Il y a 100 ans ....
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1914

L'occasion est offerte évidemment par le centenaire de la guerre de 14, occasion superbe parce qu'elle présidera évidemment à de belles publications, ainsi qu'à la mise en ligne, n'en doutons pas de ressources photographiques et vidéos.

Mais ce centenaire m'intéresse non seulement à cause de cette guerre, première mondiale, première aussi à être systématiquement photographiée et dont on n'a pas tort de dire qu'elle achève le très long XIXe siècle qui avait en réalité débuté avec 1789.

Je veux au moins raconter ce siècle débutant, qui ne cessera de patauger dans l'horreur, la violence et la mort, même s'il sut aussi se préserver ailleurs, dans les lettres, les arts et les sciences, quelques lueurs qui le sauvent quelque peu dans nos mémoires.

Je suis de ce siècle-là et son éloignement m'apparaît brutalement en même temps que les premiers signes de mon vieillissement. Enfant, je voyais encore beaucoup de ces gueules cassées, de ces vétérans en charrette à bras qui hantaient nos rues comme autant de reproches ; je ne me rendis pas compte qu'insensiblement ils disparurent pour laisser leur place aux rescapés de la seconde guerre qui eux aussi lentement sont rentrés dans le silence.

La distance me semble si courte entre eux et moi ; si longue en même temps ! il n'y avait pas plus d'écart entre eux et Waterloo, qu'entre nous aujourd'hui et eux.

Je veux raconter cette histoire, celle de cette distance si élastique. Celle que suggèrent ces photos, ces visages d'une époque qui ne se savait pas belle mais cessera bientôt de l'être, où tout semblait inexorablement aller son cours vers le progrès et où, la gauche socialiste enfin unie autour de la figure emblématique de Jaurès promettait des lendemains qui redonneraient sa dignité à la classe ouvrière. Se méfier de la nostalgie évidemment, mais il est assez évident que très vite cette période qui va mourir dans les premiers soubresauts de la Marne apparaîtra comme un Paradis perdu qu'on désespérera de pouvoir retrouver.

Ce n'est rien de dire que depuis tout a changé. Plus ou moins que de 1815 à 1914 ? je ne saurais le dire ; il ne s'agit en tout cas plus du même monde ; ni des mêmes rapports de force ; ni des mêmes moeurs ; ni des mêmes savoirs ni d'ailleurs des mêmes espérances.

Tout ceux-là qui le portèrent en triomphe à l'entrée de la gare de l'Est pour honorer celui qui va combattre et peut-être mourir dans les premières heures, tous ceux-là dont on dit qu'ils partirent la fleur au fusil, ne surent pas l'époque qu'ils vivaient et ne savaient en tout cas pas que leurs généraux les entraînaient vers une guerre dépassée qui n'eut comme modèle que celles de Napoléon et comme leçon que celle ratée de 70.

Je n'aime pas les guerres ... j'aime les limites. Celle-ci en est une : nous voici à la jointure exacte de deux siècles, de deux cultures et i nous sommes les petits-fils de celle-ci nous lui sommes pourtant autant étranger qu'à celui qui lui précéda : ils sont entrés dans l'histoire - définitivement. Mais nous ont laissé d'incroyables traces - la photo puis le cinéma sont passés par là.

Alors, simplement, au gré des semaines ou des jours, repartir des événements, petits ou grands, d'une photo, d'une illusion ou d'une espérance et raconter avec le parti résolument pris de la subjectivité .....