Textes

Gregoire de Nysse
Lettre canonique à Letoius, évêque de Melitene

 



1
(Prologue)

De la pénitence et de la conversion.

Un des faits qui contribuent à bien célébrer la sainte festivité pascale, c'est aussi celui d'avoir une profonde connaissance de l'application des lois et des canons à ceux qui ont commis une faute, afin de guérir toute maladie spirituelle causée par un péché quelconque.

En effet, puisque cette fête universelle de la création, qui chaque année au retour du cycle annuel se célèbre dans le monde entier, a aussi pour but de fêter la résurrection de l'homme déchu, - or, la chute c'est le péché, et la résurrection c'est de se relever de la chute du péché -, il serait bon en ce jour non seulement de présenter ceux qui ont été transformés, en renaissant grâce au bain de la grâce, mais aussi de conduire vers l'espérance salutaire aliénée par le péché ceux qui reviennent des oeuvres de mort au chemin de la vie par le repentir et la conversion.

Or, ce n'est point une oeuvre de peu d'importance que de composer à ce sujet des discours d'un jugement droit et éprouvé, selon le précepte du prophète, qui impose à chacun l'obligation de «composer ses discours avec jugement», «afin que le juste ne soit jamais scandalisé», dit l'Écriture, et «que sa mémoire reste éternelle». Car, de même qu'à propos de la maladie corporelle la médecine n'a qu'un but, de guérir le malade, mais le mode de la cure est varié, vu que selon la variété des maladies à chacune l'elles est appliqué le moyen de guérison qui convient; de même à propos de la maladie de l'âme, grande étant la variété des passions, nécessairement multiformes seront aussi les soins de la cure, afin d'opérer la guérison en raison même de l'espèce de la passion.

Afin d'avancer méthodiquement dans la question présente, nous procéderons ainsi. La première distinction sera de considérer les trois partiel de notre âme : rationnelle, concupiscible, irascible : c'est d'elles que découlent les exploits de ceux qui vivent dans la vertu et les chutes de ceux qui déclinent vers le vice.

Il appartient donc à celui qui doit apporter le remède convenable à la partie malade de l'âme, d'examiner d'abord en quelle partie le mal a pris sa consistance, et alors seulement apporter à la partie souffrante le remède convenable; sinon, par ignorance de la thérapeutique à suivre, autre serait la partie malade, autre celle à laquelle le remède serait appliqué. C'est ainsi que par exemple nous voyons bon nombre de médecins, dans leur ignorance de la partie qui est à l'origine du mal, prolonger la maladie par leurs remèdes : alors que la maladie consiste souvent dans la prédominance de l'élément chaud, parce que la chaleur fait du bien à ceux qui souffrent par excès de l'élément froid, et appliquée avec mesure les réchauffé, eux, appliquant sans réflexion cette même chaleur à ceux qui brûlent d'un excès de chaleur, rendent par là le mal incurable. C'est pourquoi, de même que la connaissance profonde de la qualité des éléments a été jugée absolument nécessaire aux médecins, afin de rétablir l'équilibre de l'élément disposé contre l'ordre naturel chez chacun de ceux qui se sentent bien ou mal; de même, nous aussi, en recourant à cette division de la nature de l'âme, nous ferons de cette idée générale le principe et la base de la guérison convenable des passions.

Ainsi, puisque par la qualité de ses mouvements l'âme se divise en trois, comme nous l'avons dit, rationnelle, concupiscible et irascible, la vertu pour la partie rationnelle de l'âme consistera à reconnaître pieusement la divinité et à posséder la science du discernement d'entre le bien et le mal, et à avoir une idée claire et distincte de la nature des choses, ce qui dans les êtres est à désirer et ce qui est à abhorrer et à rejeter. Tout à l'opposé, on considérera comme vice dans cette partie, le fait qu'y règne l'impiété envers la divinité, le manque de discernement du vrai bien et l'opinion erronée sur la nature des choses, de manière à «prendre la lumière pour des ténèbres et les ténèbres pour de la lumière», comme dit l'Écriture.

Pour la partie concupiscible le mouvement vertueux consistera à élever son désir vers ce qui est réellement désirable et vraiment bien, et appliquer toute la force et disposition de l'amour, qui serait au dedans de nous, dans la conviction que rien n'est désirable par sa nature hors de la vertu et de l'être qui est la source de la vertu. La déviation d'autre part et le péché pour cette partie de l'âme consistera à transférer le désir vers la vanité inconsistante ou vers la beauté florissante des corps, d'où naissent l'amour des richesses, l'amour des honneurs, l'amour des plaisirs charnels et tout le reste qui découle de ce genre de vice. De même, pour la disposition irascible de l'âme, la vertu c'est l'horreur du mal et la guerre déclarée aux passions, et que l'âme soit aiguillonnée par le courage viril au point de ne pas craindre ce que la foule estime terrible, mais au contraire, de résister au péché jusqu'au sang, d'avoir du mépris pour la menace de la mort, les douloureuses tortures et la privation des plus grands plaisirs, et d'être en un mot au dessus de ce que par coutume ou préjugé la foule tient pour un plaisir; et tout cela, afin de défendre par là la foi et la vertu. Les manquements de cette partie de l'âme sont bien connus de tous; ce sont l'envie, la haine, la rancune, les injures, les rixes, l'humeur querelleuse et susceptible, qui fait durer longtemps la rancune et aboutit à de nombreux meurtres et à l'effusion du sang; en effet, la raison sans frein ne sachant comment se servir avantageusement de son arme, retourne contre soi-même la pointe de son épée et l'arme qui nous fut donnée pour nous défendre, devient fatale pour celui qui s'en sert mal.

Il

De ceux qui renient de plein gré la foi au Christ et de ceux qui ont fait cela à la suite de nombreuses tortures.

Ces distinctions faites de la manière exposée plus haut, tous les péchés qui touchent à la partie rationnelle de l'âme ont été jugés par nos pères comme plus graves et dignes d'une plus grande et plus longue et plus pénible pénitence. Ainsi, si quelqu'un a renié la foi au Christ, ou bien s'il a publiquement apostasié, en embrassant le judaïsme ou l'idolâtrie ou le manichéisme ou quelqu'autre forme semblable d'athéisme, celui-là, s'il a commis un tel mal de plein gré, aura comme temps de pénitence sa vie toute entière; jamais en effet, il ne lui sera permis d'adorer Dieu avec le peuple fidèle, pendant que s'accomplit la prière mystique de la Liturgie, mais il priera seul et il sera totalement privé de la communion aux dons sanctifiés; à l'heure du trépas seulement, il lui sera permis de prendre part au don sanctifié. Et s'il lui arrive contre tout espoir de rester en vie il passera de nouveau sa vie sous le coup de la même peine, restant sans participation aux dons mystiques sanctifiés jusqu'à son trépas.

Par contre, ceux qui ont souffert des châtiments et de graves tortures n'ont qu'un temps limité de pénitence : nos saints pères ont usé d'une telle miséricorde à leur égard, parce que leur âme n'a pas été en faute, mais seule leur faiblesse corporelle n'a pu résisté aux violentes souffrances; c'est pourquoi la pénitence pour l'apostasie, commise sous la contrainte et la douleur, a été aussi mesurée sur celle des pécheurs fornicateurs.

III

De ceux qui ont recours à des sorciers ou des devins.

Ceux qui se sont adressés à des sorciers ou à des devins ou à des gens qui promettent de délier des sortilèges ou rejeter un sort, avec l'aide des démons, ceux-là on doit les interroger avec soin et s'enquérir, si tout en restant fidèles au Christ, ils n'ont pas été entraînés à commettre ce péché par quelque nécessité, un mauvais traitement ou un dommage difficile à supporter, ou bien si au contraire ils ont eu recours à l'alliance avec les démons par un total mépris pour la vérité attestée que nous croyons. Car, s'ils ont fait cela en reniant leur foi et parce qu'ils ne croyaient plus que le Dieu adoré par les chrétiens fût le vrai Dieu, ils seront évidemment soumis à la peine des apostats; mais, si quelque nécessité intenable l'emporta sur leur pusillaminité et les y a conduits, désemparés qu'ils étaient par quelque espérance déçue, pour eux aussi il y aura la même miséricorde, que pour ceux qui ne purent résister aux tortures au temps où ils fallait confesser leur foi.

IV

Des péchés commis par concupiscence et plaisir charnel.

Les péchés que fait commettre la concupiscence et le plaisir charnel se divisent de la façon suivante: l'un s'appelle adultère, l'autre fornication. Certains amateurs d'une précision plus grande se sont plu à croire que la faute par fornication est aussi un adultère, du fait qu'il n'y a qu'une union charnelle légitime, pour le mari avec sa femme et pour la femme avec son mari. Or, tout ce qui n'est pas légitime est certainement contre la loi, et celui qui retient en sa possession ce qui n'est pas sien, retient évidemment la chose d'autrui; car chaque homme n'a reçu de Dieu qu'une seule aide et à chaque femme n'a été donné en propre qu'un seul chef. Donc, si l'on retient pour soi «son propre vase», - c'est le terme que l'apôtre emploie, - la loi de la nature en permet le juste usage; mais, si l'on en prend un hors du sien, on prendra évidemment celui d'autrui, puisque tout ce qui n'est pas à nous est à autrui, même s'il n'a pas un maître déterminé. Ainsi, même la fornication ne serait pas bien éloigné du péché d'adultère pour ceux qui en ont scruté le concept avec un peu plus de précision, puisque la divine Écriture aussi dit : «N'accordez pas grande attention à celle qui est à autrui». Mais, comme une certaine condescendance a été faite par nos pères envers ceux qui sont faibles, on a distingué le péché selon la division générale mentionnée plus haut, de manière à appeler fornication la concupiscence satisfaite sans causer du tort à un tiers, et adultère, celle qui comporte une injustice préméditée, commise contre autrui. Ils ont rangé sous celle-ci le péché de bestialité et la pédérastie, parce qu'ils sont adultère contre la nature, car l'injustice est commise contre ce qui n'y est pas destiné et contre nature.

Cette division établie pour cette sorte du péché, le remède général, c'est de purifier l'homme en l'amenant à se repentir de la passion enragée qu'il a eu pour de tels plaisirs. Et puisque le péché de ceux qui se salirent par la fornication ne comporte point d'injustice, le temps de la pénitence de ceux qui se souillèrent par l'adultère ou dans les autres péchés défendus, bestialité et passion enragée du mâle, fut compté double; car double en est le péché, comme je viens de le dire : l'un celui du plaisir illicite, l'autre, celui du tort causé à autrui.

La distinction suivante est aussi à faire à propos du repentir de ceux qui ont péché par plaisir charnel : celui qui de lui-même vint s'accuser de son péché, du fait même qu'il s'est fait, de son propre mouvement, accusateur des péchés secrets, en homme qui a déjà commencé à guérir sa passion et donné une preuve de sa conversion vers le bien, trouvera plus de miséricorde dans les pénitences imposées; par contre, celui qui fut pris en flagrant défit ou par suite d'un soupçon ou d'une accusation fut malgré lui convaincu d'avoir péché, aura la longue durée de pénitence, de manière à ce qu'il soit bien soigneusement purifié avant s'être admis à la communion des dons sanctifiés.

Or, voici la règle traditionnelle: ceux qui furent soufflés par la fornication seront pendant trois ans totalement exclus de la prière, pendant trois autres ils me participeront qu'à l'audition des Écritures, trois autres années ils prieront avec les pénitents prosternés, et alors seulement ils participeront aux dons sanctifiés. Tandis que à l'égard de ceux qui se sont repentis plus sérieusement et ont prouvé par la conduite de leur vie le retour au bien, il sera permis à celui qui administre l'église dans l'intérêt même de la discipline ecclésiastique d'abréger le temps de l'audition et les amener plus tôt dans la classe des pénitents; puis d'abréger même ce temps-ci et leur rendre plus tôt la communion, selon le jugement qu'il se sera formé de l'état du malade; car, s'il est défendu de jeter la perle aux pourceaux, il est aussi absurde de priver de la perle précieuse celui qui est redevenu homme par la pureté et la maîtrise sur ses passions.

Quant à l'iniquité commise par adultère, ou par les autres espèces de l'impureté, elle sera guérie, comme il a été dit plus haut, par les mêmes peines que la souillure de la fornication, seule la durée en sera double.

On observera pour elle aussi la disposition du malade, de la manière exposée pour ceux qui furent contaminée par la souillure de la fornication, pour que la participation au saint don leur soit accordée ou plus tôt ou plus tard.

V

De la partie irascible de l'âme.

Il nous reste encore de procéder à l'examen de la partie irascible de l'âme, lorsque celle-ci, délaissant le bon usage de la colère, tombe dans le péché. Nombreux sont certes les actes de la colère menant au péché, et tous mauvais; mais nos pères se sont plu à ne pas chercher à les préciser tous, ni n'ont estimé important de chercher le moyen de guérir toutes les fautes provenant de la colère, bien que l'Écriture interdise non seulement les coups, mais même toute injure et tout blasphème et tout acte semblable, que la colère fait commettre; et ils ne nous ont mis en garde par les pénitences fixées que contre le crime sacrilège du meurtre.

On distinguera pour ce péché selon qu'il fut volontaire ou involontaire.

Parmi les meurtres sera volontaire premièrement celui qu'on a osé perpétrer après préméditation, en arrangeant tout pour commettre ce crime sacrilège; on a ensuite compté parmi les meurtres volontaires, si quelqu'un dans une rixe et un combat, donnant et recevant des coups, porte de sa propre main un coup fatal contre l'adversaire; car à celui qui fut déjà dominé par l'ire et s'est abandonné à l'explosion de la colère, il ne saurait pendant l'emportement de la passion venir à l'esprit aucun des moyens capables d'arrêter le mal; par conséquent, le meurtre qui a résulté de la rixe sera attribué a la volonté libre comme son oeuvre et non point à un hasard malheureux.

Quant aux meurtres involontaires, ils ont pour signe distinctif évident, qu'en s'appliquant à autre chose l'on commet par un hasard malheureux quelque chose d'irréparable. En cette matière donc, le vrai meurtre requiert trois périodes de temps pour ceux qui, repentant, font pénitence pour le crime sacrilège volontaire; en effet ils ont à accomplir trois séries de neuf ans, neuf ans étant fixés pour chaque degré; ainsi dans la totale excommunication le meurtrier passera neuf ans exclu de l'église; autant d'années il demeurera parmi les auditeurs, autorisé à n'entendre que la lecture des pères et celle de l'Écriture et à y assister avec le peuple fidèle; la troisième série de neuf ans il priera avec les prosternés pénitents et alors seulement il en arrivera à la participation du saint don. Évidemment, la même distinction sera faite à son égard par celui qui administre l'église, et en proportion de son repentir on lui abrégera la durée de sa pénitence, en sorte qu'au lieu de neuf ans dans chaque degré il n'en fasse que huit ou sept ou six ou même cinq, si certes la grandeur de son repentir l'emporte sur la durée de la pénitence et que par l'ardeur mise à se corriger il surpasse ceux qui dans la longue pénitence se purifient de leur souillure avec un peu trop de nonchalance.

Quant au meurtre involontaire, il fut certes jugé excusable, mais point louable; j'ai dit cela pour expliquer pourquoi la règle traditionnelle ordonne que, même si l'on est tombé involontairement dans la souillure du meurtre, on sera privé de la grâce du sacerdoce, parce que l'on aura a été profané par ce crime sacrilège. Le temps de purification, fixé pour la simple fornication, est aussi celui qu'on a cru bon d'appliquer aux meurtriers involontaires. Évidemment, même dans ce cas la volonté du pénitent sera examinée, en sorte que si son repentir le mérite; on n'observera pas absolument le nombre des années, mais par un chemin raccourci on lui accordera d'être rétabli dans l'église et de participer au saint don.

De ceux qui, avant d'accomplir le temps de leur pénitence, sont sur le point de trépasser.

Si d'autre part quelqu'un avant d'avoir accompli le temps fixé par les règles traditionnelles trépasse, la miséricorde de nos pères veut qu'il entreprenne ce dernier et long voyage, après avoir reçu les dons sanctifiés, et non point privé du viatique. Si cependant après avoir pris part au don sanctifié, il revient à la vie, il attendra le temps fixé, restant dans le degré même de pénitence, dans lequel il se trouvait au moment où par nécessité il avait reçu la communion.

VI

Du vol.

Quant à la seconde espèce d'«idolâtrie», tel est en effet le nom que donne le divin apôtre à la cupidité, je ne sais pourquoi nos pères l'ont délaissé sans y remédier, Or, il me semble que ce vice est un mal qui touche aux trois parties de l'âme; car la raison péchant dans son jugement sur le bien s'imagine que ce bien se trouve dans la matière, sans élever son regard vers la beauté immatérielle; le désir aussi déchoit vers l'inférieur, détourné de ce qui est vraiment désirable; la disposition querelleuse et irascible de l'âme, elle aussi, puise de ce péché bien des occasions de malfaire. En un mot, cette maladie de l'âme répond bien à la définition de l'avarice que donne l'apôtre; car le divin apôtre l'a déclarée non seulement une «idolâtrie», mais encore «la racine de tous les vices». Et cependant une telle espèce de maladie fut délaissée sans examen et sans soins; pour cette raison précisément pareille infirmité prend tant d'ampleur dans l'église et personne n'examine les candidats à la cléricature, si par hasard ils n'ont pas été souillés par cette sorte d'idolâtrie.

Mais en cette matière, puisque nos pères l'ont laissée de côté, nous pensons qu'il nous suffira de remédier, autant que cela est possible, par la prédication publique de la doctrine chrétienne, en guérissant par la parole les diverses maladies de l'avarice comme on le fait pour certains vices qui foisonnent dans la foule. Seul le vol et la profanation des tombes et le vol sacrilège seront considérés par nous comme des vices, puisque telle est à ce sujet la tradition transmise jusqu'à nous par nos pères, bien que selon la divine Écriture et l'abus de la bonne foi et le prêt à intérêt et l'appropriation forcée du bien d'autrui, même faite sous le couvert d'un contrat, sont parmi les choses interdites.

Or, vu que nous inspirerions peu de confiance, si nous voulions établir des règles par nous-même, nous ne ferons qu'ajouter à ce qui précède les décisions canoniques traditionnelles sur les actes généralement reconnus comme interdits.

Le vol se divise en banditisme et en vol par effraction. Le but est certes le même pour tous les deux, enlever le bien d'autrui, mais leur différence est bien grande quant à leur intention; car le bandit appelle au secours de ce qu'il médite même le meurtre, et s'y prépare en choissant ses armes, ses complices et les lieux opportuns; par conséquent un tel sera soumis à la peine des meurtriers, si le repentir le ramène à l'Église de Dieu.

Par contre celui qui s'approprie le bien d'autrui en le dérobant en cachette, puis en confession il dévoile sa faute au prêtre, aura à guérir son mal en s'appliquant à l'acte opposé à son vice : il donnera, dis-je, ce qu'il peut aux pauvres et montrera par l'abandon de ce qu'il possède, qu'il est purgé du mal de l'avarice; s'il ne possède rien et n'a que son corps, l'apôtre ordonne de guérir le vice en question par la peine corporelle; voici ses paroles: «Que le voleur ne vole plus, bien au contraire, qu'il peine à faire ce qui ce doit, afin d'avoir à donner aux besogneux».

VII

De la division du péché de violation de tombeaux.

Le péché de violation des tombeaux se divise lui aussi en pardonnable et impardonnable. Si l'on a respecté la loi de la piété et laissé le corps enseveli inviolé, sans montrer à la face du soleil la laideur de la nature, et l'on s'est servi d"une partie des pierres placées devant la tombe pour construire quelque chose, ce n'est certes pas à louer, pas même cela, mais la coutume l'excuse, lorsque la transfert de la matière s'est fait pour quelque chose d'important et d'assez grande utilité commune.

Tandis que fouiller la poussière de la chair en poussière et remuer les ossements dans l'espoir de trouver quelque bijou de ceux que l'on a ensevelis avec le mort, cela fut condamné à la même peine que la simple fornication, avec la distinction précédente, c.-à-d. que celui qui administre observera les progrès de la guérison dans la vie de l'homme corrigé par les peines canoniques, afin d'abréger les délais de la pénitence fixée par les règles traditionnelles.

VIII

Des sacrilèges.

Le vol sacrilège fut jugé dans l'ancien Testament comme un mal aussi peu tolérable que le meurtre; car l'homme pris en flagrant délit de meurtre, comme celui qui a enlevé les biens voués à Dieu avaient à subir le châtiment de la lapidation.

Tandis que la coutume de l'église je ne sais pourquoi est assez condescendante et accommodante, en sorte qu'elle a fixé un remède plus supportable pour ce mal : car la Tradition des pères nous a transmis pour de tels pécheurs une pénitence de moindre durée que pour l'adultère.

Cependant, partout où il s'agit d'une faute, il convient avant tout de bien voir quelle est la disposition de celui qu'on corrige et penser que le temps ne suffit pas à la correction, - quelle guérison peut-elle en effet être opérée par le temps ? mais la volonté de celui qui se guérit lui-même par son retour à Dieu.

Voilà, à homme de Dieu, ce que nous vous envoyons, improvisé avec empressement, puisqu'avec empressement il faut obéir aux ordres de nos frères. Vous, de votre côté, ne cessez d'adresser à Dieu votre prière pour nous, comme vous le faites d'habitude; vous le devez, en effet, en fils reconnaissant à celui qui vous a engendré à Dieu, selon le commandement, qui ordonne «d'honorer ses parents, afin qu'on ait prospérité et longue vie sur cette terre».

Naturellement, vous recevrez cette lettre en signe d'amitié sacerdotale et vous ne déshonorerez pas ce don d'hospitalité, même s'il n'est pas tout à fait à la mesure de votre grande intelligence.