Elysées 2012

Du populisme*

Du peuple

Crise de confiance

Le populisme désigne un type de discours et de courants politiques, critiquant les élites et prônant le recours au peuple (d’où son nom), s’incarnant dans une figure charismatique et soutenu par un parti acquis à ce corpus idéologique1. Il suppose l'existence d'une démocratie représentative qu’il critique. C'est pourquoi ses manifestations ont réapparu avec l'émergence des démocraties modernes, après avoir connu selon certains historiens une première existence sous la République romaine.

1) Du populisme 2) Du peuple 3) crise de confiance 4) Cartographie

Cartographie du populisme

De tout ceci il y a un certain nombre de caractéristiques à quoi on peut reconnaître le populisme, même si le terme demeure ambivalent, ambigu :

- Fruit d'une crise de confiance le populisme est donc à la fois enfant de la crise et de la défiance à l'égard du politique.

- Il n'est pas mouvement rationnel mais bien plutôt passionnel : fruit de la peur devant l'avenir, peur de la déchéance - et quand il s'agit d'un populisme d'extrême-droite, peur de la décadence - le populisme n'est pas nécessaireent un mouvement durable. Au contraire, il est le résultat d'une impatience. (1)

- Pour cette raison même le populisme n'a pas véritablement de programme. Il a des exigences, des impatiences ; il a surtout peur. Mais si la représentation du monde qu'il nourrit est plus négative que positive, est plus un refus et une fuite devant la crise que le réel projet de créer un monde nouveau et autrement organisé, elle revient presque toujours à une restauration nostalgique d'un avant supposé meilleur, où le peuple était erntendu et pas bafoué ou méprisé.

- sans programme mais toujours avec un leader. Le populisme est affaire de contact, d'émotion, de sentiment de proximité : tout le contraire de la hauteur ou de la distance, de l'expertise ou de la rigueur scientifique que prétend adopter le responsable républicain. Le populisme est affaire de court-circuitage des intermédiaires : il ne veut donc avoir affaire qu'à des hommes pas à des institutions, des administrations. Encore moins à des théories.

- Mouvement de la peur, avec tous les risques que ceci comporte. Le populisme se joue souvent habilement de la canalisation de cette peur contre un Autre qu'elle s'est choisi. Stratégie du bouc émissaire que l'on connaît bien. A ce titre, il est toujours réactionnaire, au sens premier comme politique du terme, mais il n'est effectivement pas forcément d'extrême-droite. (2)

- Mais fruit aussi de la crise de la gauche : c'est bien aussi de l'impossibilité de la gauche d'offrir une alternative qui paraisse crédible, et, pour la France, de cesser de présenter le spectacle débilitant de querelles de chefs, que le populisme tire sinon sa source du moins sa force.

Au bilan

Un faisceau de caractéristiques qui permettent effectivement de cerner ce qu'on entend par populisme même si le concept reste encore aussi flou que le mouvement qu'il est supposé définir.

Un problème surtout : à la fois celui de la gauche enjointe de proposer une réponsecrédible à cette rupture de confiance, et celui du peuple lui-même dont les modes d'action politique restent toujours aussi problématiques.

On peut repenser à ce propos de F Mitterrand lors du dernier conseil des ministres avant la seconde cohabitation. Propos relayé par s Royal :

Moi je me souviens du dernier Conseil des ministres, j’étais ministre de l’Environnement à ce moment-là, c’était un moment profondément émouvant, puisque François Mitterrand était déjà très malade, et le testament politique qu’il nous a laissé, c’était : « Vous allez vous battre le dos au mur, vous verrez, il y a toujours les forces d’injustice qui voudront défaire la Sécurité sociale, qui voudront défaire les acquis sociaux. Vous vous battrez le dos au mur et parfois vous aurez le sentiment d’avoir perdu, eh bien il faudra vous relever, faire le sacrifice de vos temps personnels, et recommencer le combat. » Donc je crois que ce message-là, il reste extraordinairement d’actualité parce que c’est le cœur-même de la volonté politique, c’est de changer ce qui doit l’être. »

Autre façon de dire que c'est d'abord le problème de la gauche. Les remises en questions des acquis ont eu lieu ; il y a sinon tout, en tout cas beaucoup à reconstruire.

Penser le politique comme un combat et non pas comme un discours d'expert c'est cela aussi lutter contre les tentations populistes.

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1) ALEXANDRE DORNA, Le Monde

le populisme est surtout un phénomène de transition, éruptif et presque éphémère, qui se développe au sein d’une crise généralisée et d’un statu quo politico-social insoutenable pour les majorités. Il s’agit d’une sonnette d’alarme, d’un avertissement bruyant et baroque plutôt que d’une explosion qui emporterait tout sur son passage. Le populisme ne conduit pas forcément à un changement définitif de régime. Certes, si le message n’est pas compris par la classe dirigeante, alors l’appel au peuple représente une solution de rechange à une situation bloquée. La clef n’est pas l’effervescence sociale qui l’accompagne, mais le fonds émotionnel qui l’anime. Le ciment qui le rend cohérent n’est pas sociologique, mais psychologique. C’est une réaction de colère et de méfiance à l’égard des institutions et face aux forces centrifuges qui menacent les mythes fondateurs de la nation.

2) du même

Certains ont voulu assimiler le populisme au nationalisme et au fascisme. Nul ne peut sérieusement l’affirmer, sauf pour des raisons de rhétorique partisane. Le nationalisme autant que le fascisme expriment une conception totalisante du monde où l’identité nationale fait référence en dernière analyse à une doctrine de la race et au pouvoir sacralisé. De plus, l’appareil de l’Etat et l’armée, surtout dans le cas du fascisme, en sont les éléments essentiels, à la fois pour encadrer la masse avec une idéologie patriotique et/ou totalisante, et pour faire régner une discipline de fer, au nom de la tradition, de la race ou d’un chef dont le culte est le sommet de la hiérarchie formelle. Ces doctrines impliquent une théorie expansionniste de l’Etat, de surcroît hégémonique. La guerre est une conséquence jugée transcendante. On ne retrouve rien de cela dans le mouvement populiste.
Par conséquent, classer M. Le Pen dans la catégorie « national-populiste », comme le font certains politologues, est fort contestable. Cette assimilation risque de banaliser la signification profonde du Front national et, à la fois, de jeter le discrédit sur les manifestations populaires : tout appel au peuple cacherait-il une volonté de faire triompher une idéologie par nature contraire aux valeurs de la démocratie ?


Références

Chêne Janine et al., La tentation populiste au coeur de l'Europe, Paris, La Découverte «Recherches », 2003, 320 pages.
une série d'articles concernant la question. accessible sur CAIRN

Voir aussi de Michel Winock sur Persee.fr un article plus ancien (1997 ) mais qui demeure pertinent

Monde diplomatique (nov 2003)