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Convention

On voit bien l'intention de la jeune ex-député en semi rupture de ban par rapport au clan familial : elle est cousue de fil blanc. Cette convention - dite de la droite - vise à briser le scénario déjà écrit d'une défaite en 2022 : pas plus qu'en 2017, l'extrême-droite n'a de chance de l'emporter sans au moins une partie de la droite classique dont les votes sont préemptés par le brouillage complet du paysage politique habituel. Macron n'a rien d'autre à faire qu'exciter l'extrême-droite et à finir de laminer la droite traditionnelle - car pour la gauche c'est déjà largement fait ; qu'à faire croire - c'est déjà le mot d'ordre des municipales - entre nous et le RN, il n'y a rien - pour se garantir une victoire au 2e tour escomptant que, quoiqu'il arrive, en dépit des déceptions et des renoncements, il y aura toujours une frange de la gauche et de la droite républicaine qui votera contre l'extrême-droite. Certes, dans des circonstances analogues, Chirac en 2002 réunira 80 % des voix quand Macron ne rassemblera que 66% … mais la marche est encore haute.

La jeune femme a tiré depuis longtemps la conclusion que sa tante n'était pas armée - et peut-être ne le désirait pas véritablement - pour réaliser cette jonction, pourtant indispensable faite d'irrésistible échec électoral, avec la droite classique - quand son propre profil - moins droite fasciste et plus catho tradi - s'y prêterait mieux. [1] Voici donc réunis en ce cénacle, le petit cercle rance d'une extrême-droite confite par des décennies de frustration ayant peu ou prou digéré puis assumé la honte de la collaboration mais la fierté étiolée du vichysme où l'on grenouille à qui mieux-mieux pour se donner de l'air, de l'importance.

On en rirait presque si on ne se souvenait qu'en 33 déjà, rien n'eût été possible sans la complicité plus ou moins aveugle, mais assurément intéressée puis la lâcheté rarement démentie d'un von Papen ; si un Kurz n'avait pas fait la courte échelle à un Strache heureusement empêtré dans les scandale de l'Ibizagate ou enfin qu'un G Conte ne se fût si longtemps appuyé sur l'encombrant M Salvini au risque, esquivé presque par miracle cet été, d'être éliminé par ce dernier. Sans même tenir compte d'Orban en Hongrie ; ou de Kaczyński en Pologne …

On en rirait presque si, à chaque fois, l'extrême-droite n'avait été capable de surgir brusquement du bois et de se hisser de groupuscule fétide à parti au pouvoir sans qu'on y ait toujours vu le danger à temps. Je n'oublierai jamais la leçon européenne : la droite extrême toujours arrive au pouvoir à la faveur de graves crises - nous y sommes - toujours à la faveur de coalitions suspectes, jamais de coups d’État.

Convention : tout est dans le mot qui est politiquement sur-investi. C'est celui du régime de Robespierre. Et, pour ce bord-ci de la terreur, voire du terrorisme d’État. C'est bien ceci que l'on pourra observer.

Pour avancer l'extrême-droite use des concepts et des postures de l'adversaire.

Ainsi du discours inaugural de Zemmour.

Presque vautré, il commence son discours par une figure rhétorique presque habile sur l'air de : qu'est ce que je fais là ? tout ceci est inutile ! vous croyez que vous aller échapper au second tour Marine/Macron ? Vous n'êtes pas sérieux ? avant de poursuivre d'un presque condescendant puisque je suis là et qu'il y a tant de monde je vais essayer de vous aider pourtant.

Et le voici alors, déversant sa bile coutumière anti-progrès - comment ne pas songer aux anti-Lumières de Sternhell ? - avant d'avancer sa thèse principale : la tentative d'extermination de l'homme blanc hétéro-sexuel catholique.

1e étape : la remise en cause du progressisme qu'il qualifie de religion ! Sous-entendre qu'à tout prendre si religion il faut, quel intérêt d'abandonner le catholicisme ? Défini comme un matérialisme divinisé ; un millénarisme qui fait de l'individu un dieu et de ses volontés jusqu'aux caprices un droit sacré divin

2e étape : la remise en question de l'individu - pourtant clairement porté par le christianisme ; tout ce qui pourrait ici fragiliser le groupe, l'appartenance au groupe est évidemment honni.

3e étape : la remise en question des moyens modernes de l’État comme de la communication comme une vaste entreprise tyrannique de propagande et de domination où juges sont devenus les complices ou le bras armé de tous ceux qui rackettent la majorité autrefois silencieuse et aujourd'hui tétanisée

4e étape : la mise en évidence du rôle des minorités diverses devenus les idiots utiles d'une guerre d'extermination de l'homme blanc hétérosexuel

 

A vomir ! Ragoût si peu digeste que même la société des journalistes du Figaro - pourtant peu connu pour ses opinions gauchistes - se désolidarise des propos de Zemmour et demande à la direction de se prononcer sur son cas :

« La SDJ s’interroge sur la position, fort commode, de rentier de la polémique qui est la sienne : salarié du Figaro, il se lâche à l’extérieur sans retenue, arguant du fait que cela ne regarde pas ses employeurs et collègues de travail. Les journalistes du Figaro, dans leur immense majorité, ne veulent pas être associés à ses provocations. La SDJ demande instamment à la direction de la rédaction de mettre un terme à cette situation ambiguë. »

J'avoue m'interroger sur l'individu : je sais bien qu'il y a des imbéciles partout ; des pisse la haine et des salauds dans toutes les corporations. Je sais bien qu'il y a, même en Israël, des partis et des prises de position détestables tant elles fleurent son fascisme. Dans mon immense naïveté, j'avais toujours espéré qu'un juif, au moins, s'abstiendrait, au nom de l'histoire, de tomber dans les pièges les plus grossiers ; les ressentiments les plus glauques … Les origines de Zemmour ne lui ont pas épargné l'outrance haineuse de ses propos à moins qu'une honte diffuse ou une détestation morbide de soi ne les explique.

J'aimerais comprendre ; n'y parviens pas. Ou que trop ! Mais utiliser l'expression extermination pour désigner l'atteinte présumée à la dignité de l'homme blanc n'est ni anodin ni innocent. Outre qu'il est parfaitement ridicule de faire de l'homme blanc la victime de sa propre histoire, outre que les fantasmes de virilité qui lui font mettre dans le même sac de détestation l'islam, le féminisme, le droit à la différence etc, évoquer l'extermination pour expliquer la théorie du grand remplacement est à la fois odieux et injurieux.

Ce qui ressort, en filigrane, de ce discours, c'est en tout cas la reprise des clichés du maurrassisme - détestation de l'individu, de la liberté de conscience - joints à une haine, le mot n'est pas trop fort, de tout ce qui ressemble de près ou de loin au monde arabe et musulman ; le tout lié par le syndrome du village gaulois assiégé, qui plus est, par des femmes, présumées hystériques, ivres d'en découdre avec la superbe du mâle.

La seule habileté du sbire monstrueux en ses obsessions est de cracher son venin avec les mots de ses adversaires mais il ne faut pas y voir de l'ironie ! du mépris seulement.

 

Parler de stéréotypes, n'est rien dire ; non plus que de conservatisme étroit.

Non c'est bien pire : du fascisme ! Rien que cela.

 

 

 

 


1) ce que j'en écrivais en 2017 : Portrait des Le Pen

La troisième de la lignée - la plus jeune dont elle conserve encore le charme fadasse mais non pas la moins coriace - on lui donnerait aisément le bon dieu sans confession mais on aurait tort : elle l'a déjà vendu au plus offrant. Élue, presque par hasard, à la députation en 2012, crime par avance de lèse-marine, elle offrait tout de l'apparence mièvre et encore tendre de la jeune fille dont elle singeait les ultimes ressacs. Or, celle-ci a la fureur froide des missionnaires et parle comme si elle fût directement inspirée. On ne fait pas impunément sa scolarité dans une Institution St Pie X - obédience Mgr Lefevre - on ne participe pas aux pèlerinages de Chartres sans que ceci laisse des traces. 

Regardez-là : celle-là est vieille avant même d'être adulte ! Ses idées - en sont-ce seulement ou plutôt des dogmes assénés avec la fureur du glaive ? - sont celles d'une Église qu'on croyait en voie d'épuisement et qui, brusquement surgie du diable vauvert, fit tonner sa voix éraillée durant la primaire de la droite. Avec sa morale rassise, mais toujours impérieuse, avec la certitude autoritaire que vous confère la certitude d'être investi par l'absolu, cette droite catholique qui se prétend traditionnelle mais qui est surtout autoritaire et ne se vautre dans la culpabilité que pour en accuser les autres, ne rêve qu'à régimenter nos vies intimes en passant d'abord par nos corps. 

Regardez là : trop claire pour ressembler à un jésuite ; trop lumineuse pour imiter l'inquisiteur ! Pourtant dans sa rage à s'opposer au mariage pour tous, dans ses propos sur l'avortement, il y a bien quelque chose que l'on croyait disparu : les grenouilles de bénitier, les rats de confessionnal ! 

Elle a peut-être, pour notre malheur et celui de la liberté, un avenir plus grand qu'on ne le croit. Quand viendra le temps de l'après, quand les nostalgiques de la pureté de la race auront rejoint les amateurs d'autorité et d'ordre, quand demain se rejoindront sabre et goupillon, alors, oui, naîtra une nouvelle droite dont le fumet fétide agace déjà nos narines. 

La boutique familiale désormais se veut universelle - catholique ! 


2) Yann Barthès en a fait un montage assez drôle

sans compter :a chronique de S Aram