. Il n’était pas homme à reculer devant un crime, surtout quand il voyait chance à le faire commettre par autrui, tout en s’en appliquant les bénéfices. Et il achetait alors la maison de la rue Geoffroy-Marie et il se voyait enfin bourgeois de Paris, capitaliste en état d’entreprendre de belles affaires ! »

Balzac, Scènes de la vie parisienne

« - Assurément, disait le jeune homme, je suis loin d’appartenir à l’opinion dynastique, et je suis loin d’approuver l’avènement de la Bourgeoisie au pouvoir. La Bourgeoisie ne doit pas plus qu’autrefois l’aristocratie être tout l’Etat. Mais enfin, la Bourgeoisie française a pris sur elle de faire une dynastie nouvelle, une royauté pour elle, et voilà comment elle la traite ! Quand le peuple a laissé Napoléon s’élever, il en a créé quelque chose de splendide, de monumental, il était fier de sa grandeur, et il a noblement donné son sang et ses sueurs pour construire l’édifice de l’Empire. Entre les magnificences du Trône aristocratique et celles de la pourpre impériale, entre les grands et le peuple, la Bourgeoisie est mesquine, elle ravale le pouvoir jusqu’à elle au lieu de s’élever jusqu’à lui. Les économies de bout de chandelle de ses comptoirs, elle les exerce sur ses princes. Ce qui est vertu dans ses magasins est faute et crime là-haut. J’aurais voulu bien des choses pour le peuple, mais je n’aurais pas retranché six millions à la nouvelle liste civile. En devenant presque tout, en France, la Bourgeoisie nous devait le bonheur du peuple, de la splendeur sans faste, et de la grandeur sans privilège…

- Vous avez raison, monsieur, dit le jeune magistrat. Mais avant de parader, la Bourgeoisie a des devoirs à remplir envers la France. Le luxe dont vous parlez passe après les devoirs. Ce qui vous semble si fort reprochable a été la nécessité du moment. La Chambre est loin d’avoir sa part dans les affaires, les ministres sont moins à la France qu’à la Couronne, et le parlement a voulu que le ministère eût, comme en Angleterre, une force qui lui fût propre et non pas une force d’emprunt. Le jour où le ministère agira par lui-même et représentera dans le pouvoir exécutif la chambre comme la chambre représente le pays, le parlement sera très-libéral envers la Couronne. Là se trouve la question, je l’expose sans dire mon opinion, car les devoirs de mon ministère emportent, en politique, une espèce de féauté à la Couronne. »

Balzac, Scènes de la vie parisienne