Bloc-Notes 2016
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Révolte … tourbillon

Curieux article dans le Monde de cet étonnant personnage qu'aura toujours été Rezvani. Un texte qui commence mezzo voce par ces petits souvenirs de jeunesse, de la sienne, celle de l'immédiat après-guerre, à la recherche d'une voie (voix ? ) qui permette de dénoncer l'horreur et de fustiger l'absurde en train de se construire, d'en finir aussi avec ce surréalisme qui avait fini par devenir conformiste à force d'avoir été avalisé par la cruauté des deux guerres mondiales et la conscience soudain assagie de ses promoteurs - notamment Breton.

Ils allaient inventer le lettrisme, manière infantile de contester, en surenchérissant par le vide, l’absurde poétique de la génération précédente, écrit-il, manière en tout cas de pousser jusqu'au bout, dans le domaine qui était le leur, à la fois le dégoût que leur inspirait l'époque, et leur révolte intérieure. Mais voici, que tiré de leurs manifestes, une phrase, ou plutôt un slogan, presque un appel

Soulèvement mondial de la jeunesse

C'est à ce moment que bascule le texte de Rezvani qui va ériger les lettristes en lointains précurseurs de la jeunesse de demain, en tissant en tout cas un lien qui peut paraître ténu, entre cette révolte finalement très germano-pratine et les impasses d'aujourd'hui.

Il a vu les fissures se creuser, les craquements répétés d'une écorce qui résiste encore mais pour combien de temps ? Il sait la grande aporie de notre temps encore tenu par une génération du baby-boom désormais vieillie mais ne parvenant pas à s'y résoudre, génération si nombreuse qu'elle n'est pas prête à céder la place, mais pas non plus à envisager un avenir qui ne la concerne pas ; plus.

Le texte, sous les métaphores implicites de la tempête ou du tremblement de terre, raconte les prémices d'une colère encore circonscrite à un lieu ou une situation précise, mais ne le restera pas. Je ne crois même pas que Rezvani le redoute ; je l'imagine espérer.

Texte prémonitoire ou énième recension de la sinistrose ambiante ?

J'en retiens cet impitoyable, sanguinaire : lui sait combien l'histoire est tragique ; combien, si légitime que puisse être cette révolte, si fondée que soit l'empressement des jeunes générations à prendre le relais d'un gouvernail depuis longtemps grippé, il ne saurait être de mouvement de masse qui bientôt incontrôlable, ne brise par ses excès et forge par ses aveuglements les tensions du lendemain. Lui sait, ce que Clausewitz avait entendu : cette montée aux extrêmes synonyme plus souvent de désastres que de promesses.

Demeure cette évidence aux yeux de beaucoup d'une société où plus personne ne maîtrise plus rien ; où les liens se distendent et les méfiances - en attendant les haines - se hérissent ; crise, au sens d'un passage ; crise au sens où l'on ne reviendra de toute manière jamais à la situation antérieure ; crise au sens de l'imminence. Demain, la bourrasque ?

Nous ne ferions jamais que troquer un immaitrisé contre un immaîtrisable.

Le temps, oui, est bien un enfant qui joue au tric-trac


 

Jules et Jim, bien sûr.

La chanson est de Rezvani et Truffaut avait tenu à ce que dans cette scène, ce soit lui qui tienne la guitare et accompagne J Moreau.

Pour le souvenir ; pour le plaisir.