Palimpsestes

L'avenir d'une illusion

Soyons préparés à entendre ici cette objection: « Ainsi, si même les sceptiques endurcis avouent que les assertions religieuses ne sauraient être réfutées à l'aide de la raison, pourquoi n'y devrais-je pas croire, puisqu'elles ont tant d'arguments en leur faveur: la tradition, le consentement universel des hommes et tout ce qu'elles recèlent de consolateur? »
—Et, en effet, pourquoi pas? De même que personne ne peut être contraint à croire, personne ne peut l'être à ne pas croire, mais qu'on ne s'en impose pas à soi-même en s'imaginant que l'on suit ainsi le chemin du penser correct. S'il fut jamais un argument que l'on puisse flétrir du nom d'échappatoire, c'est bien celui-ci. L'ignorance est l'ignorance. Nul droit à croire quelque chose n'en saurait dériver. Aucun homme raisonnable ne se comporterait aussi légèrement en d'autres matières, ni ne se contenterait d'aussi pauvres raisons de ses jugements, de ses prises de parti; ce n'est qu'en les choses les plus hautes et les plus saintes qu'on se permet cette attitude. En réalité, ce ne sont là qu'efforts destinés à se faire accroire à soi-même et aux autres qu'on tient encore ferme à la religion, alors que depuis longtemps on s'est détaché d'elle. Dès qu'il s'agit de religion, les hommes se rendent coupables de toutes sortes d'insincérités et de bassesses intellectuelles.