Déterminisme

 

Eléments de philosophie, p 239
Émile CHARTIER dit ALAIN
(1868-1951)

Ces temps de destruction mécanique ont offert des exemples tragiques de cette détermination par les causes sur lesquels des millions d’hommes ont réfléchi inévitablement. Un peu moins de poudre dans la charge, l’obus allait moins loin, j’étais mort. L’accident le plus ordinaire donne lieu à des remarques du même genre; si ce passant avait trébuché, cette ardoise ne l’aurait pas tué. Ainsi se forme l’idéedéterministe populaire, moins rigoureuse que la scientifique, mais tout aussi raisonnable. Seulement l’idée fataliste s’y mêle, on voit bien pourquoi, à cause des actions et des passions qui sont toujours mêlées aux événements que l’on remarque. On conclut que cet homme devait mourir là, que c’était sa destinée, ramenant ainsi en scène cette opinion de sauvage que les précautions ne servent pas contre le dieu, ni contre le mauvais sort. Cette confusion est cause que les hommes peu instruits acceptent volontiers l’idée déterministe; elle répond au fatalisme, superstition bien forte et bien naturelle comme on l’a vu.
Ce sont pourtant des doctrines opposées; l’une chasserait l’autre si l’on regardait bien. L’idée fatalisme c’est que ce qui est écrit ou prédit se réalisera quelles que soient les causes (…) Au lieu que, selon le déterminisme, le plus petit changement écarte de grands malheurs, ce qui fait qu’un malheur bien clairement prédit n’arriverait point.