Il y a 100 ans ....
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Janvier 14

C'est Gaston Doumergue qui dirige le gouvernement et Poincaré qui préside la République depuis presque un an et durant toute la guerre donc. Les élections approchent que la gauche gagnera et, pour parer le coup Briand et Barthou fondent une Fédération des Gauches qui ne survivra pas à la défaite. Wilson est président des USA depuis presque un an.

Une année qui commence presque tranquillement et n'annonce rien.

Première leçon à ne jamais oublier : l'historien en tentant de rendre compte de l'événement et donc de l'expliquer donne toujours un peu l'impression qu'il eût été prévisible, que les signes avant-coureurs auraient été perceptibles ... Il n'en est rien. Tous ceux qui s'enorgueillissent en revêtant posture d'expert, de Cassandre ou de pythie ne sont jamais que d'aimables gloseurs. Bien sûr le jeu d'alliances contractées de part et d'autre était dangereux surtout dans ce contexte sulfureux des Balkans où la montée des nationalismes le disputait à la sénilité podagre de l'Empire austro-hongrois et de l'Empire Ottoman ; où la soldatesque prussienne avide de grandeur butait contre une France revancharde mais où après tout les intérêts économiques bien compris d'une Europe se développant à toute vitesse devaient logiquement la prémunir contre les affres et les dangers d'une guerre - c'est bien en tout cas ce qu'affirmèrent alors les experts de l'époque comme aujourd'hui.

Vanité des prétentions affairistes ...

Jaurès livre son dernier combat : il a reconnu en Poincaré un belliciste acharné ! Jaurès sait qu'en ces périodes charnières tout importe - les vanités politiques d'abord. Mais regardons-les ! Tous, à leur manière, fleurent bon le XIXe finissant même si les deux premiers trainent leur influence jusqu'à la fin des années vingt. Elégants souvent, col cassé ou empesé d'amidon en tout cas ; le poil arboré toujours, moustache toujours ; bouc fréquent et parfois la barbe ... visages d'autrefois à la fois si proches mais si lointains.

Poincaré Briand
Jaurès
Barthou

Mon grand-père a 17 ans et devait bien un peu s'ennuyer dans son Schirmeck natal, Son père avait bien un peu agité son monde en participant aux débats autour de la réforme constitutionnelle qui était supposée, mais sans aller trop loin, donner à l'Alsace un peu de cette autonomie qu'on lui refusait depuis 71 et qui avait fini par réveiller les velléités francophiles des plus réticents. Fils de petit notable local, destiné à prendre la succession de l'entreprise familiale, il commençait des études commerciales dont je jauge sans peine qu'elles ne le passionnaient pas. La guerre, en dépit de son, jeune âge, va bouleverser son parcours.

C'est la deuxième leçon : la guerre c'est toujours l'irruption de la grande histoire dans la petite - cette étonnante configuration où nul parcours individuel ne peut plus rester ni étranger ni même à l'écart du destin commun.

C'est cette croisée-ci qui nous engage encore nous qui peinons parfois à suive une actualité si désespérante qu'il prend l'envie parfois de la fuir, nous qui paressons à nous engager lors même que nous entrevoyons les nuées menaçantes ... Il est de ces moments où le choix n'existe plus, où l'engagement de la force entraine la force de l'engagement.

Nous n'en sommes pas loin ! Ils en étaient tout près ! Ils n'en surent rien ; nous ne l'anticipons pas mieux.