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Billevesées et rodomontades

Aterré si souvent par ce que je lis, moi qui pourtant ne m'y attarde pas, sur ce qu'on nomme les réseaux sociaux. Mais aussi les commentaires laissés par les lecteurs sur les sites de presse traditionnelle (Le Monde, Libération …)

A tout propos et souvent hors de propos des réactions plus que des réflexions - on pourrait certes se dire que c'est ici la loi du message court - ce sont, surtout, surtout des coulées insanes de haine.

Rien de nouveau, me dira-t-on : la sottise aime à haïr son prochain et la haine patauge avec dilection coupable dans la fange obscène de l'inintelligence absolue. Soit ! mais fallait-il vraiment qu'on inventât, via Internet, de tels outils si sophistiqués pour offrir quelque audience à ces offenses organisées ? Certes, ceci existait sans doute déjà … oui ! mais au moins ne l'entendait-on pas.

Il m'arrive de penser, à propos de ces haines-ci, ce que Memmi énonçait à propos du racisme : machine de mots nécessaire préalable à tout passage à l'acte. Et c'est bien tout le problème : tant que ces haines ne trouvaient pas estrade où se propager, elles éprouvaient moins d'aisance à passer à l'acte.

La violence commence toujours par des mots …

Toute la question est bien de savoir si de tels réseaux fonctionnent comme des exutoires - qui seraient alors le prix à payer pour une forme de paix sociale - ou des excitants - qui fonctionneraient alors comme des prolégomènes de la haine ordinaire.

Combien de frustrations couvent là-dessous … que de violence prompte à passer à l'acte !

Réseau ? oui bien sûr mais est-il tant de différences avec les estrades veules et rageuses que nous offrent les chaînes d'information en continu : ici la peur teintée de mépris de l'élite ; ici sa résonnance populaire.

Le capitalisme, décisément, n'est pas un humanisme.

Outre cette idéologie du travail mal digérée mais sottement reproduite pour laquelle le toujours plus de labeur pour toujours moins de résultats synthétise la vertu suprême comme si la logique de la technique n'était pas consubstantiellement celle du toujours moins d'effort pour toujours plus de résultats - et si on relisait l'histoire de Prométhée ? - outre cette antienne libérale du travail, à la limite de l'incantation mais si éloignée seulement de tout commencement de pensée, si proche du culte et en ceci si peu moderne où le sens du travail est posé comme une évidence irréfragable voire un principe intangible - ce qu'il n'a jamais été, je lis surtout cette étonnante disposition d'esprit, délétère mais infantile d'abord, consistant à ne voir dans l'autre que paresseux, abusif privilégié, parasite quand soi-même au contraire … Affaire de paille et de poutre dans l'œil du voisin ? Sans doute.

Mais ce mépris de l'autre qui bascule si rapidement dans la haine de l'autre m'effraie. Qu'elle révèle une haine de soi est vraisemblable ; qu'elle résulte d'une stratégie de longtemps pratiquée par les hommes de pouvoir consistant à toujours plus diviser, agitant le chiffon rouge de prétendus privilégiés pour faire admettre des mesures totalement régressives. En politique, diviser semble habile mais demeure la faute politique majeure.

Que pour le moment, en dépit des fatigues accumulées depuis une semaine, l'opinion semble encore soutenir le mouvement de grève, ne m'étonne pas. Sans doute parce que cette fois-ci comme en 95, ceux-là sont perçus comme pouvant par leur statut, faire grève comme si chacun faisait alors grève comme par délégation. Sans doute encore parce que la retraite est le problème commun par excellence. Sans doute enfin parce que le mépris insolent avec lequel ces nantis proclament urbi et orbi qu'il faut remettre la France au travail est enfin perçu comme insupportable. La vraie fracture est ici : qu'il y ait des nantis, des élites dont les revenus sont à distance sidérale de ceux du commun n'est assurément pas chose nouvelle.

Mais ce mépris bourgeois est inédit depuis la fin du XIXe ! auquel peu échappèrent pas même Zola ! ni Flaubert, Feydeau, Hugo même ou Goncourt. Le peuple est souvent masse abrutie par l'alcool - désormais la TV - et enkystée en ses bas instincts, incapable de rien comprendre pas même les enjeux de sa propre révolte.

 

 

Mais que l'étroitesse d'esprit et la morgue d'un Macron reproduisent avec une incroyable aisance.

On sait à quoi aboutit un tel mépris !