Textes

Serres Michel, « La confession fraternelle », Empan, 2002/4 no48, p. 11-16.

Désobéissance


À ceci qu’il nous donne sans cesse la liberté de lui désobéir, nous reconnaissons Dieu comme notre Père. À peine installés auParadis terrestre, Adam et Eve s’empressèrent de manger pomme et pépins pour laisser aussitôt ce lieu de délices en fuyant vers des horizons flous. Né depuis quelques mois, le petit d’homme se met à dire non, celles et ceux parmi vous qui en élevèrent l’apprirent et le savent en surabondance.


Contrairement à ce que l’on dit parfois, cette bienheureuse désobéis- sance résout beaucoup de problèmes. En accumulant des sottises noires et une expérience qui ne sert à personne, une génération quelconque bloque l’histoire de sorte que nul ne voit plus, à un moment, comment s’en sortir ; seuls les enfants débloquent parfois la situation en prenant les choses d’une autre façon. Les animaux désobéissent rarement ; automates génétiques, certains suivent un instinct programmé depuis l’origine de leur espèce : voilà pourquoi ils n’ont pas d’histoire. Nous changeons, progressons et régressons, nous inventons l’avenir parce que, déprogrammés, nous désobéissons.

Chahut


Tout ce préambule ennuyeux de théologie et d’histoire naturelle mêlées pour faire passer une difficulté qui étrangle mon commen- cement. Oui, lorsque je le quittai voici plus d’un demi-siècle, j’ai laissé au collège un péché à confesser. Parvenu à un âge assez avancé, je rattrape ce retard ; cela tire moins à conséquence. Dans certains ordres, dont celui des assomptionnistes, fondateurs de Saint-Caprais, existait la tradition de la confession fraternelle : à temps réguliers, les moines avouaient devant la communauté assemblée leurs manquements à la règle. Ce discours d’anniver- saire 1 me donne donc l’occasion d’un tel aveu public et tardif. Voici : j’ai toujours désobéi. Pis, je n’ai jamais cessé de me conduire comme un intenable chahuteur, redouté de tous mes maîtres.


Je vous demande donc d’écouter, ce matin, ma confession fraternelle.

Je me confesse donc avec délectation de batailles de polochons dont les plumes, en deux minutes, voletaient en toutes directions, indui- sant dans le volume global du dortoir une visibilité rapprochée quasi nulle, et déchaînaient en nous un rire dont nos abdominaux, douloureux de courbatures, se souvenaient au moins une semaine. Oui, j’ai été collé tous les dimanches et, pour faire bonne mesure, la plupart des jeudis ; renvoyé plusieurs semaines, l’année du bac, je n’ai été récupéré qu’au dernier moment sous l’espoir fallacieux d’améliorer les statistiques du collège.


Je me confesse, en outre, d’avoir organisé, encore au dortoir, des veillées mémorables où, la lumière éteinte, chacun d’entre nous imitait le coq, le cochon, la vache, la jument, l’oie et le canard, sans oublier la fermière et le métayer, qui, de leur voix grasse, enjoignaient en patois aux poules de rentrer, pour pondre, à la basse-cour. Je l’avoue avec vanité, je tenais brillamment les parti- tions, éminemment délicates, de la pintade et du dindon. Surtout, ne me demandez rien, je serais encore capable de les reproduire. Aucun concert de musique dite classique ne me donna, au cours de ma vie, d’aussi hautes jouissances que cette symphonie animale exactement mimée. À cette époque, tous les pension- naires avaient encore l’expérience de la vie à la campagne ; on s’y serait cru. Pour corser la représentation, le fermier choisissait bruyamment le porcelet à tuer, qui se débattait vivement et poussait, en cherchant à s’échapper, les cris aigus et lamentables que l’on entend dans les abattoirs. Le surveillant n’y pouvait rien : dès qu’il rallumait la lumière, tous les chérubins, silencieux et innocents, dormaient paisiblement ou, du moins, faisaient semblant. Il éteignait alors et la basse-cour, aussitôt, hennissait, meuglait, roucoulait, gloussait, accompagnant de son orchestre le solo du cocorico dominant.


Mieux, en ces temps préhistoriques, une propreté douteuse répan- dait alentour des fumets de purin et de fumier dont les effluves lourds accentuaient l’idée que l’on se trouvait en situation.


Je me confesse encore d’avoir persécuté le surveillant. Il dormait dans une sorte de réduit fermé parmi quatre-vingts lits serrés les uns contre les autres : quinze au collège, cinquante au lycée Montaigne, à Bordeaux, et cent à Louis-le-Grand. À mon commandement, quatre-vingts chasseurs sortaient en silence de leurs couches étroites, à minuit sonnant, polochon en main, pieds nus sur le parquet sans aucun bruit, pour se grouper comme des voleurs autour de l’île où reposait l’autorité. Hop ! Et tous les polochons volaient pour atterrir au milieu de cette île, réveillant le surveillant, quasi enterré sous un monceau épais mais léger d’oreillers ; le temps que, tout remplumé, il se débarrasse de ce tas et se lève, furibard, chacun, revenu à sa niche, dormait divinement. Ni vu ni connu, les terroristes.

Le chahut fut donc ma première expérience sociale et la seule. Nul ne me l’apprit, sans doute, je reçus ce don des ADN conjugués de mes parents ou, directement, de la divine sagesse qui nous garde. Il fut aussi ma seule et réelle ambition politique ; comme un lieutenant sur le front de bataille ou un maire de village ceint de son écharpe, j’ai su vraiment mener des hommes, en rangs serrés, pour un projet bien précis, sans colère ni méchanceté, toujours pour rire. Vue sous cet angle, la politique se révèle délectable.

Les princes du chahut


Mais je ne fus, je l’avoue encore, qu’un petit orfèvre en chahut. J’en connus, par après, de royaux. Professeur à l’École normale, il m’arri- vait, à la fin des cours, d’aller saluer le directeur avec qui j’entretenais des relations de travail et d’amitié. Un après-midi, je ne sais plus le mois ni l’année, la porte de son bureau étant ouverte, je m’approchai ; je l’entrevis de loin s’entretenir au téléphone ; de sa main libre, il me fit signe d’entrer, puis de me saisir de l’autre écouteur. Une voix de stentor, celle de Pompidou, alors Premier ministre du général de Gaulle, y agoni- sait le pauvre Hippolyte – c’était le nom de ce directeur –, son ancien condisciple, de cris et d’injures. Le chef du gouvernement lui ordon- nait de venir sans attendre reprendre sa girafe à l’Élysée. Quelle girafe ? Je n’y comprenais goutte et Hippolyte, s’étranglant de rire, répon- dait  à  la  rafale  furieuse  de  l’autre  que  son « ongulé », il pouvait se le mettre… Ils raccro- chèrent violemment et le premier me raconta l’épisode suivant.


À la fin de la décolonisation, beaucoup de caciques d’Afrique, anciennement sénateurs ou députés, devinrent présidents de leurs régimes respectifs. Ils firent alors, l’un après l’autre, des visites officielles en France, en tant que chefs d’État. À la veille de l’un de ces voyages, celui d’Houphouët-Boigny je crois bien, deux norma- liens, spécialistes en histoire naturelle et donc familiers des lieux, enivrèrent deux ou trois gardiens du Jardin des Plantes et leur volèrent la grande girafe mâle, qu’ils embarquèrent dans une fourgonnette Citroën à toit ouvrant. De son long cou et de ses petites cornes, la pauvre bête emprisonnée, dépassant de très haut l’ouverture du véhicule, se voyait de loin. Quand, arrivé d’Orly, le cortège présidentiel emboucha le quai Saint-Bernard, d’une manœuvre habile, quoique risquée, trois ou quatre coups élégants de volant et deux, rapides, d’accélérateur, l’équipage entier, girafe, étudiants, estafette, s’y joignit.


Les voici donc à la suite des voitures noires, police devant, ministres derrière, pim-pom, longeant la Seine, traversant au pont Alexandre, puis arrêtés devant l’Élysée, où, d’un ton arrogant et leste, ils déclarent au maître de cérémonie qu’ils amènent le cadeau de l’hôte illustre à la France éternelle. On s’empresse aussitôt d’avertir le Général qui, d’un de ces mots dont il avait le secret, remercie avec noblesse Houphouët-Boigny, stupéfait d’apprendre qu’il avait fait ce geste sans le savoir. Mais tout le monde s’incline et respecte en silence, comme d’usage. Puis, du perron, les huiles entrent dans les salons, où les discours durent et le champagne coule. Pendant ce temps, la girafe brame de faim (les girafes brament-elles, je ne sais), pisse partout et le reste, s’agite avec violence, casse les glaces, met en péril l’équilibre fragile de sa nacelle, défonce la tôlerie, déglingue le châssis, menace de s’échapper pour, qui sait, envahir le palais, peut-être y briser la porcelaine…, bref mène un chahut géant dans la cour d’honneur, à son ordinaire d’une paix souveraine. Assourdi par le bruit, le Général ordonne à son Premier ministre de mettre bon ordre à cette chienlit. Pompidou sort et rencontre alors, nez à nez, mes deux jeunes camarades, hilares, épanouis, dont la bonne humeur ne fait aucun mystère du vol ni du canular, et qui se moquent, de surcroît, du nez fort plissé de leur ancien, hélas devenu ministre ! et déclinent leur identité aux gendarmes survenus en disant qu’ils s’appellent l’un Pompidon et l’autre Matignou.

Je les foutrai en tôle, criait le Premier au téléphone…

Chiche, répondait le directeur

En reposant le combiné, Hippolyte me demanda sans sourciller s’il ne devrait pas plutôt requérir la Légion d’honneur auprès de Pompidou en faveur de nos petits camarades ; je l’y engageai, tant je me persuadai que, son ire passée, il l’eût, et de grand cœur, accordée ; combien l’ont pour moins que ça ?

Chacun a ses défauts, mais je confesse enfin que jamais nous n’éprouvâmes ensemble avec autant d’acuité que ce jour-là le hideux sentiment de jalousie. Quoi, n’avoir jamais pensé à élever le canular à des hauteurs élyséennes ! Nous nous sentions dépassés par ce raffinement de génie : avoir réussi à faire pénétrer une girafe bramante (mais enfin, qui me dira si les girafes brament ?) au voisi- nage de la salle du conseil des ministres. Décidément, je n’étais qu’un piéton, je me trouvai, stupéfait, béat, ébahi, admiratif, devant des successeurs inimitables. Les élèves avaient dépassé le maître. Ainsi Salieri a dû regarder Mozart

En mer, sur le France


La formation acquise au moyen de cette étude majeure, commencée donc dans les dortoirs de Saint-Caprais, affinée au lycée Montaigne à Bordeaux, et couronnée à Louis-le-Grand à Paris, puis à l’École normale, je ne l’ai jamais oubliée pour la prati- quer sans cesse avec une ferveur rituelle. Quelle ne fut pas ma surprise, en effet, lorsque, pourtant plus vieux et de sens plus rassis, j’entendis un beau jour, sur le cuirassé de ligne Richelieu, le lieute- nant de vaisseau chargé de nous instruire en calcul nautique, tonner : « Midship Serres, allez donc voir la mer sur le pont supérieur. » Je chahutais encore.

Des années passèrent ; par un beau matin de mai, un inconnu m’aborda au milieu de Broadway, à New York :

« Vous ne me reconnaissez pas, dit-il en riant, mais moi, je vous reconnais. Je suis le pianiste du paquebot France. Vous souvenez- vous de la traversée d’avril, l’an passé ? Quel beau chahut aviez- vous organisé pendant six jours ! Je m’en souviens encore ! L’équipage en rit toujours. » En effet, nous avions dormi une heure la première nuit et une demi-heure la suivante, pour oublier où étaient nos cabines les nuits suivantes, et ce jusqu’au pier 92, à Manhattan. Allemands, Italiens, Américains, Écossais… qui avaient accepté de participer avec moi à cet immense chahut maritime qui dura une semaine, nous nous sommes écrit pendant des années ; nous avions formé une petite société amicale et fidèle. Eh oui, nous faisions l’Europe. Ah, si les politiques, les écono- mistes et les administrateurs nous avaient imités !

Nommé professeur en Sorbonne, j’y fus expulsé de l’enseignement de la philosophie. Je chahutais toujours

Animaux


La saison du chahut passée, aussi lentement par bonheur que celle des amours, je pose aujour- d’hui aux cheveux blancs qui me restent une question mélancolique : pourquoi tant aimer cette pratique, entendue évidemment comme conduite morale ? Parce que le chahuteur ne peut supporter la hiérarchie, le dogme ni le prêt-à-penser. J’appris plus tard à répondre mieux à la question en étudiant les mœurs de certains animaux, chimpanzés, babouins, chiens sauvages, insectes sociaux, vaches de nos prés. Ces bêtes se donnent un chef et organisent par instinct une stricte subordination. Elles se distinguent par la dominance. Chien sauvage d’Australie, le dingo dominé ne touche point à la nourriture avant que le dingo dominant ait dévoré sa part. Cette scène se passe dans les clairières, au milieu des bois, comme à la cour de tous les rois.


Appliquons à l’homme ces remarques sur les bêtes : un metteur en scène de cinéma me raconta que, jeune assistant, il dut réunir une foule de figurants pour tourner une bataille, destinée à un film pseudo-historique. Il les recruta par petites annonces dans les journaux, les convoqua au studio, puis les partagea, un beau matin, en milliers de soldats, centaines de sergents, dizaines d’officiers, plus quelques généraux. Il les habilla, cela prit la matinée. Avant que le canon tonne, il les fit déjeuner ; passant alors par la cantine, il vit avec stupéfac- tion les officiers supérieurs prendre leur repas séparés  d’assez  loin  des  hommes  de  troupe.


« Nous ne supportons pas de nous mêler à la valetaille », dirent, sans rire et avec hauteur, ces commandants et colonels de pacotille. Même pour la représentation, même en apparence, même pour rire et même pour mentir, la hiérar- chie se met aussitôt en place. Elle reste comme une trace de mœurs babouines ou canines, ce qui demeure en nous du règne animal.
Mais il faut pardonner aux bêtes ce respect de la dominance parce qu’elles se soumettent à la loi de la jungle, qui ne laisse pas de milieu entre chasser ou être chassé, manger ou être mangé. Cette terreur ambiante les oblige, en effet, de se protéger,  donc  d’élever  autour  d’eux  des barrières de défense. La violence engendre l’ordre qui, par cette filiation, lui ressemble.
Je continue de chahuter pour témoigner à la face du monde que nous ne sommes pas des bêtes, que donc nous avons quitté ou devrions quitter l’enfer de la violence, parce que nous sommes des hommes, créés à l’image de Dieu, et que Dieu, justement, nous donna, dès l’origine, la liberté de lui désobéir, comme un bon père de famille…, même à Lui, et dès le paradis, et au risque de le perdre, à cause d’une simple pomme, mais pour le premier de tous les biens, la connaissance. Elle demande que l’on garde farouchement la liberté de penser. Si la science nous enfle, l’ignorance nous étrangle.


À la table du Président, des riches et des puissants, dans les salons des grands et de quelques moins grands de ce monde, dites-vous toujours que si Dieu existe, il n’est pas ici ni là. Leur puissance s’installe en raison d’un reste animal de violence, par ce reliquat bestial dans nos têtes et nos corps, en raison de notre servi- tude volontaire. Cette pensée assure que le plus élevé dans le grade ou la renommée se réduit, sur la terre, à un fantôme de paille ou une poupée de son. Qu’aussi haut qu’il se monte du col, ses deux pieds se posent, comme les vôtres, sur le même sol.


L’Évangile appelle Satan le Maître du monde ; il vous emmène sur une très haute montagne, vous montre tous les royaumes dans toute leur gloire et promet de vous les donner à la condi- tion que vous vous prosterniez devant lui. Désobéissez-lui donc, sans aucune condition.

De l’obéissance absolue

À l’inverse, qu’est-ce donc que la culture ? Ce qui permet à l’homme de culture de n’écraser personne sous le poids de sa culture. Et, donc oui, je confesse avoir chahuté toute ma vie, par dérision envers toutes les hiérarchies lourdes ou sottes et pour honorer la pensée vive et libre, mais j’ai obéi toute ma vie. Le moins possible aux autorités, toujours aux choses elles-mêmes. Cette obéissance volontaire et inconditionnelle conditionne la recherche. Un chercheur ne peut tricher. J’ai tenté de ne jamais tricher. Tout mais pas cela. Car obéir, ici, consiste à se soumettre aux lois des choses comme telles et y acquérir la liberté, alors que tricher consiste à se soumettre aux lois conventionnelles des hommes. Ainsi le tricheur ne diffère pas d’un esclave soumis, bavant de servilité, infiniment méprisable. Tout mais pas cela, dis-je. Mieux vaut perdre que tricher. Du coup, j’ai plus souvent perdu que gagné, dans une société où les tricheurs pullulent pour l’emporter facilement, et se soumettent ainsi à l’auto- rité en se courbant avec bassesse devant les prix, décorations et classements, jamais devant la vérité.

Mais quand j’ai gagné, rarement, il s’agissait, justement, de cette vérité, plus improbable et précieuse que les diamants, les rubis et les émeraudes extraits du pays de Golconde. Rien n’a plus de valeur, rien ne fait plus battre le cœur. Celui qui triche s’avoue à lui- même, et bientôt cela se voit, qu’il ne vaut rien. De fait, il ne vaut rien parce qu’il refuse d’affronter l’extrême dureté des objets, leurs épines douloureuses aux mains, leur vérité, cette lumière crue qui fait mal aux yeux. Il n’acquiert que des médailles de carton. Je hais la triche et ceux qui trichent car ils n’inventeront jamais rien. Détournez-vous de ces parasites nuisibles, ne travaillez jamais avec eux, ne respirez pas leur haleine menteuse, ne partagez pas leur pain, ne buvez pas l’eau empoisonnée de leurs puits.


Les choses contiennent leurs règles propres. Moins convention- nelles que celles des hommes, mais nécessaires comme les corps qui tombent et les astres qui gravitent ; de plus, difficiles à décou- vrir. Nous ne pouvons rien et ne devons rien sans l’obéissance absolue à ces choses, loyales et dures. Aucune expertise n’advient sans elle, aucune invention, aucune maîtrise authentique. Notre puissance vient de cette obéissance, de cette humaine et noble faiblesse ; tout le reste chute de la corruption envers les règles. Dans les sociétés les plus démunies, souvent, hélas ! la triche fait rage et précipite leur déclin. Nous nous sauvons toujours par le droit. La liberté vient des lois.

Envoi

Je confesse respecter infiniment ceux qui inventent, j’en ai connu peu, mais j’en ai connu, et de forts grands, je veux dire dont la grandeur se mesure sur une échelle dure et vraie ; leurs découvertes témoignent à quel point ils obéirent. Aussi n’ai-je jamais chahuté ces humbles que j’aimais tendrement parce qu’ils obéissaient. Je m’incline encore humblement devant eux, parce qu’ils s’inclinèrent eux-mêmes devant l’intelligence hardie, la vérité pleine et la beauté du monde. Eux et eux seuls m’ont appris. À penser, certes, mais aussi à refuser le destin hiérarchique de la bête, coq ou porc, donc à devenir un homme. J’ai désiré transmettre à mes étudiants et je voulais professer devant vous, avant de mourir, cette humilité totale et sans aucune condition que j’ai tenté de pratiquer toute ma vie