Textes

SAINT THOMAS D’AQUIN (1224-1274)

 

 

Thomas d’Aquin, ainsi appelé du nom de la petite ville d’Aquino, sur la route de Naples à Rome, où ses parents détenaient dans le premier quart du XIIIe siècle un très modeste pouvoir féodal, ne peut être enfermé dans le crédit que lui accorde depuis sept siècles l’Église catholique; il est le haut témoin de la novation culturelle qui, dans la longue période dite du Moyen Àge, détermine, à la faveur d’une évolution économique et sociale, et avec l’essor des universités, une conception inédite de l’homme, en lui-même, dans son rapport avec l’univers, et, pour le croyant, dans l’intelligence de sa foi. Ce professionnel de la théologie ne peut être compris qu’à l’intérieur de ce très complexe renouveau tant de l’Antiquité que de l’Évangile, en même temps que ce siècle n’obtient sa pleine intelligence, dans son économie et dans son art, que par une théologie en laquelle se noue la cohérence des phénomènes de civilisation, sous le règne de l’empereur Frédéric II (1215-1250) et du roi Saint Louis (1226-1270). La comparaison entre la somme de théologie du XIIIe siècle et la cathédrale gothique n’est pas qu’un lieu commun romantique; elle exprime l’étonnante fécondité d’une communion audacieuse et fragile entre la raison et le mystère, entre la culture et la foi. Par bien des aspects, cette «chrétienté» est dissoute dans un monde désacralisé; elle s’inscrit cependant dans la ligne qui, à travers la Renaissance et la Réforme, commande, en sous-œuvre, la plus actuelle vision du monde, de l’homme, de l’histoire, à ce point que certains font commencer là les « Temps modernes », entendez l’âge de la raison et de la liberté, dans une conscience politique naissante.