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Billebaude idéologique

Autant en emporte le vent retiré du catalogue HBO ; une statue déboulonnée à Bristol, celle de Léopold de Belgique copieusement tagée, tout ceci sur fond de protestation contre les violences policières toutes perpétrées sur indéniable fond de racisme. Suite de la mort de George Floyd aux USA et des mouvements de protestation qui s'ensuivent. En France la relance de l'Affaire Traoré et les affirmations que le jeune homme serait mort des suites d'un contrôle au faciès.

Sale affaire. Sale période.

Invraisemblable embrouillamini. D'autant que lors de la manifestation du 13 juin à la République on a entendu des Sales juifs intempestifs. Et Génération identitaire, groupe d'extrême-droite, d'évidemment stigmatiser le racisme latent de l'anti-racisme institutionnel ; et Mélenchon de protester. Il n'en faut pas moins pour que reprenne le feu. Et le bon sens d'y perdre encore plus ses marques.

La confusion ne sert personne mais révèle la tension de cette époque étrange où demeurent à la manœuvre tous ceux qui escomptent profiter de la fragilité du pouvoir pour prendre leur revanche.

Le mouvement est bien international ; il n'a pourtant pas la même dimension ici et là.

Je ne sais pas si le racisme est un virus comme l'affirma un écrivain connu ; mais la petite haine ordinaire nourrie de bêtise endémique, à coup sûr est contagieuse.

 

Et revoici le temps des assassins, des fous de Dieu, des inquisiteurs et des censeurs

Les temps de colère ne sont jamais propices à la clarté …tentons quand même.

En rappelant d'abord qu'il n'est évidemment pas question de nier l'existence de violences policières, toujours possibles, d'autant plus fréquentes que la période est sous tension ; mais pas plus acceptables pour autant. Force de l'ordre dit l'essentiel : détentrice avec l'armée de la force publique et de la possibilité de l'exercer. C'est bien pour cela qu'elle doit être exemplaire et, en régime démocratique, aux ordres de la puissance politique. On peut comprendre, pour ce qui concerne la France, que police et gendarmerie très sollicitées depuis un an entre les Gilets Jaunes, les grèves contre la réforme des retraites et le confinement, aient été à la peine sans doute plus que d'ordinaire, épuisées sûrement. D'où des débordements, des excès, des erreurs et parfois des fautes.

Explication pas justification.

Que les violences policières révèlent souvent une dimension raciste est vraisemblable. Je ne vois néanmoins pas pourquoi les policiers seraient moins racistes que l'ensemble de la population ; ils ont simplement plus qu'elle l'opportunité de passer à l'acte et ainsi de rendre ce racisme plus visible, plus intolérable encore. Ils nous ressemblent ainsi qu'à notre tendance funeste à concentrer notre ire et nos angoisses sur un ennemi putatif, visible, clairement représentable. Que ce racisme ait en plus un volet colonialiste est possible ; pas certain et, surtout, doit être soupesé, pays par pays, , époque par époque. Il en va de même pour l'esclavage : inutile de nier son existence. Il atteste d'ailleurs que dans certains cas, le racisme peut prendre des allures presque bienveillantes : les boys dans les colonies du sud-est asiatique voire dans les plantations africaines n'étaient pas tous maltraités ; il n'en étaient pas moins esclaves. Ce racisme soft, presque inconscient, qui prend la mesure de l'évidence, n'en est pas plus admissible pour autant. Est souvent plus pernicieux encore. Il atteste en outre que bien plus que le bon sens, le racisme est la chose du monde la mieux partagée ; que s'il est incontestable que la culture européenne l'a pratiqua sans vergogne, ceux qui en étaient victimes n'en était pas pour autant vierges. C'est bien ici ce qui interdit tout manichéisme oiseux : la victime du racisme l'est souvent tout autant que son agresseur. Ils se ressemblent

Mais quoi ? Que cherche-t-on ?

L'histoire a eu lieu. Nul ne peut la refaire ! Nul au reste n'est exempt de souillures, de fautes, de crimes. Faut-il condamner toute la culture occidentale parce qu'elle a été - est encore en partie - raciste ou ostraciste ? Mais alors il faudrait aussi condamner la culture orientale, l'Islam en particulier, qui n'a pas plus que l'Occident, lésiné sur l'usage des esclaves dans les plantations notamment de coton ; ni hésité à se servir en Afrique pour en nourrir le flux.

Mais quoi que veut-on ?

Effacer toute trace de ce passé peu reluisant ? Outre que c'est impossible, ce serait aussi contre-productif : cherche-t-on en dénonçant racisme, esclavage etc à les bien comprendre et dénoncer pour que demain ils ne se reproduisent pas mais comment le faire si ce n'est à partir des exemples antérieurs ? Veut-on mettre l'accent sur leurs formes modernes, souvent insidieuses, parfois même pas mais comment le faire sinon à partir de faits concrets, explicites, explicités ? Ce qui de toute manière passera par l'éducation plutôt que ces invecives rageuses ou ces tentatives oiseuses de culpabilisation collective.

Éradiquer dans les âmes ces pulsions qui poussent individus comme collectivités ? C'est là que le bât blesse ; que débutent les confusions. Que recommence le temps des assassins, des fous de Dieu, des inquisiteurs et des censeurs

Il n'est pas de culture qui ne suscitât ses ultras ! Les assassins furent bien un groupe sectaire et mystique qui finit par vouloir éliminer tout ce qui, de souillure ordinaire, rompait l'harmonie pieuse souhaitée. Les différentes croisades populaires - dont notamment la première dite Croisade des pauvres - se sont toutes accompagnées de massacres de Juifs : après tout, délivrer le tombeau du Christ de l'emprise des infidèles ne pouvait pas ne pas inclure de lutter contre ces autres infidèles, déicides de surcroît, qui se trouvaient sur le chemin ! Faudrait-il condamner d'un bloc le christianisme médiéval sous le prétexte de ces massacres et la théologie pour avoir défendu la théorie d'un peuple déicide ?

Il n'est pas une cathédrale qui ne comportât une représentation de la Synagogue - souvent les yeux bandés, puisque aveugle resta le peuple juif à l'avènement du Messie ! Faudrait-il détruire toutes les cathédrales sous l'argument qu'elles portassent symboles antisémites ?

Faudrait-il censurer et pourquoi pas brûler les ouvrages de Céline, bien sûr, mais de Rebatet, Brasillach ou Drieu la Rochelle sous l'argument qu'ils fussent antisémites ? Et tous ces auteurs du XIXe qui le furent, épousant les préjugés de leur temps ? Cesser d'écouter G de Machaut pour avoir dénoncé le peuple juif, responsable selon lui de la peste brune ? Wagner pour avoir été furieusement antisémite ? Condamner Luther pour avoir été lui aussi antisémite ? Hergé pour ses premiers albums ? Ou tel ou tel super-héros manifestement macho ?

La liste est longue ! Si longue !

Ceci est stupide et dangereux !

Derrière tous ces donneurs de leçons, il y a en réalité de bien hargneux, haineux et stupides ostracismes qui succombent à l'horreur qu'ils dénoncent ou ne visant qu'à substituer à une suprématie leur propre hégémonie :

Réalisent-ils tous ces indignés patentés, qui versent aisément dans cette caricature d'eux-mêmes que leurs ennemis s'empresseront de dénoncer, réalisent-ils ces révoltés indolents de la vingt-cinquième heure qu'ils font, non pas nécessairement le lit de l'extrême droite mais celui des victoires à l'emporte-pièce où les y'a qu'à le disputent au faut qu'on où le simplisme affligeant des colères du samedi matin débouchent inexorablement sur des démagogies plus putrides encore que les mots d'ordre clientélistes habituels. Réalisent-ils que les suffrages, demain, iront au plus simple ; au plus haineux ?

Les rêves de pureté s'achèvent toujours dans quelque crématoire …

Le corps social est à ce point hérissé de colères que plus rien ne passe ; qu'il n'entend plus rien ni ne parvient à rien entendre. Mais céder lâchement aux saillies populaires en écornant les œuvres culturelles, artistiques, est porte ouverte bien inquiétante.

On aurait pu espérer que les intellectuels fussent du bon côté et modèrent ces transports de haine et de rancœurs. Pas même. Qui paraissent même souffler sur les braises.

Décidément !

Reste ce regard décalé qu'on peut toujours porter : nos œuvres s'inscrivent aussi dans le temps. Qui peut être culturel autant que politique. Les statues se déboulonnent ainsi. Combien en a-t-on ainsi déboulonné de Staline voire Lénine après 1989 ? Je me souviens même de cette délicieuse photo de Strasbourg en novembre 1918 où pour marquer le retour à la France, on déboulonna la statue de Guillaume sans que personne n'y trouva à redire. C'est que les statues ne sont pas toujours des œuvres d'art. Sic transit gloria mundi !

Reste que la manière dont on considére un objet comme une œuvre ou non, dépend elle aussi du regard que l'on porte qur la culture qui l'a rendue possible. C'est bien le sens de ce documentaire signé conjointement par C Marker et A Resnais : Les statues meurent aussi

Tourné en 1953, dans les ultimes années de la colonisation donc, elles montrent que l'approche de l'art nègre est étroitement déterminé par l'estime qu'on porte ou non à l'Afrique et aux Africains.

Ce que dans nos œuvres nous traduisons de l'autre, des autres, de leurs cultures en dit sans doute plus sur nous que sur eux. Ce que dans leurs œuvrees nous daignons reconnaître, voir ou comprendre en dit évidemment tellement sur l'estime que nous leur portons. Au même titre que pour le visage et le diualogue, je puis dénier toute estime mais alors ni regard ni dialogue n'ont lieu ; ou alors l'entreprendre ce qui implique que même à distance je mets l'autre à élage portée que moi.

Alors oui, bien sûr, telle statue, tel roman, telle peinture dit au moins autant sur le monde intérieur de l'artiste que sur l'horizon où il se meut et l'époque où il s'exprime.

Un roman peut être bon ou mauvais ; il reste un roman. Ou ne l'a jamais été.

Ce documentaire illustre combien la mésestime de l'Afrique aboutit quasiment à dénier toute qualité artistique à l'expression africaine. Soit ! Mais quoi imagine-t-on que l'on échappe jamais à l'horizon et aux préjugés de la société de son temps ? S'estime-t-on à ce point lucide et sagace pour ne point tomber dans les pièges des préjugés et des truismes. Soyons sérieux. Ce qui reste en jeu c'est notre capacité à y voir l'expression dune sensibilité ou pensée humaine.

Sinon quelque soit celui qui alors juge, biffe, censure, ironise c'est un imbécile acrimonieux.

 


 


 

« Autant en emporte le vent » retiré du catalogue de HBO Max pour ses « préjugés racistes »

La plate-forme prévoit de remettre le film en ligne, mais avec une contextualisation pour resituer l’œuvre dans son époque.

Le Monde  Publié le 10 juin 2020

 

Qualifié par des historiens de révisionniste, le film de Victor Fleming sorti en 1939 a été retiré de la plate-forme de streaming HBO Max, en plein mouvement de protestation contre le racisme et les violences policières aux Etats-Unis.

Inspiré du livre de la romancière américaine Margaret Mitchell Autant en emporte le vent, publié en français en 1939, la même année que la sortie du film aux 10 Oscars, et qui paraît jeudi pour la première fois dans une nouvelle traduction aux éditions Gallmeister, le long-métrage fleuve (3 h 58) est considéré par de nombreux universitaires comme l’instrument le plus ambitieux et efficace du révisionnisme sudiste.

Il présente une version romantique du Sud et une vision très édulcorée de l’esclavage, avec notamment du personnel de maison dépeint comme satisfait de son sort et traité comme des employés ordinaires. Pour la plate-forme du groupe WarnerMedia lancée à la fin de mai, maintenir ce film dans son catalogue « sans explication et dénonciation de cette représentation aurait été irresponsable ».

Cette réinterprétation d’une période sombre de l’histoire américaine est l’œuvre de mouvements très organisés dans les anciens Etats confédérés, qui se sont attachés à montrer le Sud d’avant la guerre de Sécession sous un jour présentable. Point fondamental, l’idéologie de la « Lost Cause » (cause perdue) soutenait que les Etats du Sud s’étaient battus pour leur indépendance politique, menacée par le Nord, et non pour le maintien de l’esclavage, ce qui est une contre-vérité historique.

« Produit de son époque »

« Autant en emporte le vent est le produit de son époque et dépeint des préjugés racistes qui étaient communs dans la société américaine », a commenté mardi un porte-parole de HBO Max pour expliquer le retrait du long-métrage.

La plate-forme prévoit de remettre le film en ligne, mais avec une contextualisation pour resituer l’œuvre dans son époque. Le film sera, lui, présenté dans son intégralité, car procéder autrement reviendrait à « faire comme si ces préjugés n’avaient jamais existé », a argué le porte-parole. HBO Max se pose en concurrent des géants du streaming, en premier lieu Netflix, avec un catalogue très fourni en séries et films. Le film est toujours accessible sur d’autres plates-formes, notamment à la location sur Amazon.

Si en chiffres bruts, Avengers : Endgame est le film qui a rapporté le plus de recettes de l’histoire du cinéma, avec 2,8 milliards de dollars, Gone with the Wind, le titre américain d’Autant en emporte le vent, reste en tête une fois prise en compte l’inflation, avec 3,44 milliards de dollars.