Textes

Diogene Laerce
Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité
Livre VIII

PYTHAGORE.


Après avoir parlé de la philosophie ionienne, qui eut pour chef Thalès, et des hommes illustres qu’elle a produits, abordons maintenant l’école italique, dont le fondateur fut Pythagore.

Pythagore, fils de Mnésarchus, graveur de cachets, était de Samos, suivant Hermippus. Aristoxène prétend, au contraire, qu’il était Tyrrhénien et originaire de l’une des îles dont les Athéniens s’emparèrent en expulsant les indigènes. D’autres le font fils de Marmacus, qui, lui-même, était fils d’Hippasus, petit-fils d’Eutyphron et arrière-petit-fils de Cléonyme, exilé de Phlionte. Ils disent que Marmacus habitait Samos, et que c’est pour cela que Pythagore fut surnommé Samien ; qu’étant allé de là à Lesbos, il fut recommandé à Phérécyde par son oncle Zoïlus, et qu’il y fabriqua trois coupes d’argent dont il fit présent à trois prêtres en Égypte. Il avait deux frères plus âgés que lui, Eunomus et Tyrrhénus. Zamolxis, le Saturne des Gêtes suivant Hérodote, et honoré par eux de sacrifices à ce titre, avait été esclave de Pythagore.

Il eut pour maître, ainsi que nous l’avons dit, Phérécyde de Syros, après la mort duquel il alla à Samos entendre Hermodamas, petit-fils de Créophylus, déjà vieux alors. Quant à lui, jeune et désireux de s’instruire, il quitta sa patrie et se fit initier à tous les mystères des Grecs et des Barbares. Ainsi il alla en Égypte avec une lettre de recommandation de Polycrate pour Amasis. Antiphon dit, dans le traité des Hommes célèbres par leur vertu, qu’il apprit la langue égyptienne et s’aboucha ensuite avec les Chaldéens et les Mages. De là il passa en Crète où il descendit avec Épiménide dans l’antre de l’Ida[1]. Il avait également pénétré dans les sanctuaires de l’Égypte et étudié les secrets de la religion dans les ouvrages sacrés. Lors de son retour à Samos, il trouva sa patrie aux mains du tyran Polycrate, et se retira à Crotone en Italie. Législateur des Crotoniates, il inspira une si haute confiance, qu’on lui remit ainsi qu’à ses disciples, au nombre d’environ trois cents, les rênes de l’État, et bientôt la sagesse de leur administration fit de ce gouvernement une véritable aristocratie dans toute l’acception du terme.

Voici, d’après Héraclide de Pont, ce qu’il racontait lui-même sur son compte : il avait autrefois été Éthalide, que l’on disait fils de Mercure ; ce dieu lui ayant promis de lui accorder tout ce qu’il voudrait, excepté l’immortalité, il avait demandé à conserver pendant sa vie et après sa mort la mémoire de tout ce qui lui arriverait ; et en effet, vivant et mort, il avait gardé le souvenir de toutes choses. Il avait ensuite passé dans le corps d’Euphorbe et avait été blessé par Mélénas ; aussi Euphorbe déclarait-il qu’il avait été précédemment Éthalide, que Mercure lui avait donné la conscience des migrations de son âme, et qu’il se rappelait dans quelles plantes, dans quels animaux elle avait successivement passé, ce qu’elle avait éprouvé aux enfers, ce qu’elle avait vu endurer aux autres. Après la mort d’Euphorbe son âme avait passé dans le corps d’Hermotime, et celui-ci, pour prouver qu’il avait été Euphorbe, était allé au temple d’Apollon[2] dans le quartier des Branchides, et avait montré le bouclier qu’y avait consacré Ménélas. C’était, disait-il, à son retour de Troie que Ménélas avait consacré ce bouclier, maintenant pourri et dont il ne restait plus que la plaque d’ivoire. Hermotime mort, il était devenu Pyrrhus, le pêcheur de Délos, et, gardant un souvenir exact du passé, il se rappelait alors avoir été d’abord Éthalide, puis Euphorbe, ensuite Hermotime et enfin Pyrrhus. Après la mort de Pyrrhus il était devenu Pythagore et avait conservé les mêmes souvenirs.

Quelques auteurs prétendent que Pythagore n’a laissé aucun ouvrage ; mais cela n’est pas sérieux, car Héraclite le physicien fait entendre assez expressément le contraire : « Pythagore, fils de Mnésarchus, dit-il, est de tous les hommes celui qui a le plus puisé aux sources historiques ; il a fait un choix dans tous les ouvrages et en a composé sa propre sagesse, fort érudite sans doute, mais fort mal ordonnée. » Héraclite s’exprime ainsi parce que Pythagore, dans l’exorde de son traité de la Nature, emploie ces expressions : « Non, par l’air que je respire, par l’eau que je bois, le blâme ne m’atteindra pas pour cet écrit. » Pythagore a laissé trois traités : sur l’Éducation, sur la Politique et sur la Nature. Quant à l’ouvrage qu’on lui attribue aujourd’hui, il est de Lysis de Tarente, philosophe pythagoricien, qui s’étant réfugié à Thèbes, y fut maître d’Épaminondas. Héraclide, fils de Sarapion, dit, dans l’abrégé de Sotion, qu’il avait composé plusieurs ouvrages poétiques ; un sur l’univers, un chant sacré dont voici le début :

Jeunes gens, gardez silencieusement tous ces préceptes ;

un poëme sur l’Âme, un autre sur la Piété, un cinquième intitulé : Hélothalès, du nom du père d’Épicharme de Cos, un sixième sur Crotone et plusieurs autres. Le traité des Mystères est, dit-on, d’Hippasus qui l’a composé pour dénigrer Pythagore. On prétend aussi que plusieurs des compositions d’Aston de Crotone lui furent attribuées. Aristoxène assure que Pythagore avait emprunté la plupart de ses préceptes moraux à Thémistocléa, prêtresse de Delphes. D’un autre côté, Ion de Chio prétend, dans les Triagmes, qu’il avait lui-même mis sous le nom d’Orphée quelques-unes de ses compositions poétiques. On lui attribue encore les Commandements, qui commencent ainsi :

N’offense personne.

Sosicrate rapporte, dans les Successions, que Léonte, tyran de Phlionte, lui ayant demandé qui il était, il répondit : « Philosophe ; » et que, comparant la vie à une assemblée publique, il ajouta : « De même que dans une fête, les uns viennent pour combattre, les autres pour commercer, d’autres enfin, et ce sont les meilleurs, pour voir et examiner ; de même aussi dans la vie les uns sont esclaves de la gloire, les autres convoitent la richesse ; mais le philosophe ne cherche que la vérité. » Tel est le récit de Sosicrate. Voici maintenant en abrégé la substance des trois ouvrages de Pythagore cités plus haut : il interdit de prier pour soi-même, sous prétexte que nous ne savons pas ce qui nous est utile ; il dit qu’ivresse et mort de l’intelligence sont synonymes, réprouve tout excès et défend l’abus de la boisson et de la nourriture. Il s’exprime ainsi au sujet de l’amour : « L’hiver on peut se livrer à l’amour, l’été jamais ; l’automne et le printemps, l’usage en est moins fatiguant ; en toute saison cependant il énerve et nuit à la santé. » Interrogé sur l’époque où l’on doit céder à ce sentiment, il répondit : « Quand vous vous sentirez trop fort. »

Il partageait ainsi la vie de l’homme : vingt ans pour l’enfance, vingt pour l’adolescence, vingt pour la jeunesse, autant pour la vieillesse ; ces différents âges correspondant aux saisons : l’enfance au printemps, l’adolescence à l’été, la jeunesse à l’automne et la vieillesse à l’hiver. Par adolescence il entend la puberté, et par jeunesse l’âge viril.

Il est le premier, au rapport de Timée, qui ait dit que tout doit être commun entre amis, et que l’amitié est l’égalité ; aussi ses disciples réunissaient-ils tous leurs biens pour les mettre en commun. Un silence de cinq ans leur était imposé, et pendant cette initiation ils se contentaient d’écouter ; ils n’étaient admis à voir Pythagore qu’après cette épreuve finie. Hermippus rapporte au second livre sur Pythagore, qu’ils n’employaient point le cyprès pour leurs urnes cinéraires, parce que le sceptre de Jupiter était fait de ce bois.

Pythagore était, dit-on, d’une beauté remarquable et ses disciples le prenaient pour Apollon hyperboréen. On prétend même qu’un jour qu’il était nu on lui vit une cuisse d’or. Beaucoup de gens admettent également que le fleuve Nessus l’appela par son nom au moment où il le traversait.

Il disait, suivant Timée au dixième livre des Histoires, que les femmes mariées portent les noms des dieux, puisqu’on les appelle successivement Vierges[3], Nymphes[4], Mères[5]. Anticlidès dit au deuxième livre sur Alexandre, que Pythagore perfectionna la géométrie dont Mœris avait trouvé les premiers éléments ; qu’il s’appliqua surtout au côté mathématique de cette science et découvrit le rapport numérique des sons sur une seule corde[6]. Il avait aussi cultivé la médecine. Apollodore le logicien dit qu’il immola une hécatombe lorsqu’il eut découvert que le carré de l’hypothénuse dans le triangle rectangle est égal aux carrés des deux autres côtés. On a fait à ce sujet les vers suivants :

Lorsque Pythagore eut trouvé cette ligne célèbre pour laquelle il offrit une brillante hécatombe…

Phavorinus prétend, dans le troisième livre des Commentaires, que c’est lui qui conseilla de nourrir les athlètes de viande, et qu’Euryménès est le premier qui ait été soumis à ce régime. Auparavant, dit le même auteur, au huitième livre des Histoires diverses, ils ne se nourrissaient que de figues sèches, de fromage mou et de froment. D’autres disent que ce ne fut pas lui, mais bien Pythagore le maître d’escrime, qui substitua ce genre de nourriture au premier. En effet Pythagore défendait de tuer les animaux et à plus forte raison d’en manger la chair. La raison qu’il en donnait c’est qu’ils ont une âme comme nous et des droits égaux aux nôtres ; mais ce n’était là qu’un prétexte ; en réalité il défendait l’usage de ce qui avait eu vie dans un but tout différent : il voulait que les hommes, habitués à une nourriture simple, se passant de feu pour leurs aliments et ne buvant que de l’eau pure, pussent par cela même subvenir plus facilement à leurs besoins. Il croyait d’ailleurs ce genre de vie utile et à la santé du corps et à la vigueur de l’esprit. Le seul autel où il sacrifiât était celui d’Apollon générateur, à Délos, derrière l’autel de corne, parce qu’on n’y offrait que du froment, des gâteaux non cuits, et qu’on n’y immolait pas de victimes, ainsi que l’atteste Aristote dans le Gouvernement de Délos.

Il enseigna le premier, dit-on, que l’âme parcourt, sous l’empire de la nécessité, une sorte de cercle, et est unie successivement à divers animaux. Le premier il donna aux Grecs les poids et mesures, au dire d’Aristoxène le musicien. Il fut aussi le premier, suivant Parménide, à constater que Vesper et Lucifer sont un même astre. Il excita une telle admiration que ses disciples croyaient fermement que tous les dieux venaient s’entretenir avec lui. Il déclare lui-même dans ses écrits avoir passé deux cent sept ans aux enfers avant de venir au milieu des hommes. Les Lucaniens, les Picentins, les Messapiens et les Romains accouraient vers lui et suivaient assidûment ses leçons. Cependant jusqu’à Philolaüs, les dogmes pythagoriciens étaient restés secrets ; c’est lui qui publia les trois livres fameux que Platon écrivait à un de ses amis de lui acheter cent mines. On ne comptait pas moins de six cents disciples qui venaient la nuit écouter ses leçons, et lorsqu’on avait été admis à l’honneur de le voir on en faisait part à ses amis comme d’une faveur signalée.

Phavorinus dit, dans les Histoires diverses, que les habitants de Métaponte appelaient sa maison le temple de Cérès, et la rue où elle était située le quartier des Muses.

Les autres pythagoriciens prétendaient, suivant Aristoxène au dixième livre des Règles d’éducation, qu’il ne faut pas initier tout le monde à tous les dogmes. On lit encore dans le même auteur, que le pythagoricien Xénophilus, à qui on demandait ce qu’il fallait pour qu’un enfant fût bien élevé, répondit : « Il faut qu’il soit né dans une ville gouvernée par des lois sages. »

Pythagore forma en Italie plusieurs grands hommes illustres par leurs vertus, entre autres Zaleucus et Charondas, tous deux législateurs. Il ne négligeait d’ailleurs aucune occasion d’acquérir des amis ; il suffisait qu’il apprit que quelqu’un était avec lui en communauté de symboles pour qu’aussitôt il s’en fît un compagnon et un ami. Voici quels étaient ces symboles :

« Ne remuez point le feu avec l’épée. — Ne secouez pas le joug. — Ne vous asseyez pas sur le chénix[7]. — Ne vous rongez point le cœur. — N’aidez pas à déposer le fardeau, mais aidez à l’augmenter[8]. — Que vos couvertures soient toujours pliées[9]. — Ne portez point à votre anneau l’image de la divinité[10]. — Effacez sur la cendre les traces de la marmite. — Ne nettoyez point le siége avec l’huile de la lampe. — Ne vous tournez pas vers le soleil pour uriner. — Ne suivez point le grand chemin[11]. — Ne tendez pas légèrement la main[12]. — Ne logez pas sous un même toit avec les hirondelles[13]. — N’élevez point un oiseau qui ait des serres[14]. — N’urinez point et ne mettez point le pied sur les rognures de vos ongles et sur les débris de votre barbe — Évitez la pointe du glaive. — Ne tournez pas les yeux vers votre pays quand vous en êtes dehors. »

Voici le sens de ces symboles : Ne pas remuer le feu avec l’épée, signifie ne pas exciter la colère et l’indignation des puissants. Ne pas secouer le joug, veut dire respecter l’équité et la justice. Ne pas s’asseoir sur le chénix, c’est-à-dire songer au présent et à l’avenir, le chénix étant la mesure d’un jour de nourriture. Ne point ronger son cœur, signifie qu’il ne faut point se laisser abattre par la douleur et le chagrin. Enfin lorsqu’il dit qu’en sortant de son pays il ne faut pas regarder en arrière, il fait entendre qu’on ne doit point regretter la vie au moment où on la quitte, ni être trop sensible aux plaisirs de ce monde. Les autres symboles s’expliquent d’une manière analogue ; aussi nous n’insisterons pas davantage.

Il défendait surtout de manger le rouget, la mélanure, le cœur des animaux et les fèves ; Aristote ajoute la matrice des animaux et le mulet. Quant à lui, on dit qu’il se contentait ordinairement de miel, de rayons de cire ou de pain, et qu’il ne buvait {erratum|pas|{jamais}} de vin pendant le jour. Ses mets habituels étaient des légumes crus ou cuits, quelquefois, mais rarement, de la marée. Il portait une tunique blanche d’une propreté irréprochable ; son manteau également blanc était en laine, car l’usage du lin n’avait pas encore pénétré dans les lieux qu’il habitait. Jamais on ne le vit se livrer à la bonne chère ou à l’amour, ni s’abandonner à l’ivresse. Il s’interdisait sévèrement la raillerie et toute espèce de plaisanteries, de sarcasmes ou de propos blessants. Jamais dans la colère il ne frappa personne, homme libre ou esclave. Pour dire : donner des conseils, il employait l’expression faire la cigogne. Il avait recours à la divination, mais seulement à celle qui s’appuie sur le chant ou le vol des oiseaux, jamais à celle qui se fait par le feu, excepté pourtant celle qui consiste à brûler de l’encens. Jamais il ne sacrifiait aucun être animé. Cependant quelques-uns prétendent qu’il offrait des coqs et des chevreaux, de ceux qu’on appelle chevreaux de lait ou tendrons, mais jamais d’agneaux.

Aristoxène dit qu’il permettait de manger toute espèce d’animaux, à l’exception cependant du bœuf de labour et du bélier. Le même auteur ajoute, comme nous l’avons déjà dit, qu’il avait emprunté ses doctrines à Thémistocléa, prêtresse de Delphes. Hiéronymus raconte qu’étant descendu aux enfers, il y vit l’ombre d’Hésiode attachée à une colonne d’airain et grinçant les dents, et celle d’Homère pendue à un arbre et environnée de serpents, en expiation de ce qu’ils avaient dit l’un et l’autre sur le compte des dieux ; qu’il fut également témoin des châtiments infligés à ceux qui avaient refusé à leurs femmes le devoir conjugal, et que cette descente aux enfers fut la cause des honneurs que lui rendirent les Crotoniates.

Aristippe de Cyrène prétend, dans le traité sur les Physiologues, qu’il fut surnommé Pythagore parce qu’il révélait la vérité à l’égal d’Apollon Pythien[15]. On dit qu’il recommandait sans cesse à ses disciples de s’adresser ces questions quand ils rentraient chez eux :

Qu’ai-je omis ? qu’ai-je fait ? quel devoir ai-je manqué d’accomplir ?

Il leur enjoignait aussi de ne point offrir de victimes aux dieux, et de ne se prosterner que devant des autels non sanglants. Il ne voulait pas qu’on jurât par les dieux, disant qu’il fallait se rendre digne d’être cru sur parole. « Il faut honorer les vieillards, disait-il, parce que ce qui a la priorité dans le temps, est par cela même plus respectable ; ainsi dans le monde le lever du soleil est préférable à son coucher, dans la vie le commencement à la fin, dans les animaux la production à la destruction. »

On lui doit les maximes suivantes : Honorez les dieux avant les héros, les héros avant les hommes, et parmi les hommes vos parents entre tous. — Vivez avec vos semblables de manière à ne pas vous faire des ennemis de vos amis, et à vous faire des amis de vos ennemis. — N’ayez rien en propre. — Prêtez appui à la loi et combattez l’iniquité. — Ne détruisez point, ne blessez pas un arbre à fruit ni un animal qui ne porte aucun préjudice à l’homme. — La pudeur et la modestie consistent dans un milieu entre la gaîté immodérée et la sévérité excessive. — Évitez l’abus des viandes. — En route, faites succéder le repos à la marche. — Exercez votre mémoire. — Que toutes vos paroles et vos actions soient exemptes de colère. — Respectez toute espèce de divination. — Chantez sur la lyre, et témoignez par des hymnes votre reconnaissance aux dieux et aux hommes vertueux.

Il défendait de manger des fèves sous prétexte qu’étant venteuses elles tiennent de plus près à la nature de l’âme, et que d’ailleurs lorsqu’on s’abstient de cet aliment l’estomac est mieux disposé, et par suite les images du sommeil plus calmes et moins agitées.

Alexandre, dans la Succession des Philosophes, dit avoir trouvé les données suivantes dans les commentaires pythagoriciens : Le principe de toutes choses est la monade. De la monade vient la dyade indéfinie qui lui est subordonnée comme à sa cause. La monade et la dyade indéfinie produisent les nombres et ceux-ci les points. Des points viennent les lignes, des lignes les plans, et des plans les solides ; des solides viennent les corps sensibles dans lesquels entrent quatre éléments, le feu, l’eau, la terre et l’air, qui en se transformant produisent tous les êtres. Le monde qui résulte de leur combinaison est animé, intelligent, sphérique ; il enveloppe de toutes parts la terre située à son centre, sphérique elle-même et habitée sur toute sa circonférence ; aux antipodes sont des hommes, et ce qui est pour nous le bas est le haut pour eux.

La lumière et les ténèbres, le chaud et le froid, le sec et l’humide se partagent également le monde ; lorsque le chaud prédomine, il produit l’été ; la prédominance du froid amène l’hiver ; celle du sec le printemps, de l’humide l’automne. La saison la plus favorable de l’année est celle où il y a équilibre entre ces principes. Le printemps, où tout verdit, est sain ; l’automne, où tout se flétrit, est insalubre. Le jour aussi verdit à l’aurore et se flétrit le soir ; c’est pour cela que le soir est plus malsain. L’air qui environne la terre est immobile et malsain ; tout ce qu’il enveloppe est mortel. Plus haut il est sans cesse agité, pur et sain ; tout ce qu’il contient est immortel et par conséquent divin. Le soleil, la lune, et tous les autres astres sont des dieux ; car la chaleur, source de la vie, prédomine en eux. La lune est éclairée par le soleil. Les hommes sont en communauté de nature avec les dieux parce qu’ils participent de la chaleur, et c’est pour cela que la Providence divine veille sur nous. La destinée gouverne toutes choses et chaque être en particulier. Les rayons du soleil traversent l’éther froid et l’éther épais (ils donnent le nom d’éther froid à l’air, d’éther épais à la mer et à l’élément humide.) Ses rayons pénètrent jusque dans les profondeurs de la terre et répandent partout la vie ; car tout ce qui participe de la chaleur est vivant, d’où il suit que les plantes mêmes sont des êtres animés. Cependant les êtres vivants n’ont pas tous une âme. L’âme est une substance détachée de l’éther chaud et froid ; en tant qu’elle participe de l’éther froid elle diffère de la vie. Elle est immortelle, ce dont elle est détachée ayant ce caractère.

Les êtres animés se reproduisent eux-mêmes au moyen de semences ; car il est impossible que la terre puisse rien produire spontanément. La semence est une substance distillée par le cerveau, et qui contient une vapeur chaude : au moment où elle est déposée dans la matrice, le cerveau fournit directement la substance humide, l’humeur et le sang, d’où naissent les chairs, les nerfs, les os, les cheveux et tout le corps ; de la vapeur au contraire naissent l’âme et le sentiment. Le fétus est formé et a pris de la consistance au bout de quarante jours ; au bout de sept, neuf ou dix mois au plus, lorsqu’il a acquis son parfait développement suivant des raisons harmoniques, il vient à la lumière. Il a alors en lui toutes les facultés qui constituent la vie, facultés dont l’ensemble et l’enchaînement forment un tout harmonique, et qui se développent chacune au temps marqué. Les sens en général et la vue en particulier sont formés d’une vapeur extrêmement chaude ; c’est pour cela qu’on voit à travers l’air ou à travers l’eau, parce que le froid par la résistance qu’il oppose empêche que la chaleur ne se dissémine, tandis que si la vapeur des yeux était froide elle aurait la même température que l’air et s’y dissiperait. Pythagore appelle quelque part les yeux les portes du soleil. Il explique de la même manière les sensations de l’ouïe et toutes les autres.

Il divise l’âme humaine en trois parties : l’intelligence, la raison et le sentiment. L’intelligence et le sentiment appartiennent à tous les animaux ; l’homme seul a la raison. Le domaine de l’âme s’étend du cœur au cerveau, le sentiment réside dans le cœur, l’intelligence et la raison occupent le cerveau. Les sens sont comme des épanchements de ces parties de l’âme. La raison est immortelle, mais les autres parties sont périssables. L’âme a pour aliment le sang ; la parole est son souffle, souffle invisible comme elle, parce que l’éther qui le compose est invisible. Les artères, les veines et les nerfs sont les liens de l’âme ; mais lorsqu’elle s’est fortifiée, qu’elle s’est retirée en elle-même, calme et paisible, elle a pour liens la pensée et les actes. Une fois séparée du corps, elle ne quitte point la terre, mais continue à errer dans l’espace sous la forme du corps qu’elle habitait. Mercure est le gardien des âmes, et on lui donne les noms de conducteur, de marchand, de terrestre, parce qu’il tire les âmes des corps, sur la terre et dans les mers. Il conduit celles qui sont pures dans les régions supérieures ; quant à celles qui sont impures, il les tient éloignées des premières, séparées les unes des autres, et les livre aux furies pour les charger de liens indissolubles. L’air est tout rempli d’âmes ; ce sont elles qu’on désigne sous les noms de démons et de héros, elles qui envoient les songes et les présages de la maladie et de la santé, non-seulement aux hommes, mais aux troupeaux et à tous les animaux ; c’est à elles que s’adressent les purifications, les expiations, les diverses espèces de divinations, les augures et les cérémonies analogues.

Le plus noble privilège de l’homme, suivant Pythagore, est de pouvoir incliner son âme au bien et au mal. On est heureux lorsque l’on a en partage une belle âme. Il est dans la nature de l’âme, dit-il, de ne jamais rester en repos, de ne s’arrêter jamais à la même pensée. Ce par quoi on jure, dit-il encore, c’est la justice, et c’est pour cela que Jupiter est appelé le dieu des serments. La vertu est une harmonie, ainsi que la santé, le bien, Dieu lui-même ; et c’est pour cela que l’harmonie règne dans tout l’univers. L’amitié est une égalité harmonique. Il ajoute qu’on ne doit pas rendre les mêmes honneurs aux dieux et aux héros, qu’il faut en tout temps célébrer les louanges des dieux avec un vêtement blanc et après s’être purifié, et qu’il suffit d’honorer les héros une fois au milieu du jour ; que la pureté s’obtient par des expiations, des ablutions, des aspersions, en évitant les funérailles et les plaisirs de l’amour, en se préservant de toute souillure, enfin en s’abstenant de la chair des animaux morts d’eux-mêmes, des mulets, des mélanures, des œufs, des animaux ovipares, des fèves et de tout ce qu’interdisent ceux qui président aux sacrifices dans les temples. Aristote dit, dans le traité sur les Fèves[16], qu’il en interdit l’usage, soit parce qu’elles ressemblent aux parties honteuses, ou même aux portes de l’enfer, car c’est le seul légume dont l’enveloppe n’ait pas de nœuds, soit parce qu’elles dessèchent les autres plantes, parce qu’elles représentent la nature universelle, enfin parce qu’elles servent aux élections dans les gouvernements oligarchiques.

Il interdit de ramasser ce qui tombe de la table pour habituer à manger avec tempérance, ou bien encore parce que cela est destiné aux morts. Ce qui tombe de la table est pour les héros, suivant Aristophane ; car il dit dans les Héros :

Ne goûtez point à ce qui tombe de la table.

Il défendait de manger les coqs blancs parce qu’ils sont consacrés au dieu Mêne[17] et servent aux supplications, cérémonies où l’on n’emploie que des animaux réputés bons et purs. Ils sont consacrés à Mêne parce qu’ils annoncent les heures. Il interdisait également les poissons consacrés aux dieux sous prétexte qu’il ne convient pas plus de servir les mêmes mets aux hommes et aux dieux que de donner la même nourriture aux hommes libres et aux esclaves. Il enseignait que le blanc tient de la nature du bien et le noir de celle du mal. Il ne voulait pas qu’on rompît le pain, parce qu’autrefois les amis se réunissaient autour d’un même pain, ce qui a lieu encore aujourd’hui chez les barbares ; il disait qu’ils ne doivent pas diviser le pain qui les réunit. Les uns voient là un symbole du jugement dans les enfers ; les autres l’expliquent en disant que cette pratique énerve l’âme dans les combats. Selon d’autres, cela signifie que l’union préside au gouvernement de l’univers.

Il prétendait que pour les corps solides la forme la plus belle est la sphère, et pour les plans le cercle ; que vieillesse et amoindrissement, accroissement et jeunesse sont choses identiques ; que la santé est la persistance de la forme et que la maladie en est l’altération. Enfin il recommandait de se servir de sel dans les repas, comme emblème de la justice, parce que le sel conserve tout ce qu’on y dépose, et qu’il est formé des parties les plus pures de l’eau de la mer. Telles sont les idées qu’Alexandre prétend avoir trouvées dans les commentaires pythagoriciens, et son témoignage est confirmé d’ailleurs par celui d’Aristote.

Timon, qui, dans les Silles, attaque Pythagore, ne lui a cependant pas contesté la gravité ; voici ses paroles :

Pythagore qui recourt à la magie et fait la chasse aux hommes avec ses graves discours.

Xénophane parle de ses transformations successives dans l’élégie qui commence par ces mots :

J’aborde maintenant un autre sujet ; je vais indiquer le chemin.

Voici les vers qui ont trait à Pythagore :

Il passait un jour auprès d’un jeune chien qu’on maltraitait ;
Il en eut pitié, dit-on, et s’écria :
Arrête-toi, cesse de frapper ; c’est mon ami,
C’est son âme ; je l’ai reconnu à sa voix.
Voilà ce que dit Xénophane. Cratinus le raille dans la Pythagorisante et dans les Tarentins ; il dit dans cette dernière pièce :

Ils ont coutume, lorsque quelque étranger arrive parmi eux pour juger la valeur de leurs discours, de l’étourdir par un fatras d’antithèses, de conclusions, de comparaisons, de sophismes, de grandeurs, jusqu’à lui en rompre la tête.

Mnésimaque dit dans l’Alcméon :

Nous sacrifions à Apollon comme à un dieu pythagoricien, en ne mangeant absolument rien qui ait eu vie.

Aristophon dit de son côté dans la Pythagoricienne.

Il racontait que, descendu au séjour des ombres, il les avait toutes observées, et qu’il avait vu les pythagoriciens placés de beaucoup au-dessus des autres morts ; seuls ils étaient admis à la table de Pluton, à cause de leur piété. — Voilà un dieu fort accommodant, s’il se plaît dans la compagnie d’aussi sales personnages.

Et ailleurs dans la même pièce :

Ils ne mangent que des légumes et ne boivent que de l’eau. Mais quel est le jeune homme qui pourrait supporter leurs poux, leur manteau sale et leur crasse ?

Voici comment mourut Pythagore : il était chez Milon, avec ses compagnons, lorsque quelqu’un de ceux qu’il avait éconduits mit, pour se venger, le feu à la maison. Suivant une autre version, les Crotoniates auraient mis eux-mêmes le feu pour échapper à la tyrannie qu’ils redoutaient de sa part. Pythagore parvint à s’échapper ; mais on l’atteignit dans sa fuite ; car étant arrivé près d’un champ de fèves il s’était arrêté en disant : « Il vaut mieux être pris que de les fouler aux pieds ; plutôt mourir que de parler. » Il fut alors égorgé par ceux qui le poursuivaient. La plupart de ses compagnons, au nombre de quarante, périrent dans cette circonstance ; très-peu échappèrent, parmi lesquels Archytas de Tarente et Lysis dont nous avons parlé plus haut. Dicéarque prétend que Pythagore avait cherché un asyle à Métaponte dans le temple des Muses où il mourut de faim au bout de quarante jours. Héraclide dit au contraire, dans l’Abrégé des Vies de Satyrus, qu’après avoir enseveli Phérécyde à Délos il revint en Italie, et qu’ayant trouvé Milon de Crotone au milieu des apprêts d’un grand festin, il se retira immédiatement à Métaponte où, lassé de vivre, il se laissa mourir de faim. Hermippus donne encore une autre version : Suivant lui, Pythagore était allé avec ses compagnons se mettre à la tête des Agrigentins dans une guerre que ceux-ci soutenaient contre ceux de Syracuse ; mis en fuite, il rencontra un champ de fèves et fut tué par les Syracusains. Ses compagnons, au nombre de trente-cinq, furent brûlés à Tarente pour s’être mis en opposition avec les chefs du gouvernement. Hermippus raconte encore de Pythagore le trait suivant : lorsqu’il fut venu en Italie, il se creusa une habitation souterraine et recommanda à sa mère d’inscrire tous les événements, avec indication du temps, sur des tablettes qu’elle lui ferait tenir durant son absence ; ce qu’elle fit en effet. Longtemps après, il reparut maigre et décharné et se présenta devant l’assemblée du peuple en disant qu’il arrivait des enfers ; en même temps, il se mit à raconter tout ce qui s’était passé depuis sa disparition. Ce discours fit une telle impression sur ses auditeurs qu’ils éclatèrent en sanglots, fondirent en larmes, persuadés que Pythagore était un homme divin ; ils voulurent même qu’il se chargeât d’instruire leurs femmes, et de là le nom de Pythagoriciennes qu’on a donné à ces dernières. Tel est le récit d’Hermippus.

La femme de Pythagore s’appelait Théano et était fille de Brontinus de Crotone. D’autres prétendent qu’elle était femme de Brontinus et disciple de Pythagore. Il eut une fille du nom de Damo, citée par Lysis dans la lettre à Hipparque. Voici, du reste, ce que Lysis dit de Pythagore :

Beaucoup de gens assurent que vous livrez au public les secrets de la philosophie, contrairement à la volonté de Pythagore, qui, en remettant ses Mémoires à Damo sa fille, lui recommanda de ne point les laisser sortir de chez elle et de ne les confier à personne. En effet, quoiqu’elle pût en tirer beaucoup d’argent, elle ne voulut point s’en dessaisir ; elle pensa, toute femme qu’elle était, que l’or ne valait pas la pauvreté ; s’il devait être le prix de l’infraction aux ordres de son père.

Il eut aussi un fils nommé Télauge qui lui succéda et fut, suivant quelques-uns, maître d’Empédocle. Hippobotus cite à son sujet ce vers d’Empédocle :

Télauge, illustre fils de Théano et de Pythagore.

On n’a rien de lui ; mais Théano, sa mère, a laissé quelques ouvrages. C’est-elle, dit-on, qui à cette question : Combien faut-il de temps pour qu’une femme soit pure après la cohabitation ? répondit : Avec son mari, sur-le-champ ; avec un autre, jamais. Elle disait à une jeune fille sur le point d’aller rejoindre son mari, qu’elle devait déposer sa modestie avec ses vêtements, et la reprendre avec eux en se levant. — Quelle modestie ? lui dit quelqu’un. — Celle, répondit-elle, qui est la marque distinctive de notre sexe.

Héraclide, fils de Sarapion, dit que Pythagore mourut à quatre-vingts ans, conformément à la supputation qu’il avait faite des âges de la vie ; mais l’opinion la plus générale est qu’il parvint à l’âge de quatre-vingt-dix ans. Voici sur son compte quelques pièces légères de ma façon :

Tu n’es pas le seul, ô Pythagore, qui t’abstiennes de manger des choses animées, nous en faisons tous autant. Lorsqu’on mange du bouilli, du rôti et du salé, ne sont-ce pas là des choses privées de vie et de sentiment ?

Autre :

Admirez la sagesse de Pythagore : il ne voulait pas goûter de viande et prétendait que c’était là un crime ; mais il en servait aux autres. Étrange sage, qui fait commettre aux autres les crimes qu’il s’interdit à lui-même !

Autre :

Voulez-vous connaître l’esprit de Pythagore ? regardez la face empreinte sur le bouclier d’Euphorbe. « J’étais ce guerrier, dit-il, j’ai vécu autrefois ; je pouvais, lorsque je n’étais plus, dire ce que j’étais quand j’étais vivant. »

Autre, sur sa mort :

Hélas ! hélas ! pourquoi Pythagore a-t-il honoré les fèves au point de mourir pour elles avec ses disciples ? Il rencontre un champ de fèves, et, pour ne pas les fouler aux pieds, il se laisse tuer au bord du chemin par les Agrigentins.

Il florissait vers la soixantième olympiade. Son école n’a pas duré moins de neuf ou dix générations, puisqu’Aristoxène a connu les derniers pythagoriciens, Xénophilus de Chalcis en Thrace, Phanton, Échécrate, Diodès et Polymnestus, tous de Phlionte. Ces philosophes étaient disciples des Tarentins Philolaüs et Eurytus.

Il y a eu quatre Pythagore à peu près contemporains : le premier était un tyran originaire de Crotone ; le second, natif de Phlionte, était maître d’exercices (chef d’un gymnase de gladiateurs suivant quelques-uns) ; le troisième était de Zacynthe ; le quatrième était celui dont nous parlons, le chef de cette philosophie secrète, leur maître enfin ; car c’est de lui qu’est venue cette locution proverbiale, aujourd’hui vulgaire : Le maître l’a dit. On cite encore plusieurs autres Pythagore : un sculpteur de Rhèges, le premier qui sut rencontrer la proportion et l’harmonie ; un statuaire de Samos ; un mauvais rhéteur ; un médecin qui a laissé un traité de l’Hernie ; un autre, qui a écrit sur Homère ; un autre, enfin, qui a laissé une histoire des Doriens. Ératosthène, cité par Phavorinus dans le huitième livre des Histoires diverses, prétend que Pythagore le philosophe est le premier qui ait combattu au pugilat selon les règles de l’art, dans la quarante-huitième olympiade ; que s’étant présenté avec de longs cheveux et une robe de pourpre, il ne fut pas même admis à lutter avec les enfants, et que se voyant bafoué, il alla sur-le-champ s’attaquer aux hommes et fut vainqueur. C’est ce que confirme, du reste, l’épigramme suivante de Théétète :

Passant, si tu as entendu parler d’un certain Pythagore, de Pythagore à la longue chevelure, cet illustre lutteur de Samos, c’est moi-même. Demande à ceux d’Élis quels sont mes exploits ; tu ne pourras croire ce qu’ils le raconteront.

On lit dans Phavorinus que Pythagore appliqua le premier les définitions aux questions mathématiques ; que Socrate et ses disciples en firent un usage plus fréquent, et qu’Aristote et les stoïciens les imitèrent. Phavorinus ajoute qu’il a le premier donné le nom de monde à l’univers et enseigné que la terre est ronde. Mais, suivant Théophraste, l’honneur de cette découverte revient à Parménide, et suivant Zénon à Hésiode. On dit aussi qu’il fut poursuivi par l’inimitié de Cydon, comme Socrate par celle d’Antiolochus. Quant à Pythagore l’athlète, on a sur lui l’épigramme suivante :

Tu vois ici Pythagore de Samos, fils de Cratès de Samos, qui, encore enfant, vint à Olympie lutter au pugilat.

Voici maintenant une lettre du philosophe :

PYTHAGORE À ANAXIMÈNE.
Et toi aussi, cher Anaximène, si tu ne l’emportais sur Pythagore par la naissance et la gloire, tu aurais quitté Milet pour une autre patrie. Mais l’illustration de ta famille t’y retient ; ce motif m’eût également retenu si j’avais ressemblé à Anaximène. Si vous quittiez vos villes, vous autres hommes de poids et de mérite, elles seraient privées de leur plus bel ornement, de leur plus ferme appui contre la puissance des Mèdes. Ce n’est pas assez de contempler les astres ; il vaut mieux encore se consacrer à sa patrie. Moi-même, la spéculation ne m’absorbe pas tout entier, car je prends part aux combats que se livrent les peuples de l’Italie.

Après avoir donné la vie de Pythagore, il nous reste à parler des pythagoriciens les plus célèbres ; nous traiterons ensuite des philosophes que quelques auteurs ne rattachent à aucune école, et nous parcourrons ainsi, comme nous l’avons promis, toute la série des philosophes illustres jusqu’à Épicure. Nous avons déjà parlé de Théano et de Télauge ; passons maintenant à Empédocle que quelques-uns font disciple de Pythagore.