Il y a 100 ans ....
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Défaite .... victoire

Paix, guerre ; victoire, défaite ... En cette année 14, la gauche, au printemps, va gagner les élections ... mais y perdre la paix ; quatre années plus tard, le France sera victorieuse mais elle ratera la paix ... et la gauche y perdra les élections de 19. Alternance du qui perd, gagne ou plus exactement qui y gagne, de toute manière, perd.

Si l'on n'est pas surpris de trouver ce vocabulaire, plutôt guerrier dans la diplomatie, il envahira rapidement le registre électoral en même temps qu'il trônera, avec suffisance, dans le registre de l'économie avec la fallacieuse prétention d'avoir précisément inventé la parade qui remplaçât les corps à corps meurtriers. Ce que l'histoire aura montré être fallacieux, sot et hypocrite.

Le mot défaite est pourtant bien intéressant : il dit d'abord, et de manière négative, comme le verbe dont il est issu, l'action de se débarrasser de quelque chose ou quelqu'un ; voire de ramener quelque chose à son état initial. Défaite n'est pas seulement ne pas gagner, c'est surtout, en dessous, la destruction ... Défaite à cet égard n'est pas si différent que cela de révolution qui suggère le même retour, au terme du parcours, au point initial mais non sans que ceci provoquât désastres et destructions sur son passage.

Les grecs n'étaient décidément pas sots d'imaginer un retour du même : non qu'ils crussent jamais qu'il ne se passait rien, bien au contraire, mais qu'ils sentissent jusqu'aux tréfonds de leur morale, qu'y dominait le tragique qui dût empêcher qu'on tentât jamais de quérir plus que sa part. Vraie question métaphysique, évoquée ailleurs ; petit trouble politique et prodigieuse angoisse morale que d'imaginer que ce récit plein de bruit et de fureur ne soit finalement que l'écume superficielle d'une implacable inertie nous rivant au monde, nous enchaînant dans la caverne, nous ramenant sans cesse à nous ... à rien, à ce presque rien.

Si cette guerre fut une défaite c'est de s'être, à proprement parler, défaite de ses oripeaux dix-neuviémistes comme pelures d'oignon que l'on eût détachées une à une, mais en coups férissant pour se précipiter avec un empressement inconscient dans la métallique effervescence du XXe. Et de nous ramener à rien.

Si guerre et élections ont à voir - et ces derniers jours y font tristement penser - c'est en ceci également : une telle débauche d'énergie, de paroles, d'invectives et de palinodies pour dire l'agacement des uns devant l'impuissance des élites, l'inconscience des autres de le marquer en s'offrant aux pires souvenirs de notre histoire.

Les grecs, finalement, étaient malins d'avoir compris que toute élection impliquait exhaussement et donc aristocratie et qu'il n'est pas plus insupportable que de voir cette élite se détourner de vous et trahir, ou ne rien faire. Est-ce pour cela qu'ils crurent avec Platon et Aristote que la démocratie ne pouvait être que l'ulyime stade de dégénérescence de la cité ? En tout cas, eux, préférèrent le hasard, pour désigner les responsables : au moins ne dérogerait-on pas ainsi au principe d'égalité.

J'aime assez, que sur le moment, l'on parvienne à exacerber toutes les tensions avec ce doux rêve qu'une élection puisse jamais rien changer au point de s'offrir toutes les polémiques, invectives, insultes voire rixes ... pour constater finalement, quelques années après, que rien n'aura changé, ou bien que l'on aura même fait le contraire de ce que l'on annonça ! L'histoire est tragique et ses leçons ne se tirent jamais ... ou si peu !

La seule différence finalement - mais elle est de taille - ce sont les morts. Certes les guerres précipitent le mouvement et donnent l'impression d'un changement visible à l'oeil nu mais n'est pas plus maîtrisable pour autant.

La violence n'est jamais que l'illusion qu'on se plait à donner de pouvoir maîtriser les choses ! la politique celle qu'on ne prend même plus la peine de se donner !!!