Palimpsestes

Abrégé de psychanalyse, p 7

Nous donnons aux forces qui agissent à l’arrière-plan des besoins impérieux du ça et qui représentent dans le psychisme les exigences d’ordre somatique, le nom de pulsions. Bien que constituant la cause ultime de toute activité, ils sont, par nature, conservateurs. En effet, tout état auquel un être est un jour parvenu tend à se réinstaurer dès qu’il a été abandonné. On peut ainsi distinguer une multitude d’instincts et c’est d’ailleurs ce que l’on fait généralement.
Il importe de savoir si ces nombreux instincts ne pourraient pas se ramener à quelques instincts fondamentaux. Nous avons appris que les instincts peuvent changer de but (par déplacement), et aussi qu’ils sont capables de se substituer les uns aux autres, l’énergie de l’un pouvant se transférer à un autre. Ce dernier phénomène reste encore imparfaitement expliqué.
Après de longues hésitations, de longues tergiversations, nous avons résolu de n’admettre l’existence que de deux instincts fondamentaux: l’Éros et l’instinct de destruction (les instincts opposés l’un à l’autre, de conservation de soi et de conservation de l’espèce ainsi que ceux, également contraires, d’amour de soi et d’amour objectal entrent encore dans le cadre de l’Éros).
Le but de l’Éros est d’établir de toujours plus grandes unités afin de les conserver; le but de l’autre instinct, au contraire, est de briser tous les rapports, donc de détruire toute chose. Il nous est permis de penser que l’instinct de destruction que son but final est de ramener ce qui vit à l’état inorganique, et c’est pourquoi nous l’appelons instinct de mort. Si nous admettons que l’être vivant n’est apparu qu’après les objets inanimés dont il est issu, nous devons en conclure que l’instinct de mort se conforme à la formule donnée plus haut selon laquelle tout instinct tend à réinstaurer un état antérieur. Pour l’Éros, l’instinct d’amour, nous n’émettons pas la même opinion, qui équivaudrait à postuler que la substance vivante, ayant d’abord constitué une unité, s’est plus tard morcelée et tend à se réunir à nouveau.
Il ne saurait être question de confiner chacun des deux instincts fondamentaux dans une quelconque des régions du psychisme, car on les rencontre nécessairement partout. Voilà comment nous nous représentons l’état initial: toute l’énergie disponible de l’Éros, que nous appellerons désormais libido se trouve dans le moi-ça encore indifférencié et sert à neutraliser les tendances destructrices qui y sont également présentes (pour désigner l’énergie de l’instinct de destruction, nous ne disposons encore d’aucun terme analogue à celui de Libido). Ensuite, il devient relativement facile d’observer les avatars ultérieurs de la libido. En ce qui concerne l’instinct de destruction, cette observation est plus malaisée

 

Essais de psychanalyse.

J'estime (...) qu'il faut admettre l'existence de deux variétés d'instincts, dont l'une, formée par les instincts sexuels (Éros) est de beaucoup la plus évidente et la plus accessible à notre connaissance. Cette variété comprend non seulement l'instinct sexuel proprement dit, soustrait à toute inhibition, ainsi que les tendances, inhibées dans leur but et sublimées, qui en dérivent, mais aussi l'instinct de conservation que nous devons attribuer au moi, et qu'au début de notre travail analytique nous avons, pour de bonnes raisons, opposé aux tendances sexuelles orientées vers des objets. Il nous a été plus difficile de démontrer l'existence de l'autre variété d'instincts, et nous en sommes finalement venus à voir dans le sadisme le représentant de cette variété. Nous basant sur des raisons théoriques appliquées à la biologie, nous avons admis l'existence d'un instinct de mort, ayant pour fonction de ramener tout ce qui est doué de vie organique à l'état inanimé, tandis que le but poursuivi par Éros consiste à compliquer la vie, et, naturellement, à la maintenir et à la conserver, en intégrant à la substance vivante divisée et dissociée un nombre de plus en plus grand de ses particules détachées. Les deux instincts, aussi bien l'instinct sexuel que l'instinct de mort, se comportent comme des instincts de conservation, au sens le plus strict du mot, puisqu'ils tendent l'un et l'autre à rétablir un état qui a été troublé par l'apparition de la vie. L'apparition de la vie serait donc la cause aussi bien de la prolongation de la vie que de l'aspiration à la mort, et la vie elle-même apparaîtrait comme une lutte ou un compromis entre ces deus tendances.