Chronique du quinquennat

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La droite se cherche
des valeurs
Quid des valeurs fondement des valeurs Dérives axiologiques valeurs absolues ? Perspectives

Qu'entendre par valeurs ?

Deux références obsédantes :

La première cet extrait de La Méthode d'E Morin

La référence aux «valeurs » à la fois révèle et masque la crise des fondements. Elle la révèle: comme le dit Claude Lefort, «le mot "valeur" est l'indice d'une impossibilité à s'en remettre désormais à un garant reconnu par tous: la nature, la raison, Dieu, l'Histoire. Il est l'indice d'une situation dans laquelle toutes les figures de la transcendance sont brouillées » . Nous sommes désormais voués à ce que Pierre Legendre appelle le «self-service normatif» où nous pouvons choisir nos valeurs. Les «valeurs » prennent la place laissée vacante des fondements pour fournir une référence transcendante intrinsèque qui rendrait l'éthique comme auto-suffisante. Les valeurs donnent à l'éthique la foi en l'éthique sans justification extérieure ou supérieure à elle-même. En fait, les valeurs essaient de fonder une éthique sans fondement. *

La seconde, parce que c'est à propos, précisément des valeurs qu'Heidegger l'affirme en ces pages finales de l'Introduction à la métaphysique :

Voilà ce que l'on nomme philosophie. et en particulier, ce qui est mis sur le marché aujourd'hui comme philosophie du national-socialisme et qui n'a rien à voir avec la vérité interne et la grandeur de ce mouvement (c'est-à-dire avec la rencontre, la correspondance entre la technique déterminée planétairement et l'homme moderne) fait sa pêche dans les eaux troubles de ces "valeurs" et de ces "totalités". 3

Heidegger le repère : le terme est partout et, après la morale, envahit le discours économique et politique et il n'est sans doute pas anodin, non plus que source de confusion que le terme soit au centre à la fois de la morale et de l'économie c'est-à-dire au centre en même temps de ce qui peut représenter à première vue le matérialisme le plus étriqué et les hautes valeurs spirituelles. Mais ce ne saurait être non plus tout à fait un hasard.

Rappel

Même si les termes peuvent être interchangeables - et l'on trouve parfois chez certains auteurs des définitions inversées - il faut bien distinguer morale d'éthique.

- La morale, précisément, traite de ces principes, qu'elle veut universels. Il s'agit ainsi de la condition de possibilité même de toute éthique.

- La déontologie quant à elle, plus étroite, définit les règles éthiques propres à une profession donnée.

- L'éthique est de l'ordre du devoir ; avoir une démarche éthique revient à se conformer en son activité à ce qui semble juste. L'éthique indique comment agir au mieux. Mais en même temps l'éthique ne saurait être valide sans s'appuyer sur des principes généraux qui la fonde.

Tout ceci se distribue donc assez bien du particulier au général : à la déontologie de définir comment le dois agir dans ma profession, ce que je peux faire et comment, et ce que je ne dois pas faire ; à l'éthique de définir ce qui est juste ; à la morale de penser au nom de quoi le juste est juste et pourquoi il faut tenter de le réaliser. Encore une fois, on pourrait aisément inverser les définitions et concevoir l'éthique au fondement de la morale plutôt que l'inverse et le fait que Spinoza par exemple n'utilise pas une seule fois le terme morale dans l'Ethique pourrait y inciter. Ce qui ne change en tout cas pas c'est que la discipline pratique qui vise à définir les règles du bien agir doit en tout état de cause pouvoir s'appuyer sur une justification universelle de ses règles et donc sur les principes généraux.

Retour au politique

Il en va finalement de même en politique : un parti n'intervient dans la sphère politique et un candidat ne se présente qu'au nom d'un programme plus ou moins bien défini et évidemment sujet aux aléas des circonstances. Ce programme détermine ce qui veut être fait, c'est-à-dire ce qui, selon les protagonistes, devrait être fait. Mais ce qui est programmé et qui est donc présenté comme le souhaitable, l'est nécessairement au nom de principes plus généraux qui d'ailleurs les définissent comme étant de gauche ou de droite. C'est à ce niveau, moral, que se place la question des valeurs. Enfin la manière concrète de mener l'action politique peut elle-même vouloir être définie par des règles précises, déontologiques. C'est à ceci que semble vouloir s'atteler la Commission Jospin ; à ceci aussi que veut répondre la Charte de Bonne conduite que chacun des ministres a signée lors du premier conseil des ministres en Mai.

On observera cette même distribution, du particulier au général, au niveau même des institutions. A plus bas, la loi qui définit ce qui est juste. Au dessus, la constitution qui est la loi fondamentale c'est-à-dire celle qui fonde l'action, les rapports et les pouvoirs de chacun ; tout! au dessus le préambule, qui fait partie du bloc constitutionnel, qui, rappelons-le, fait référence non seulement à la déclaration de 89 mais aussi à celui de la constitution de 46 qui constituait une reformulation de la déclaration des droits de l'homme. 4

On le voit, ici comme ailleurs, il n'est pas d'action humaine qui ne suppose une représentation du monde, une philosophie et, osons le mot, une métaphysique implicite.

La République Française telle qu'elle se pense et se pose par son Préambule se réfère explicitement à l'humanisme du XVIIIe et aux idéaux de la Révolution.

suite


 

3) lire le passage entier

*de Morin :

objets deconnaissance

ma gauche

Entretien Janv 2011

L'éthique

 

4)

Le Préambule de la Constitution de 58 :

Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’Homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004.

En vertu de ces principes et de celui de la libre détermination des peuples, la République offre aux territoires d’outre-mer qui manifestent la volonté d’y adhérer des institutions nouvelles fondées sur l’idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité et conçues en vue de leur évolution démocratique.

Article 1er

La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.

La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales.

Le Préambule de la Constitution de 46 :

Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et libertés de l'homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

Il proclame, en outre, comme particulièrement nécessaires à notre temps, les principes politiques, économiques et sociaux ci-après :

La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme.

Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République.

Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances.

Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix.

Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent.

Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises.

Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité.

La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement.

Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence.

La Nation proclame la solidarité et l'égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales.

La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'État.

La République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public international. Elle n'entreprendra aucune guerre dans des vues de conquête et n'emploiera jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple.

Sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix.

La France forme avec les peuples d'outre-mer une Union fondée sur l'égalité des droits et des devoirs, sans distinction de race ni de religion.

L'Union française est composée de nations et de peuples qui mettent en commun ou coordonnent leurs ressources et leurs efforts pour développer leurs civilisations respectives, accroître leur bien-être et assurer leur sécurité.

Fidèle à sa mission traditionnelle, la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de s'administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires ; écartant tout système de colonisation fondé sur l'arbitraire, elle garantit à tous l'égal accès aux fonctions publiques et l'exercice individuel ou collectif des droits et libertés proclamés ou confirmés ci-dessus.


 

 

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