Textes

Nietzsche sur l'espérance

L’Antéchrist, § 23

« Le manque d'espoir que le christianisme porte au fond de lui-même à l'égard des temps futurs de l'existence terrestre » est masqué par l'espérance vaine d'un au-delà.

« Le christianisme repose sur quelques subtilités qui appartiennent en propre à l'Orient. En premier lieu, il sait qu'il est en soi parfaitement indifférent de savoir si une chose est vraie, mais qu'elle devient de la plus haute importance dans la mesure où on la croit vraie. La vérité et la foi en la vérité de quelque chose : ce sont là deux sphères d'intérêts totalement différentes, presque deux mondes antithétiques - c'est par des voies opposées que l'on parvient à l'un et à l'autre. Être au fait de cette distinction, voilà qui, en Orient, suffit presque à faire un Sage; c'est ainsi que l'entendent les Brahmanes, c'est ainsi que l'entend Platon, et tout adepte de la sagesse ésotérique de l'Orient. Si, par exemple, il y a du bonheur à se croire racheté du péché, la condition indispensable de ce bonheur n'est pas que l'homme soit pécheur, mais qu'il se sente pécheur. Mais si c'est de foi qu'il ait avant tout besoin, il faut jeter le discrédit sur la raison, la connaissance, la recherche de la vérité : la voie de la vérité devient une voie interdite. Une forte espérance est un stimulant beaucoup plus puissant de la vie que n'importe quel bonheur qui survient réellement. Il faut soutenir ceux qui souffrent par une espérance qui ne puisse être démentie par aucune réalité - qui ne puisse être anéantie par aucun accomplissement - bref, une espérance d'au-delà. C'est bien à cause de ce pouvoir de faire languir le malheureux que l'Espérance semblait aux Grecs le mal suprême, le mal perfide, et qu'elle resta enfermée au fond de la boîte de Pandore. »

Humain, trop humain, § 71

L'ESPÉRANCE.
« Pandore apporta donc le vase rempli de maux et l'ouvrit. C'était le présent des dieux aux hommes, un présent de belle apparence et séduisant, surnommé le « vase du bonheur ». Alors sortirent d'un vol tous les maux, êtres vivants ailés; depuis lors, ils rôdent autour de nous et font tort à l'homme jour et nuit. Un seul mal ne s'était pas encore échappé du vase : alors Pandore, suivant la volonté de Zeus, remit le couvercle, et il resta dedans. Pour toujours, l'homme a maintenant chez lui le vase de bonheur et pense merveilles du trésor qu'il possède en lui, il se tient à son service, il cherche à le saisir quand l'envie lui prend; car il ne sait pas que ce vase apporté par Pandore est le vase des maux et il tient le mal resté au fond pour la plus grande des félicités, - c'est l'Espérance. - Zeus voulait en effet que, même torturé par les autres maux, l'homme ne rejetât cependant point la vie, continuât à se laisser torturer toujours à nouveau. C'est pourquoi il donne à l'homme l'Espérance : elle est en vérité le pire des maux, parce qu'elle prolonge les tortures des hommes. » (Pour servir à l'histoire des sentiments moraux

l'Antéchrist, § 29

Ce qui m'intéresse, moi, c'est le type psychologique du Rédempteur. Il pourrait bien, malgré les Évangiles, être contenu dans les Évangiles, fût-ce totalement mutilé et surchargé de traits étrangers ; de même que celui de saint François d'Assise est conservé par ses légendes, malgré ses légendes. Non pas la vérité sur ce qu'il a fait, ce qu'il a dit, comment au juste il est mort ; mais la question de savoir si l'on peut encore se représenter son type, s'il est « transmis par la tradition.