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Le statut de l'auditoire

 

Règle numéro un de la communication, dira-t-on aisément, ajuster son discours à l'horizon d'attente du destinataire.

Encore faut-il en avoir un ! Or, c'est précisément ici que se pose la question de l'auditoire

4 remarques préliminaires:

  1. C'est précisément le reproche que Platon adresse aux sophistes : de se targuer de pouvoir arguer devant quelque auditoire et sur quelque sujet que ce soit
  2. il y a deux manières de ne pas avoir d'auditoire : soit n'en pas tenir compte soit avoir un destinataire si général, si universel qu'il en cesse immédiatement d'avoir une identité et devient alors plus un prétexte qu'un véritable destinataire.
  3. il ne saurait être tout à fait anodin que Platon écrivît sous la forme du dialogue. Tradition qui perdure jusqu'à Leibniz ... et que l'on retrouve curieusement chez certains auteurs contemporains1. La philosophie commence dans le théâtre, dans le rapport non pas aux autres mais à l'autre. C'est que, sans doute, quelque chose de la philosophie se joue d'abord dans l'oralité - ce que traduit bien l'auditoire - avant que ce ne soit dans l'écrit. D'où la condamnation de l'écrit dans ce texte célèbre du Phèdre. 2
  4. c'est sans doute dans le passage de Platon à Aristote que quelque chose d'essentiel se joue du rapport entre philosophie et sophisme !

Insuffisance des modèles de communication

Tout à fait révélatrice, si l'on y regarde bien, le statut accordé au destinataire par les modèles de communication, qui est loin d'être central.

Ainsi le modèle de Shannon, ce dernier est passif comme si la relation ne pouvait être réciproque; alors même qu'en réalité ce dernier non seulement peut y répondre mais encore décode le message en raison de son environnement culturel, social etc. Bref, est tout sauf passif. C'est au fond, le même reproche que l'on peut adresser au modèle de Lasswell outre que ce dernier n'entend la communication qu'en terme de persuasion, ou d'influence. Sans doute ceci provient-il de ce que le premier ne l'envisagea que d'un point de vue mathématique - en refusant d'ailleurs qu'il fût appliqué ailleurs - alors que le second, politologue, n'envisagea le problème que sous l'angle de la communication de masse.

Ce que nous cherchons à comprendre illustre parfaitement combien ces modèles sont insuffisants. On voit bien d'abord, que ce que Platon reproche aux sophistes, c'est de n'être pas philosophes. Or ce reproche peut s'entendre de plusieurs manières:

 

 


1) ne serait ce que

2) Platon, Phèdre , 274b et sqq