index précédent suivant

 

 

Hyper … le retour

J'évoquais il y a peu la pente ravageuse du pouvoir. Je ne pensais pas tant alors au pouvoir politique : ceci me rappelle qu'il n'y fait jamais exception.

Qui rappelle trois choses :

Médiocre analyse pourtant que celle de ces journalistes. L'esprit de la Ve n'a jamais été en cette hyper-présidence. Dans le primat de l'exécutif, certes, mais certainement pas dans cette égolâtrique monomanie. Le septennat garantissait qu'au moins une élection pouvait en interrompre ou au moins en modifier le cours ; le recours au référendum aura été au début manière de remettre en jeu sa légitimité. Plus rien de ceci ne subsiste : la concomitance des présidentielles et législatives fait que plus aucun contre-pouvoir sinon celui de la rue ne peut se manifester. Au péril de toutes les outrances, de tous les abus ; de tous les débordements.

Ce régime ne marche décidément plus que sur une patte !

Mais il illustre aussi l'impasse où il éconduit les prétendants. Que faire si, comme il est prévisible, les municipales se soldent par un échec éclatant ? En réalité Macron ne peut pas reculer, est condamné à avancer dans la même direction, en dépit de ses vaines dénégations, qui l'a mené à l'écueil.

Où, quand l'hyper-pouvoir se conjugue avec impuissance notoire. Et surdité aveuglante.

Ce n’est malheureusement pas une comédie ; pas même une tragédie ; seulement une médiocre pantalonnade de boulevard.

 

 

 

 


Emmanuel Macron veut renouer avec son « hyperprésidence »

Par Cédric Pietralunga, Alexandre Lemarié et Olivier Faye 

Le chef de l’Etat, qui prépare le remaniement attendu dans la foulée des municipales, entend être seul à la manœuvre pour la dernière ligne droite de son quinquennat avant la présidentielle de 2022.

 

 

Emmanuel Macron, à l’Elysée, le 4 mai.Emmanuel Macron, à l’Elysée, le 4 mai. Gonzalo Fuentes / REUTERS

Le « nouveau chemin » qu’Emmanuel Macron compte emprunter pour la fin de son mandat ne sera peut-être pas tant affaire de changement de ligne que de réaffirmation d’une méthode : celle de « l’hyperprésidence » des débuts. Après avoir envoyé au front son premier ministre, Edouard Philippe, tout au long du débat sur les retraites, puis au cours de la crise due au coronavirus, le chef de l’Etat a l’intention, selon ses proches, de retrouver sa prééminence.

C’est en tout cas ainsi qu’il faudrait entendre le sens de son allocution télévisée du 14 juin, où le « je » a régné en majesté sur des sujets comme la relance économique, l’Europe ou la décentralisation. Avec en ligne de mire le rendez-vous de juillet, où le locataire de l’Elysée doit exposer sa vision des deux années à venir. Ses proches décrivent un chef de l’Etat désireux d’être « à la manœuvre » et « les mains dans le cambouis », préparant le remaniement gouvernemental dans la foulée des élections municipales, pour la dernière ligne droite de son quinquennat jusqu’à la présidentielle de 2022.

Lutte feutrée

« Le président a la volonté, dans les deux prochaines années, de gouverner lui-même. Il veut être maître de son destin et de sa réélection », affirme son entourage, en estimant que la prise de parole à venir du chef de l’Etat équivaudra à une déclaration de politique générale, ce qui est normalement du ressort du premier ministre… En 2019, M. Macron avait renoncé à sa promesse de venir s’exprimer devant le Congrès chaque année, laissant M. Philippe prendre la parole devant les députés. Cette époque semble révolue. « C’est dans sa nature, observe le patron des sénateurs La République en marche (LRM), François Patriat. Emmanuel Macron aime être présent sur tous les dossiers et tient à être informé sans cesse. » Tout sauf un hasard, donc, si les annonces sur le chômage partiel ont été faites depuis l’Elysée, mercredi.

Cette volonté s’exprime alors qu’une lutte feutrée s’est installée depuis quelques jours entre l’Elysée et Matignon sur l’orientation à venir du quinquennat. « [Emmanuel Macron] sait qui je suis, ce que j’incarne, ce que je peux faire et ce que je ne peux pas faire », a prévenu Edouard Philippe, le 16 juin, dans les colonnes de Paris-Normandie. En clair, pas question pour lui de rester à Matignon au lendemain des municipales pour conduire un virage social, ou acter un tournant du laxisme budgétaire. « Si tu veux faire 1983 à l’envers [année du tournant de la rigueur de François Mitterrand], tu prends Pierre Mauroy », prévient un proche du premier ministre.

Une sortie qui a été mal perçue à l’Elysée, interprétée comme une manière de « mettre la pression sur les épaules du président ». « Dire qu’il ne peut pas faire plus qu’aujourd’hui, alors qu’on a besoin d’un premier ministre qui anime davantage la majorité et l’équipe gouvernementale, c’est curieux comme offre de service », souligne un membre du premier cercle. Comme si le chef du gouvernement posait ses conditions pour poursuivre son bail à Matignon. En particulier sur la réforme des retraites, en plaidant pour le maintien d’une mesure permettant d’assurer l’équilibre financier du système, alors que le président est surtout soucieux de faire adopter son projet de réforme à points d’ici à 2022. « La réforme des retraites, on ne peut pas s’en passer. On va la faire, mais apaisée », a assuré le chef de l’Etat, mardi, lors d’un déjeuner avec les sénateurs.

« Récolter le gain politique »

Le hic ? Tout ou partie de la majorité pousse pour qu’un virage social soit amorcé pour la dernière partie du mandat d’Emmanuel Macron. « Le mantra libérer-protéger de la première moitié de quinquennat doit être complété par la mise en valeur d’un projet collectif sur l’environnement, la santé, l’éducation, en assumant des investissements forts financés par la dette », estime Stanislas Guerini, le délégué général de LRM. « Si les déclarations du premier ministre devaient être interprétées comme un “je ne bougerai sur rien”, ce serait problématique, abonde un cadre du parti présidentiel. Le premier ministre a traversé la crise de façon solide, mais on ne peut pas faire l’impasse d’un débat sur la méthode et le projet. » « On dirait que Philippe dit : “Tout le monde doit se réinventer, sauf moi” », grogne un député macroniste.

Cette passe d’armes agace parmi les soutiens de la première heure du chef de l’Etat, pour beaucoup issus du Parti socialiste, qui ne digèrent pas que les sondages soient favorables à M. Philippe plutôt qu’au « grand chef ». Un écart vécu comme « une injustice absolue ». A entendre ses interlocuteurs, le président aurait lui aussi envie de « récolter le gain politique », après avoir eu de « bonnes intuitions » sur la stratégie de déconfinement. Cette tension au sommet de l’Etat n’est pas sans rappeler l’époque du quinquennat de Nicolas Sarkozy, quand ce dernier ne supportait pas de voir son premier ministre, François Fillon, le devancer dans les sondages…

Soulignant que le président de la République sera le seul à être « jugé à la fin », les macronistes estiment que leur champion, présenté comme « intuitif » et « transformateur », doit mener son quinquennat comme il l’entend, sans être « corseté » dans ses initiatives par le chef du gouvernement, conseiller d’Etat de formation, jugé « conservateur » et « gestionnaire ». Pour justifier leur démonstration, ces « marcheurs » rappellent que M. Philippe a souvent fait preuve d’une « prudence excessive » dans les moments-clés du quinquennat, contre la volonté de M. Macron qui s’est retrouvé « seul » à assumer plusieurs décisions.

Emmanuel Macron et Edouard Philippe lors de leur rencontre avec les partenaires sociaux à l’Elysée, le 24 juin.Emmanuel Macron et Edouard Philippe lors de leur rencontre avec les partenaires sociaux à l’Elysée, le 24 juin. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE POUR « LE MONDE »

L’esprit et la lettre de la Ve République

En témoignent leurs divergences sur les 80 km/h, la réforme des retraites avec la question de l’âge pivot, lorsqu’il a fallu sortir le carnet de chèques pour apaiser la colère des « gilets jaunes », trancher sur le report ou non du premier tour des élections municipales, ou encore sur la date de début du déconfinement, fixée par le chef de l’Etat au 11 mai. « Si le président avait suivi le conseil scientifique et le premier ministre, le déconfinement aurait été trop long », rappelle un ministre, qui compte parmi les rivaux d’Edouard Philippe pour prendre sa suite à Matignon.

Cette période serait révolue. Emmanuel Macron entend donc être en première ligne, avec un premier ministre chef de la majorité, comme l’entendent l’esprit et la lettre institutionnels de la Ve République. Comme s’il s’agissait de faire comprendre à M. Philippe qu’il devra s’effacer en cas de maintien. Et que l’un décide, et que l’autre doit exécuter sans discuter.

Une hostilité à l’égard d’Edouard Philippe que l’ancienne Juppéie tente de contrer en rappelant l’utilité que leur champion peut avoir pour le chef de l’Etat. « Il faut protéger le président. (…) Il faut qu’il y ait un premier ministre qui soit un peu le protecteur », a estimé l’ex-chef de gouvernement Jean-Pierre Raffarin, proche de Matignon, lundi, sur Franceinfo. Pas dupe du rapport de force instauré par les macronistes, un soutien de M. Philippe lance même une mise en garde : « Le premier ministre est renforcé, il ne va pas se contenter d’inaugurer les chrysanthèmes ! » De la difficulté d’avoir deux têtes de l’exécutif souhaitant chacune exercer le pouvoir.