Elysées 2012

Le monde que nous quittons

Revenir rapidement sur ce qui se cache sous l'écologie tant les controverses furent nombreuses, et pas toujours du meilleur goût ni de la plus grande honnêteté. Tenter aussi de comprendre ce qui se joue, idéologiquement, philosophiquement.

Une polémique indigne Rapports homme / nature Rupture Ecologie politique
      Bibliographie

Fonder c’est creuser

Celui qui bâtit, d’abord creuse : les fondations. Fundationes désigne les assises par quoi on affermit un édifice. La métaphore est classique, implicite ici d’entre ce qui est fragile et se bâtit sur le sable et ce qui s’édifie sur le roc . L’acte même de fonder est le signe de la force. Le grec dit, pour fondation, καταβολη désignant à la fois le contraire de ana c'est-à-dire un mouvement vers le bas et βαλλω : jeter, lancer mais aussi frapper.

Le terme est manifestement ambivalent qui dit à la fois le mouvement vers le haut et vers le bas ; qui dit à la fois la construction et la destruction. Volvo vient de ελυω qui signifie rouler

C’est ce terme qu’utilise Jean dans l’Apocalypse : révéler des choses cachées depuis la fondation du monde ( καταβολη κοσμου ) Le cosmos c’est l’ordre, l’organisation et donc la discipline, mais aussi la construction.

On est là au centre de ce qui importe : avec le même suffixe on a symbole, diabole et catabolisme et anabolisme ; avec le même préfixe : catastrophe. Celle-ci est donc l’action de se détourner vers le bas pour éviter les coups.

Le culte voué à Hercule

La première des choses que fait Romulus, le pouvoir conquis, est d’instituer les rites. Tite Live indique qu’il suit en cela la pratique d’Albe sauf en ce qui concerne Hercule à qui il voue un culte.

Dans tous les sacrifices qu'il offrit aux dieux, il suivit le rite albain; pour Hercule seulement, il suivit le rite grec tel qu'Évandre l'avait institué.

Ce que Romulus met au fond, cette première pierre symbolique qui assoit la ville c’est donc à la fois le rite étrusque et le rite grec. Autre façon de dire qu’il n’est pas d’origine radicale, et que ce que l’on fonde se contente de répéter, ailleurs, ce qui est.

Répétition loin d’être anodine de ce point de vue : via Albe, c’est à une autre lute fratricide que l’on fait référence comme si la mort de Rémus n’était que la redite incessante du même meurtre initial. Mais référence en même temps à la Grèce via Enée, mais donc aussi à une autre lutte Troie ! Pourtant, en même temps, référence à la Grèce une seconde fois via Hercule.

Le récit ici semble s’offrir une incise : celle d’une autre lutte d’une autre histoire de troupeau, mais aussi d’une autre ruse. Tite Live ne prend aucun soin à justifier les rites albain ; en revanche il prend le temps de justifier celui consacré à Hercule. Or, cette histoire est intelligente trois fois : c’est un meurtre, une alliance un sacrifice. On ne commence jamais absolument une série, en revanche on l’inaugure. Ce que fait Romulus c’est étymologiquement consacrer la ville par une cérémonie solennelle. Mais celle-ci répète un sacrifice qui venait consacrer un meurtre

Mais cette histoire, incrustée dans l‘autre, est aussi la première à pouvoir se retourner ; se lire à l’envers. Tout se joue ici dans ces traces inverses, fruit de la ruse certes, mais qui nous peuvent inciter à lire l’histoire autrement. Nous l’avons dit à plusieurs reprises le fondateur monte et descend de la montagne, creuse et érige. A chaque fois un couple de contraire comme s’ils s’équivalaient ou nous révélassent un autre sens.

Précisément.

Que peut-il y avoir de si précieux dans cette histoire qu’elle soit, avec le rite albain, ce que Romulus veut enfouir dans les fondations qui les rendent plus solides. Ana et cata, deux contraires au même titre que sun et dia. A chaque fois, un jeter qui fait de soi et/ou de l’autre un sujet ou un objet et ces traces inversée, surtout, qui laissent entendre que ces contraires revinssent au même ou, plus exactement, qu’ils ne seraient au fond que les perspectives inverses des protagonistes.

Après tout, l’on pourrait raconter l’histoire du côté de Cacus ; de Rémus : il n’est pas certain que cela change grand chose.

Quel secret ? Secerno, mettre a l’écart, séparer, distinguer. On le voit, tous ces termes tournent autour de la même aire. Les secrets s’enfouissent : ils ont maille à partir avec la fondation. Que peut nous dire cette inversion de direction, sinon que l’histoire pourrait se lire à l’envers.

Cacus est berger ; il voit devant lui un troupeau magnifique et son gardien, endormi, fragile. Pourquoi ne déroberait-il pas les meilleures bêtes ? D’autant, mais il ne le sait pas qu’Hercule lui aussi les a dérobées. Cette histoire est celle, antique, de l’arroseur arrosé ! Hercule est épuisé parce qu’il a lui même effacé les traces de pousser les bêtes dans la traversée du fleuve. Cacus reproduira le même geste : prendre les bêtes, effacer les traces. Les cacher en attendant sans doute de les reprendre. Hercule à ce moment précis est tout sauf puissant ; repus, endormi, faible.

Mais Cacus n’est pas n’importe qui :

Cacus ou en grec Cacos, Méchant, fils de Vulcain, demi-homme et demi-satyre, était d'une taille colossale, et vomissait des tourbillons de flamme et de fumée. Des têtes sanglantes étaient sans cesse suspendues à la porte de sa caverne située en Italie, dans le Latium, au pied du mot Aventin

Un demi dieu face à un demi-homme. Le fils de Vulcain face au fils de Jupiter. Rusé autant qu’industrieux, il représente à la fois, parce que satyre, sa procession d’avec Bacchus et donc malice, plaisir et liberté autant que savoir-faire et technique. Il est sans doute méchant, ce qui menace le troupeau, mais en même temps l’avenir. Dans ce duel, où chacun dispose de pouvoirs exceptionnels, on notera pourtant une étrange ressemblance qui tient évidemment à leur ascendance divine, qui tient surtout à leur commune affectation pour le travail, l’épreuve. Hercule ne peut exactement représenter le bien non plus que Cacos véritablement le mal, mais dans cette confrontation entre la force et la ruse, il y a bien quelque chose qui s’origine qui permet à l’histoire de commencer.

Le récit donne la victoire à Hercule et c’est une double victoire : celle de la force parce qu’il parvient à tuer Cacos dans sa caverne ; celle de la parole parce qu’il parvient à échapper à l’ire populaire grâce à l’intervention d’Evandre. Tour à tour, ils sont victimes c'est-à-dire destinés au sacrifice : les bœufs d’être séparés et bientôt sacrifiés ; Cacos d’Hercule ; Hercule de la foule ;

Le vicaire (vicarius) n’a pas de nom (vicis en latin n’a pas de nominatif) qui désigne le substitut, le remplaçant. Cette histoire est bien celle d’une substitution, celle d’une lieu-tenance. Qu’importe celui qui tiendra le lieu, en réalité ceci revient au même. Au début est la parole, celle d’Evandre, mais cette parole est de substitution. Et parce qu’elle est de substitution, elle est en même temps victimaire. Les bœufs, Cacos, Hercule qu’importe, c’est le même cri à quoi l’on va substituer la parole. En entendra encore le mugissement de la bête sur l’autel : c’est la tragédie. Elle symbolise la substitution originaire.

Question : c’est la même substitution que l’on retrouve entre le récit de la Genèse et le prologue de Jean : au tohu bohu originaire est substitué le logos. D’emblée au cri du monde on répondra par la parole. Faut-il en déduire que nous avons perdu le monde dès la fondation ?

Le berger sort son troupeau de l’étable : il faut bien qu’il paisse. Nous cherchions le point de vue de l’agneau. Nous l’avons ici ! Encore faut-il se rappeler que le berger redoute finalement deux choses : que le troupeau s’égare, ou qu’on le lui vole. Le satyre est la figure de ce vol. Le satyre est malin, subtil : il subtilise. Dans l’affaire le berger perd à tous les coups. Le satyre à son tour perd : il est battu par plus fort que lui : Hercule l’abat d’un coup de massue ou l’étrangle, c’est selon. Le berger ne renonce jamais : il appelle la bête, ou ses proches pour l’aider à la retrouver. A la parole du berger se substitue la parole de la foule ! Celle-ci a besoin d’une issue, d’une sortie de crise. Il faut retrouver la bête ou celui qui l’a subtilisée. A défaut de la retrouver, il faudra bien un substitut, un vicaire, une victime. La stratégie émissaire n’est pas loin – c’est la thèse de Girard.


Et le premier secret que Romulus enfouit dans les fondations : au début est le substitut, le déplacement et donc l’invention de l’espace. Créer la cité, la fonder, et donc délimiter un espace, ce que traduit bien le sillon, c’est bien entendu sortir de la confusion de la foule ; c’est renoncer à l’indistinct, c’est nommer. Au début est le subtil ; au début est le vol. Au début est la ruse qui invente l’espace en le déplaçant. Dès lors il ne sera plus anodin ; dès lors il ne sera plus indifférent mais caractérisé, déterminé.  Le rusé c’est celui qui déplace le problème et sans doute qui l’enfouit. Lire les augures, sortir disions-nous, c’est inventer l’espace en le déterminant et déplaçant

. Et c’est le second secret de Romulus : fonder c’est bien entendu créer avec l’espace, le droit qui le régit. ET d’abord le rite, et d’abord les dieux. On devinait bien que sous la loi, il fallait des principes et des axiomes. On sentait bien que rien ne l’incarne mieux qu’un Dieu. Ce que Romulus cache, c’est que ce dieu indiffère peu. N’importe quel dieu fait l’affaire qui est lui-même l’objet d’une subtilisation originaire. Dieu est lui-même un vicaire général : un espace blanc. Il est ici le secret : ce que Romulus cache c’est que justement sous les fondations, il n’y a rien ; cache qu’il n’y a rien à cacher.

Nous le savons cacher a la même origine que penser (coagitare) : cogere désigne à la fois le rassemblement du troupeau et la contrainte et ne prendra que tardivement le sens de la dissimulation. Simuler c’est faire semblant, c’est bien aussi représenter. La représentation théâtrale, celle précisément que proscrit Platon, est un doublet, une re-présentation qui vise à se substituer au réel, qui la représente, de manière plus convéniente ou plus agréable. Celui qui joue cette représentation est un acteur, ou un hypocrite qui se dissimule derrière son masque. La crypte nous la connaissons c’est celle de Cacos. La seule grande différence entre l’acteur et le tricheur tient à l’explicite de la dissimulation. L’illusion est une ignorance au carré : je ne sais pas que je ne sais pas. La représentation se donne pour telle : le spectateur en connaît la fable. Dans la représentation théâtrale le réel et son double sont donné en même temps (simul) ce pourquoi il n’y a pas mensonge. Elle est un simulacre et concerne à la fois les choses, les idées et les dieux. Elle est une La parabole ! D’ailleurs les dieux parlent toujours sous la forme de la parabole. Celui qui dissimule au contraire c’est celui qui s’arrange pour que l’illusion soit parfaite : celui qui escamote et donc cache à ce point le re de représentation qu’on y pourrait croire une vérité. Tout se joue dans la sortie ou l’entrée dans le caché, dans la crypte, dans la caverne. ειδωλον désigne ainsi en grec à la fois le fantôme, l’image, et partant l’imagination. Le verbe ειδω hésite lui-même entre la simulation et la dissimulation qui désigne à la fois voir (d’où le latin video) savoir lire ce qui paraît, semble, y être habile, mais aussi apparaître feindre, faible semblant. La dissimulation consiste bien à la fois à montrer et à cacher à se tenir à l’intersection entre le dire et le mentir en même temps qu’elle renvoie à l’ironie –socratique notamment – qui consiste toujours à feindre l’ignorance et la question quand en réalité on sait.

En grec, ειρω signifie dire d'où le latin tirera verbe ; l'ironie de ce point de vue est dissimulation de la parole. Il est ici le troisième secret de Romulus : la parole originaire est ironique !

Au secret de ce moment de la fondation (simul) en même temps que ce qui se révèle se cache, commence la parole d’Evandre, qui est, nous l’avons dit de substitution. Elle va être jetée, de côté, elle va mettre en parallèle c’est pour cela qu’elle est parabole. παραβαλλω. La catabole qui est fondation est une parabole.

Girard a tort de ne voir dans cette histoire que celle de la violence mimétique originaire sur quoi s’appuie la fondation à la fois de la cité et du rite. Cette substitution n’est pas que la mise à l’écart de la violence (para) elle est aussi la mise à l’écart de la parole. A celle originaire des bœufs se substitue désormais celle des lettres, de la pensée, des sciences. L’histoire peut commencer parce que le savoir débute. Et le savoir ne le peut qu’en substituant à la langue originaire son propre discours, sa propre grammaire, son propre lexique. Désormais tout est à prendre à côté, tout est à déplacer. C’est encore une invention de l’espace.

Fonder, c’est changer de registre lexical ; c’est changer de langue. C’est cela que Romulus tait.

Monter, descendre ; anabole ; catabole ; parler, écrire. La parole, le cri nous renvoie toujours vers la montagne, la colline, les cieux ! A l’inverse, l’écrit nous renvoie vers la plaine. Toujours. Moïse entend la parole divine au Sinaï mais c’est dans la plaine que seront emmenées les tables. Platon sur sa colline, Aristote dans la ville. 

Du mythe grec

L’acte fondateur est donc bien ici : un acte logique qui consiste à ériger en principe, à faire sortir de l’espace ordinaire un désir, une aspiration (ce qu’on disait plus haut)
Tout semble tourner autour de la question du changement de langue, de logiciel. On pourrait parfaitement s’arrêter là et se dire que finalement fonder c’est théoriser. C’est une première approche mais ce n’est pas la seule.

On peut juger l’hésitation lexicale à l’aune de ce que nous venons de dé-couvrir : morale et éthique disent la même chose quoique l’une le dise en grec, l’autre en latin. Morale semble effectivement, dans la tradition philosophique en tout cas, plus aisément rattachée à une approche idéaliste de la question au contraire d’éthique qui renvoie à une problématisation matérialiste : les valeurs sont-elles des absolus à quoi nous nous devons de nous plier, ou, au contraire ne sont-elles que des généralisations de comportements dont on se contentera de rechercher la meilleure combinatoire.
La question est sans doute d’importance : elle en aura dans la suite de notre recherche ; pas nécessairement ici. En effet, dire la morale revient en fait à poser une hiérarchie, entre les choses, entre les hommes, entre les relations entretenues entre eux. C’est nécessairement poser que ceci pèse (la valeur) plus que cela, et donc justifier cette hiérarchie.

Cette dernière participe de la distinction entre sacré et profane : ieros désigne ce qui est admirable et donc aussi sacré, mais aussi l’offrande mais aussi les entrailles des victimes et donc les augures. Partant aussi bien le prêtre (le hiérarque) que le temple.
Poser le problème en terme moraux, prendre une posture morale, faire la morale à quelqu’un qu’est-ce que cela pourrait bien vouloir signifier d’autre que de distinguer par une parole, qui se cache quand elle est ironique, qui placera en avant ce qui importe, que l’on consacre, que l’on sanctifie, que l’on sacrifie, étymologiquement.

A l’intersection du politique, du religieux et du droit, la morale classe et trie : crée des classes. Que cette taxinomie soit sociale, économique ou politique importe peu ici. La morale renvoie à l’objet, à notre rapport à l’objet : très exactement elle nous met, face à l’objet en tant que sujet. La sanctification de tel ou tel objet, nous y met en-dessous, comme celui qui doit être soumis à ce qui le dépasse. Je ne sais pas encore si c’est la classification des objets qui entraîne celle des hommes ou au contraire celle-ci qui produit l’autre, mais ici sur la ligne ceci revient au même. Le fondateur, mais nous savons qu’il s’agit d’un moment, reste celui d’une distinction qui a un sens : hiérarchique. Le fondateur ne classe pas, il donne l’ordre du classement, son sens. Sa cohérence.

Or, force est de constater que ce moment de la fondation est sitôt posé qu’effacé ; enfoui, très exactement. Caché. On peut néanmoins en déceler quelques traits :

il a partie liée avec la violence ; Celle-ci est partout : au début, à la fin 

il a partie liée avec la tourbe, la foule, le désordre

il a partie liée à l’objet.

Dans la Généalogie de la morale, que l’auteur veut résolument polémique, Nietzsche soupçonne l’invention d’un arrière-monde, expression du ressentiment éprouvé par le faible contre un monde trop contradictoire, trop écrasant pour lui. Cet arrière-monde est ainsi l’expression même de l’inversion ou dévaluation des valeurs traduisant la victoire des faibles sur les forts, la morale devenant ainsi l’expression logique de la débilité, de la maladie.

Savoureuse critique, avec quoi il faudra bien se colleter, mais qui déplace explicitement le problème du côté du psychologique en se jouant d’une explication finaliste plutôt que causale. Nietzsche se demande pour quoi la morale – et non pourquoi ; pour qui la morale. C’est oublier que cet arrière monde peut s’entendre  de manière tant logique qu’ontologique – au même titre que la vérité d’ailleurs. C’est assez insister sur l’importance de cette subtilisation d’un monde à un autre.

 Le rite albin



Le premier qui ayant enclos un terrain s'avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d'horreurs n'eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : "Gardez-vous d'écouter cet imposteur ; vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à tous et que la terre n'est à personne!" Mais il y a grande apparence qu'alors les choses en étaient déjà venues au point de ne plus pouvoir durer comme elles étaient : car cette idée de propriété, dépendant de beaucoup d'idées antérieures qui n'ont pu naître que successivement, ne se forma pas tout d'un coup dans l'esprit humain : il fallut faire bien des progrès, acquérir bien de l'industrie et des lumières, les transmettre et les augmenter d'âge en âge, avant que d'arriver à ce dernier terme de l'état de nature. [...] La métallurgie et l'agriculture furent les deux arts dont l'invention produisit cette grande révolution. Pour le poète, c'est l'or et l'argent, mais pour le philosophe ce sont le fer et le blé qui ont civilisé les hommes, et perdu le genre humain.

Du lat. class. sŏrtῑri « tirer au sort, fixer par le sort, obtenir par le sort » en gén. « obtenir du sort, de la destinée » puis « choisir » (lui-même dér. de sors, v. sort); le développement du sens de « passer du dedans au dehors », propre au fr. et qui a évincé à partir du xvie s. issir*, est difficile à expliquer

Ils étaient jumeaux, et la prérogative de l'âge ne pouvait décider entre eux : ils remettent donc aux divinités tutélaires de ces lieux le soin de désigner, par des augures, celui qui devait donner son nom et des lois à la nouvelle ville, et se retirent, Romulus sur le mont Palatin, Rémus sur l'Aventin, pour y tracer l'enceinte augurale.
(1) Le premier augure fut, dit-on, pour Rémus : c'étaient six vautours ; il venait de l'annoncer, lorsque Romulus en vit le double, et chacun fut salué roi par les siens ; les uns tiraient leur droit de la priorité, les autres du nombre des oiseaux (2) Une querelle s'ensuivit, que leur colère fit dégénérer en combat sanglant ; frappé dans la mêlée, Rémus tomba mort.

Moïse dit à l'Éternel: Ah! Seigneur, je ne suis pas un homme qui ait la parole facile, et ce n'est ni d'hier ni d'avant-hier, ni même depuis que tu parles à ton serviteur; car j'ai la bouche et la langue embarrassées.

 L'Éternel lui dit: Qui a fait la bouche de l'homme? et qui rend muet ou sourd, voyant ou aveugle? N'est-ce pas moi, l'Éternel?
 Va donc, je serai avec ta bouche, et je t'enseignerai ce que tu auras à dire.
 Moïse dit: Ah! Seigneur, envoie qui tu voudras envoyer.
 Alors la colère de l'Éternel s'enflamma contre Moïse, et il dit: N'y a t-il pas ton frère Aaron, le Lévite? Je sais qu'il parlera facilement. Le voici lui-même, qui vient au-devant de toi; et, quand il te verra, il se réjouira dans son coeur.
 Tu lui parleras, et tu mettras les paroles dans sa bouche; et moi, je serai avec ta bouche et avec sa bouche, et je vous enseignerai ce que vous aurez à faire.
 Il parlera pour toi au peuple; il te servira de bouche, et tu tiendras pour lui la place de Dieu.
Ex 4, 11-17

Tite Live Ab urbe condita I, 6

on la retrouve dans l’AT comme dans les Evangiles ! on la retrouve chez Descartes pour illustrer la nécessité du cogito .

avec le même suffixe : problème
προβάλλω «jeter devant; mettre en avant comme argument; proposer (une question, une tâche, etc.

Tite Live I, 7

Marx,  Contribution à la critique de l'économie politique, , Éditions sociales , p 4
qui s’oppose résolument au « Toutes nos spéculations manifestent spontanément une prédilection caractéristique pour les questions les plus insolubles, sur les sujets les plus radicalement inaccessibles à toute investigation décisive. » de Comte dans le Discours sur l’esprit positif

G Bataille, L’érotisme p 79

JP Vernant, Mythe et pensée chez les grecs, La découverte, Paris, 1996, p 162

 Parce que son lot est de trôner, à jamais immobile, au centre de l’espace domestique, Hestia implique, en solidarité et contraste avec elle, le dieu véloce qui règne sur l’étendue du voyageur. A Hestia le dedans, le clos, le fixe, le repli du groupe  humain sur lui-même ; à Hermès, le dehors, l’ouverture, la mobilité, le contact avec l’autre que soi. On peut dire que le couple Hermès-Hestia exprime, dans sa polarité, la tension qui se marque dans la représentation archaïque de l’espace : l’espace exige un centre, un point fixe, à valeur privilégiée, à partir duquel on puisse orienter et définir des directions, toutes différentes qualitativement ; mais l’espace se présente en même temps comme lieu du mouvement, ce qui implique une possibilité de transition et de passage, de n’importe quel point à un autre.
Ibid., p 159

Ibid., p 190

La cité était une confédération. C'est pour cela qu'elle fut obligée, au moins pendant plusieurs siècles, de respecter l'indépendance religieuse et civile des tribus, des curies et des familles, et qu'elle n'eut pas d'abord le droit d'intervenir dans les affaires particulières de chacun de ces petits corps. Elle n'avait rien à voir dans l'intérieur d'une famille ; elle n'était pas juge de ce qui s'y passait ; elle laissait au père le droit et le devoir de juger sa femme, son fils, son client. C'est pour cette raison que le droit privé, qui avait été fixé à l'époque de l'isolement des familles, a pu subsister dans les cités et n'a été modifié que fort tard Fustel de Coulanges, La Cité Antique, la cité se forme

Livre III

Levi-Strauss, Race et histoire
L’attitude la plus ancienne et qui repose sans doute sur des fondements psychologiques solides puisqu’elle tend à réapparaître chez chacun de nous quand nous sommes placés dans une situation inattendue, consiste à répudier purement et simplement les formes culturelles: morales, religieuses, sociales, esthétiques, qui sont les plus éloignées de celles auxquelles nous nous identifions.

R Caillois, l’homme et le sacré, 1950

« l’un des rocs humains sur lesquels sont bâties nos sociétés » M Mauss, Essai sur le don p 148

Plutarque : « Mais, si c’est pour nous que vous combattez, emmenez-nous avec vos gendres et vos petits-fils ; rendez-nous nos pères et nos proches, sans nous priver de nos maris et de nos enfants. Nous vous en conjurons, épargnez-nous un second esclavage. »

Parménide

fragment 53, Hippolyte de Rome, Réfutation de toutes les hérésies, IX, 9, 4

Spinoza Ethique, Livre I Appendice trad Appuhn GF

[La forme antagonie est composée du gr. άντα « face à face, contre (idée d'hostilité) » et ἀγωνία « lutte »

Nietzsche, Aurore, § 19

Je pose en principe un fait peu contestable: que l'homme est l'animal qui n'accepte pas simplement le donné naturel, qui le nie. Il change ainsi le monde extérieur naturel, il en tire des outils et des objets fabriqués qui composent un monde nouveau, le monde humain. L'homme parallèlement se nie lui-même, il s'éduque, il refuse par exemple de donner à la satisfaction de ses besoins animaux ce cours libre, auquel l'animal n'apporte pas de réserve. Il est nécessaire encore d'accorder que les deux négations que, d'une part, l'homme fait du monde donné et, d'autre part, de sa propre animalité, sont liées. Il ne nous appartient pas de donner une priorité à l'une ou à l'autre, de chercher si l'éducation (qui apparaît sous la forme des interdits religieux) est la conséquence du travail, ou le travail la conséquence d'une mutation morale. Mais en tant qu'il y a homme, il y a d'une part travail et de l'autre négation par interdits de l'animalité de l'homme.

Le principal défaut, jusqu'ici, du matérialisme de tous les philosophes – y compris celui de Feuerbach est que l'objet, la réalité, le monde sensible n'y sont saisis que sous la forme d'objet ou d'intuition, mais non en tant qu'activité humaine concrète, en tant que pratique, de façon non subjective. C'est ce qui explique pourquoi l'aspect actif fut développé par l'idéalisme, en opposition au matérialisme, — mais seulement abstraitement, car l'idéalisme ne connaît naturellement pas l'activité réelle, concrète, comme telle. Feuerbach veut des objets concrets, réellement distincts des objets de la pensée; mais il ne considère pas l'activité humaine elle-même en tant qu'activité objective. C'est pourquoi dans l'Essence du christianisme, il ne considère comme authentiquement humaine que l'activité théorique, tandis que la pratique n'est saisie et fixée par lui que dans sa manifestation juive sordide. C'est pourquoi il ne comprend pas l'importance de l'activité "révolutionnaire", de l'activité "pratique-critique".

G Bachelard, Formation de l’esprit scientifique Vrin 1999, §1

F Jacob La logique du vivant P 22

Bachelard, La formation de l’esprit scientifique, chap. I, § 1

Tous les bons esprits répètent depuis Bacon, qu’il n’y a de connaissances réelles que celles qui reposent sur des faits observés. Cette maxime fondamentale est évidemment incontestable si on l’applique, comme il convient, à l’état viril de notre intelligence. Mais, en se reportant à la formation de nos connaissances, il n’en est pas moins certain que l’esprit humain, dans son état primitif, ne pouvait ni ne devait penser ainsi. Car, si d’un côté, toute théorie positive doit nécessairement être fondée sur les observations, il est également sensible, d’un autre côté, que, pour se livrer à l’observation, notre esprit a besoin d’une théorie quelconque. Si, en contemplant les phénomènes, nous ne les rattachions point immédiatement à quelques principes, non seulement il nous serait impossible de combiner ces observations isolées, et, par conséquent, d’en tirer aucun fruit, mais nous serions même entièrement incapables de les retenir; et, le plus souvent, les faits resteraient inaperçus à nos yeux.
Ainsi, pressé entre la nécessité d’observer pour se former des théories réelles et la nécessité non moins impérieuse de se créer des théories quelconques pour se livrer à des observations suivies, l’esprit humain, à sa naissance, se trouverait enfermé dans un cercle vicieux dont il n’aurait eu aucun moyen de sortir, s’il ne se fût heureusement ouvert une issue naturelle par le développement spontané des conceptions théologiques qui ont présenté un point de ralliement à ses efforts, et fourni un aliment à son activité.
Cours de philosophie positive, I, p 63

Le jeu des possibles, Avant propos p 11 et 12, 1986

C. Cohen Tannoudji « Redynamisons la recherche », paru dans Le Monde du 13 janvier 2004 :

« Cette phrase : " la science ne pense pas ", qui a fait tant de bruit lorsque je l'ai prononcée signifie : la science ne se meut pas dans la dimension de la philosophie. Mais, sans le savoir elle se rattache à cette dimension. Par exemple : la physique se meut dans l'espace et le temps et le mouvement. La science en tant que science ne peut pas décider de ce qu'est le mouvement, l'espace, le temps. La science ne pense donc pas, elle ne peut même pas penser dans ce sens avec ses méthodes. Je ne peux pas dire par exemple avec les méthodes de la physique, ce qu'est la physique. Ce qu'est la physique, je ne peux que le penser à la manière d'une interrogation philosophique. La phrase: « la science ne pense pas» n'est pas un reproche, mais c'est une simple constatation de la structure interne de la science : c'est le propre de son essence que, d'une part, elle dépend de ce que la philosophie pense, mais que d'autre part, elle oublie elle-même et néglige ce qui exige là d'être pensé ». Heidegger

Contrairement à ce que l’on croit souvent, l'important dans la science, c’est autant l’esprit que le produit. C’est autant l’ouverture, la primauté de la critique, la soumission à l’imprévu, si contrariant soit-il, que le résultat, si nouveau soit-il.

posant qu’il existe deux types de représentations de la réalité façonnées par deux formes de langage différents : le langage digitale et le langage analogique. Le première correspond au langage verbal et relève de l’induction, de la logique, du factuel et de l’analytique. Le second se définit par la pensée muette, l’anticipation, les approches holistiques, et conceptuelles. Il procède par analogies comme les métaphores ou toutes les formes de communication artistique, ou encore par l’action-expérience (Williams,1997).
M brasseur

La Rome chrétienne

Rupture

Où tous les observateurs s'accordent tient à une véritable révolution de civilisation, entamée sans doute il y a longtemps mais qui devient patente, cruciale :

- nous avons perdu le monde. (8) Et ceci peut s'observer non seulement par la sur-urbanisation de l'humanité mais par la quasi-disparition des agriculteurs. Serres n'avait pas tort quand il soulignait déjà en 92 dans le Contrat naturel combien nous nous préoccupâmes plus d'organiser nos relations humaines que nous ne pensâmes notre relation avec le monde. Ce qu'il illustrait malicieusement avec ce tableau de Goya où, nets sont les protagonistes de la lutte mais si flou le contexte : le monde. Mais une perte aggravée par un secteur agro-alimentaire sur-industrialisé, par l'effacement de l'espace comme du temps produit par la mondialisation.

- la nature est entrée dans l'histoire (9) :pour la première fois, les effets de notre propre développement sur la nature rejaillissent sur nous par un prodigieux effet de feed-backd'autant plus insistant qu'il est crucial, imminent et d'importance. Ce qui, dans les récits bibliques pouvait nous paraître absurde et si évidemment superstitieux (la sanction de l'homme par le monde ) est en train de devenir réalité.

Autant dire que, à condition d'éviter une eschatologie trop sulfureuse, ce que revendiquent précisément des gens comme Cohn-Bendit, mais aussi Morin mais encore Serres, mais pas Girard, effectivement, il appartient effectivement à l'écologie, mais au fond à l'ensemble de nos sociétés d'inventer une écologie politique, c'est-à-dire un projet politique et économique qui à la fois ne remette en question ni l'homme, ni sa liberté, ni sa capacité de se développer mais en même temps propose, mette en place un modèle économique qui préserve l'environnement : le développement durable ?

Ecologie politique


F Guattari : Pour une refondation des pratiques sociales

Pour une mutation écologique et solidaire Orientations du projet Europe Ecologie – Les Verts 2012 :

Colloque Où va le monde ?


1) c'est le cas pour E Morin, Serres. Ce l'est, en tout cas pour les écologistes et dans ce qu'on appelle la gauche radicale.

2) Die Philosophen haben die Welt nur verschieden interpretirt; es kommt aber darauf an, sie zu verändern.
Les philosophes n'ont fait qu'interpréter le monde de différentes manières, ce qui importe c'est de le transformer.

Le contrat naturel de M Serres est paru à la même époque

3) dans la seconde partie de cette conférence

4) Manifeste du PC 1848

5) On relira avec intérêt cet entretien avec E Morin

mais aussi : Entretien Ferry Cohn Bendit (2009)

La pensée occidentale ne sait opérer que par disjonction ou par réduction. Descartes, qui voulait que l'homme soit « comme maître et possesseur de la nature », opère la disjonction entre la science et la philosophie, ce qui aboutira à cette séparation entre le monde des humanités et celui de la technique. Après avoir mis Dieu au chômage technologique, l'homme s'est octroyé le droit de dominer la nature. Cette prétention s'est effondrée récemment. D'une part, parce que cette volonté de maîtriser le vivant se retourne contre nous ; d'autre part, parce que la Terre nous apparaît comme une minuscule planète d'un système solaire lui-même périphérique dans un cosmos gigantesque.
Il faut dire aussi que le christianisme, qui nous a façonnés, est une religion ouverte sur l'humain avec ces valeurs cardinales que sont la charité et l'amour, mais fermée à la nature et au monde animal. À l'opposé, le bouddhisme immerge l'humain dans le cycle des reproductions du monde vivant. La compassion du Bouddha s'adresse à toutes les souffrances. Nous sommes donc également marqués par l'empreinte chrétienne de notre civilisation qui ignore notre relation ombilicale à la nature. Il n'est possible de nous affranchir de cette lourde charge à la fois religieuse et techniciste que par une réforme de notre mode de pensée.
entretien Morin/ Hulot Philo Magazine

6) Maurras : lire

sur le site dédié à Maurras un historique de l'Action Française

7) on trouvera ici texte de Elisabeth Hardouin-Fugier sur la protection animalière sous le nazisme

on trouvera par ailleurs une série d'articles critique de Ferry par le courant même qu'il aura dénoncé

8) Michel Serres lire

9) lire

10) sur l'écologie politique lire J Zin mais aussi JP Deléage



Ecologie : quelle politique ? par franceculture 


Clement Gilles, L'homme symbiotique par centrepompidou