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Bruit de bottes

La tribune parait dans Valeurs Actuelles ce 21 avril et fait quelque bruit.

60 ans, exactement, après le putsch d'Alger … Faut-il y voir un hasard ? Sûrement non.

Ce sont toujours les mêmes arguments qui prévalent : au nom de la grandeur et de l'honneur de la Patrie, la dénonciation du délitement, de l'abaissement ; la faiblesse voire la complicité du pouvoir en place. S'y mêle néanmoins dénonciation de cet islamo-gauchisme qui n'est pas nommé mais est présumé responsable au nom de la décolonisation de fomenter une guerre raciale ! Voici pointés du doigt l'islamisme et les hordes de banlieue : hordes, le terme est finement choisi qui évoque tribus nomades et furieusement mongoles ressuscitant les grandes craintes devant ce qui paraît forme moderne des invasions barbares.

Évidemment les attentats divers et variés qui ne préservent ni les enseignants, ni les policiers ni en général toutes les pouvoirs constitués sont ici mobilisés comme preuves péremptoires d'un délitement qui atteint le cœur même de la Nation et devant quoi les autorités manqueraient soit de courage soit de conviction.

Le militaire qui en République, sert la Nation et demeure ainsi sous la responsabilité du pouvoir civil n'a pas d'autre choix quand il entreprend d'intervenir que de dénoncer soit le mensonge, soit le laxisme, soit la trahison du politique.

Appel à l'urgence, menace à peine voilée d'intervenir - ce qui signifie putsch ! au nom d'une guerre civile qui menacerait.

M le Pen soutient, on ne s'en étonnera pas : il faut dire que tout y est jusqu'à une référence implicite au grand remplacement.

J'hésite à considérer sérieux ce prurit géronto-maniaque. L'histoire ne se répète jamais ou alors sur le mode du ridicule - même si la date choisie et les auteurs tous plus ou moins à la retraite suggèrent un peu plus que l'aigreur de quelques badernes cacochymes. Ce pays a un désir inconscient de fascisme suggérait Roudinesco il y a quelques temps : le fonds de commerce du fascisme en tout cas est florissant : haine de l'autre, crainte du déclassement ; peur de l'avenir, repli sur la famille ; racisme latent mais de moins en moins ; brouillage idéologique et bouleversement des repères politiques traditionnels.

L'ironie demeure que le pouvoir, sous la pression à la fois des réformes constitutionnelles et des crises récentes, glisse insensiblement vers l'autocratie fût-elle élective : tous les contre-pouvoirs ont sauté et les grandes décisions ne se prennent même plus au Parlement pourtant largement acquis mais en Comité de Défense.

J'adore les tyranneaux de village. Qui bombent d'autant plus facilement le torse qu'ils sont malingres et que l'histoire les balaye rapidement. J'adore ces petits messieurs qui cèdent si facilement aux sirènes du pouvoir. Je n'ai jamais oublié l'incessant quadrille à quoi se prêtaient les généraux Alcazar et Tapioca dans la BD de mon enfance. Ces deux-là, se succédaient l'un l'autre à coups de force répétés comme s'il était là jeu bien plus passionnant que peuple ou réalité.

Mussolini de Carnaval : oui, il y a un peu de cela même si la chose ne prête pas tant que cela à sourire. Cette bouche haineuse, ce front bas, ces tirades incontinentes de mauvais théâtre si paresseusement postillonnées.

C'est la fanfaronnade qui prête à sourire parce qu'en réalité ce ne sont ici que petits médiocres se poussant du col. Mais qui dira jamais ce qui dans le pouvoir incite à tant d’âpreté ? qui dira la démesure ?

Ce qui m'inquiète ce ne sont pas les personnages. Derrière chacun de ces fanfarons, se terre inéluctablement un petit monsieur frustré et humilié. Qui a les deux pieds bien posés sur le sol n'a nul besoin de promontoire pour être admiré ni de tréteaux pour être entendu.

L'Alcazar d'Hergé, prompt à la révolution et aux fusillades expéditives finit comme tout le monde par faire la vaisselle ! Il n'y a pas de grand homme pour son valet de chambre dit-on : ce qui ici prête à sourire est simplement ce qui demeure d'humanité en celui qui confond grandeur et taille de ses talonnettes.

Non ! ce qui m'inquiète plus - que je retrouve jusque dans les pratiques professionnelles et managériales - tient à la perte du sens républicain le plus élémentaire pour qui il ne saurait être de pouvoir ni sans contre-pouvoir ni sans limites autant temporelles que de compétences. Nul ne s'insurge plus lorsque le chef, le manager, le président décide seul et tout le monde semble se contenter des avis donnés comme si consultation valait vote. Tout le monde paraît pouvoir s'accommoder de l'escroquerie communicationnelle ambiante du je vous entends, je comprends vos arguments et votre colère qui enrobe seulement la détermination à… ne rien changer du tout. La parole s'évide ; pas seulement dans les simagrées de conquête du pouvoir mais en son exercice même. Le dialogue n'est depuis longtemps plus une procédure du pouvoir ; au mieux un simulacre.

Comment ne pas songer à ce portrait cruel que Blum brosse de Laval :

Mais maintenant, à ma grande stupeur, je dévisageais un autre homme. Une morgue incroyable gonflait sa petite personne. Il lançait d'une voix sèche et avec un regard irrité des verdicts et des ordres sans réplique, «Je fais ... je veux ... je refuse ... c'est ainsi ... » Il s'essayait visiblement au personnage du despote et croyait tenir la France dans sa main. Sa manière avait quelque chose de bouffon, tant elle jurait avec la laideur mesquine, bizarre et presque repoussante de sa personne, mais elle avait aussi quelque chose d'effrayant. Il était difficile de la prendre tout à fait au sérieux, mais on pouvait la prendre au tragique. Ce qui me frappait surtout, c'était l'âcre méchanceté qu'exhalaient tous ses gestes, toutes ses paroles.

Non ! ce qui m'inquiète le plus c'est l'impossibilité décente de renvoyer ces Mussolini de Carnaval à leurs atrabilaires ratiocinations d'EHPAD : leur morgue n'est jamais que la forme soldatesque et donc ponctuée de quelque cliquetis d'armes de l'autorité douceâtre, fielleuse et mielleuse qu'instille la pédanterie technolâtre de nos politiques empêtrés de certitudes et d'énarchie.

Entre Laval et cette servitude réglée, douce et paisible où Tocqueville redoutait la perversion toujours menaçante de la souveraineté du peuple, il n'est en fin de compte pas tant de différence qu'on aimerait l'espérer. Mais, après tout, il n'est sans doute de tyrans que parce qu'il y a devant eux des peuples prompts à s'avilir aux premières tempêtes levées.

Je regarde cette photo de Tocqueville prise par Nadar ; d'un Tocqueville vieilli, usé comme lassé dont la moue discrètement ironique parvient à peine à faire oublier ces yeux mi-clos semblant renoncer à plus rien espérer du monde. Comme lui, je le devine, je suis las.

Las d'entendre ces haines recuites , ce racisme sans honte et bravache, ces sottises nationalistes. Rien décidément ne change et tout semble retourner au même. Rien n'a servi à rien et surtout pas d'exemple.

Qu'il en faut parfois d'obstination pour demeurer humaniste !

 

 


Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs du gouvernement,
Mesdames, Messieurs les parlementaires,

L’heure est grave, la France est en péril, plusieurs dangers mortels la menacent. Nous qui, même à la retraite, restons des soldats de France, ne pouvons, dans les circonstances actuelles, demeurer indifférents au sort de notre beau pays.

Nos drapeaux tricolores ne sont pas simplement un morceau d’étoffe, ils symbolisent la tradition, à travers les âges, de ceux qui, quelles que soient leurs couleurs de peau ou leurs confessions, ont servi la France et ont donné leur vie pour elle. Sur ces drapeaux, nous trouvons en lettres d’or les mots « Honneur et Patrie ». Or, notre honneur aujourd’hui tient dans la dénonciation du délitement qui frappe notre patrie.

– Délitement qui, à travers un certain antiracisme, s’affiche dans un seul but : créer sur notre sol un mal-être, voire une haine entre les communautés. Aujourd’hui, certains parlent de racialisme, d’indigénisme et de théories décoloniales, mais à travers ces termes c’est la guerre raciale que veulent ces partisans haineux et fanatiques. Ils méprisent notre pays, ses traditions, sa culture, et veulent le voir se dissoudre en lui arrachant son passé et son histoire. Ainsi s’en prennent-ils, par le biais de statues, à d’anciennes gloires militaires et civiles en analysant des propos vieux de plusieurs siècles.

– Délitement qui, avec l’islamisme et les hordes de banlieue, entraîne le détachement de multiples parcelles de la nation pour les transformer en territoires soumis à des dogmes contraires à notre constitution. Or, chaque Français, quelle que soit sa croyance ou sa non-croyance, est partout chez lui dans l’Hexagone ; il ne peut et ne doit exister aucune ville, aucun quartier où les lois de la République ne s’appliquent pas.

– Délitement, car la haine prend le pas sur la fraternité lors de manifestations où le pouvoir utilise les forces de l’ordre comme agents supplétifs et boucs émissaires face à des Français en gilets jaunes exprimant leurs désespoirs. Ceci alors que des individus infiltrés et encagoulés saccagent des commerces et menacent ces mêmes forces de l’ordre. Pourtant, ces dernières ne font qu’appliquer les directives, parfois contradictoires, données par vous, gouvernants.

Les périls montent, la violence s’accroît de jour en jour. Qui aurait prédit il y a dix ans qu’un professeur serait un jour décapité à la sortie de son collège ? Or, nous, serviteurs de la Nation, qui avons toujours été prêts à mettre notre peau au bout de notre engagement – comme l’exigeait notre état militaire, ne pouvons être devant de tels agissements des spectateurs passifs.

Aussi, ceux qui dirigent notre pays doivent impérativement trouver le courage nécessaire à l’éradication de ces dangers. Pour cela, il suffit souvent d’appliquer sans faiblesse des lois qui existent déjà. N’oubliez pas que, comme nous, une grande majorité de nos concitoyens est excédée par vos louvoiements et vos silences coupables.

Comme le disait le cardinal Mercier, primat de Belgique : « Quand la prudence est partout, le courage n’est nulle part. » Alors, Mesdames, Messieurs, assez d’atermoiements, l’heure est grave, le travail est colossal ; ne perdez pas de temps et sachez que nous sommes disposés à soutenir les politiques qui prendront en considération la sauvegarde de la nation.

Par contre, si rien n’est entrepris, le laxisme continuera à se répandre inexorablement dans la société, provoquant au final une explosion et l’intervention de nos camarades d’active dans une mission périlleuse de protection de nos valeurs civilisationnelles et de sauvegarde de nos compatriotes sur le territoire national.

On le voit, il n’est plus temps de tergiverser, sinon, demain la guerre civile mettra un terme à ce chaos croissant, et les morts, dont vous porterez la responsabilité, se compteront par milliers.

Les généraux signataires :

Général de Corps d’Armée (ER) Christian PIQUEMAL (Légion Étrangère), général de Corps d’Armée (2S) Gilles BARRIE (Infanterie), général de Division (2S) François GAUBERT ancien Gouverneur militaire de Lille, général de Division (2S) Emmanuel de RICHOUFFTZ (Infanterie), général de Division (2S) Michel JOSLIN DE NORAY (Troupes de Marine), général de Brigade (2S) André COUSTOU (Infanterie), général de Brigade (2S) Philippe DESROUSSEAUX de MEDRANO (Train), général de Brigade Aérienne (2S) Antoine MARTINEZ (Armée de l’air), général de Brigade Aérienne (2S) Daniel GROSMAIRE (Armée de l’air), général de Brigade (2S) Robert JEANNEROD (Cavalerie), général de Brigade (2S) Pierre Dominique AIGUEPERSE (Infanterie), général de Brigade (2S) Roland DUBOIS (Transmissions), général de Brigade (2S) Dominique DELAWARDE (Infanterie), général de Brigade (2S) Jean Claude GROLIER (Artillerie), général de Brigade (2S) Norbert de CACQUERAY (Direction Générale de l’Armement), général de Brigade (2S) Roger PRIGENT (ALAT),  général de Brigade (2S) Alfred LEBRETON (CAT), médecin Général (2S) Guy DURAND (Service de Santé des Armées), contre-amiral (2S) Gérard BALASTRE (Marine Nationale).