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Quans l'aire bée aux quatre vents

 

Une année qui se clôt ; une autre qui commence. Ma première entrée fut l'an passé celle de ces gamins scrutant au travers des alvéoles d'une palissade ce qui pouvait bien y avoir de l'autre côté. La photo était de Brassaï.

Celle-ci est de Boubat.

A quel enfant n'a-t-on pas dit qu'ainsi coller son oreille sur un coquillage lui ferait entendre le roulis des vagues . ? Petit ou grand, échoué depuis longtemps sur le sable de la plage ou échoué sur un rocher comme un ornement gracieux, il garde, dit-on, mémoire des flots rugissants autant que de l'infime grondement de chaque vague qui fit tant Leibniz disserter. Magie des contes enfantins où il vous suffit de côtoyer un objet pour en porter la marque, d'apposer ses mains pour en revêtir les vertus. J'aime ce monde de signes et de signatures où tout renvoie à tout comme si les cieux avaient parsemé l'univers d'indices pour nous indiquer le chemin comme nous le ferons plus tard pour nos routes.

Il y a toujours un chemin, si étroit, escarpé ou ronceux soit-il, qui du local exhausse vers l'univers ; qui fissure les parois de silence derrière quoi s'enferment rêves, émotions.

Regardons-le : les yeux fermés, ce léger sourire qui ne dit pas la joie mais l'apaisement. Il n'écoute pas … il est ce délicieux roulement. Bien mécréant serait celui qui l'affirmerait n'entendre que son pouls régulier …

Non, à cet instant, il est, frêle esquif à la croisée de l'être où cet étrange métronome frôle de si près les vagues qu'il se confond avec elles. A cet endroit, ici, sur cette ligne, il est fusion incroyable où plus rien ne succède à rien, ni les secondes ni les jours, cette éclisse où s'éploie l'être.

Comme s'il priait. Comme s'il communiait.

Qui n'a rêvé, enfant ou même adulte s'il se sentait seulement courage de l'avouer, pouvoir ainsi percer les mystères ultimes ; écorner, rien qu'un petit peu, ces choses cachées depuis la fondation du monde ?

Tels sont pourtant les vœux qu'en ce jour nous formulons, à mi-chemin du simple souhait et de la promesse où nous engageons notre chemin. Ultimes esquilles des mystères antiques, ils reproduisent la formule magique où, à l'instar de la parole originaire, il eût suffi de parler pour que les choses advinssent. Nous regardons dans le trou de souris des temps comme si cela eût jamais suffi pour détourner le cours des fleuves et inverser l'implacable cliquetis des horloges.

Nous formulons nos souhaits mais ce n'est ni inutile ni seulement figure sociale de l'aménité.

Non ! nous découvrons, dans les replis de notre âme, la lumière si apaisée de ces yeux en prière ; d'une innocence perdue.

D'une candeur qui nous espère encore.